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Ma Bibliothèque... verte ! - Page 5

  • Les Royaumes du Nord (P. PULLMAN)

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    La trilogie de Philip PULLMAN, il y a longtemps que je la voyais traîner sur les étagères des librairies. A chaque fois, j'hésitais, je le prenais puis le reposais, n'étant pas complètement convaincue par le résumé que j'en lisais. L'univers de Tolkien, l'heroïc fantasy, ce n'est pas trop mon truc et A la croisée des mondes me semblait plus appartenir à cet univers qu'Harry Potter... Et puis je me suis décidé ces dernières semaines... Et cette lecture m'a laissé un sentiment étrange.

    Les_Royaumes_du_Nord

    "Élevée dans l'atmosphère confinée du prestigieux Jordan College, Lyra, accompagnée de son daemon Pantalaimon, passait ses journées à courir dans les rues d'Oxford à la recherche éperdue d'aventures. Cette vie insouciante prend fin pourtant lorsqu'elle est confiée à Mme Coulter, au moment où Roger, son meilleur ami, disparaît, victime des ravisseurs d'enfants qui opèrent dans tout le pays. Mais lassée de jouer les petites filles modèles, et intriguée par la Poussière, une extraordinaire particule qui suscite effroi et convoitises, Lyra s'enfuit et entame un voyage vers le Grand Nord, périlleux et exaltant, qui lui apportera la révélation de ses extraordinaires pouvoirs et la conduira à la frontière d'un autre monde."

    Si je suis entrée sans souci dans cet univers insituable (est-on dans le passé, le présent, le futur - ou plutôt un "autre monde", parallèle au nôtre), si j'ai apprécié la narration fluide, le personnage de la jeune Lyra, l'ensemble m'a laissé, disons-le, un sentiment de profond malaise. L'histoire m'a horrifiée ! Et de penser qu'il s'agissait initialement de littérature-jeunesse n'a fait que renforcer ce sentiment. Je ne sais pas si un adolescent lisant cette histoire y met la même charge émotionnelle que j'ai pu y mettre, mais j'ai trouvé ce livre profondément traumatisant, tragique dans le plein sens du terme. Deux autres volumes continuent l'histoire mais j'avoue que je n'ai pas le courage de lire (cependant, soyons honnêtes, j'ai cherché à en savoir plus en allant consulter l'article de Wikipédia sur la trilogie...).

    Il est difficile de choisir un passage parmi d'autres, l'histoire étant très riche d'une part, et de l'autre si pleine de suspense que l'on craint de trop en dire. J'ai cependant gardé un extrait situé dans les premiers chapitres et montrant les "enfourneurs", ces ravisseurs d'enfants, en action . beaucoup d'éléments de l'histoire y sont présents : l'aspect féerique, le tragique, et cette façon pour le narrateur de se placer au sein de histoire, parmi ses personnages.

    Le petit Tony Makarios n'était pas le seul enfant à avoir été capturé par la femme au singe doré. Il découvrit dans la cave de l'entrepôt une douzaine d'autres enfants, des garçons et des filles, dont aucun n'avait plus de douze ou treize ans, même si, comme lui, ils ignoraient quel était leur âge exact. Mais Tony ne remarqua pas, bien évidemment, l'autre point commun qu'ils partageaient tous. Aucun des enfants réunis dans cette cave chaude et moite n'avait atteint la puberté.

    La gentille femme le fit asseoir sur un banc appuyé contre le mur, et demanda à une servante silencieuse de lui apporter une tasse de chocolat chaud, puisé dans une casserole posée sur le poêle. Tony mangea le restant de sa tourte et but le breuvage chaud et sucré sans prêter grande attention à son entourage, qui le considérait avec la même indifférence : il était trop petit pour représenter une menace, et trop flegmatique pour faire une victime satisfaisante.

    Ce fut un autre garçon qui posa la question évidente :

    -Hé, madame ! Pourquoi vous nous avez amené ici ?

    C'était un petit voyou à la mine farouche, avec du chocolat autour de la bouche et un rat décharné en guise de daemon. La femme discutait avec un homme robuste qui ressemblait à un capitaine de navire, près de la porte, et quand elle se retourna pour répondre, elle eut l'air si angélique dans la lumière des lampes à naphtes sifflantes que tous les enfants firent silence.

    - Nous avons besoin de votre aide, dit-elle. Vous voulez bien nous aider, n'est-ce pas ?

    Personne n'osait dire un mot ; les enfants la regardaient fixement, intimidés tout d'un coup. Ils n'avaient jamais vu une femme comme celle-ci : elle était si gracieuse, si douce et gentille qu'ils n'en croyaient pas leur bonne étoile, et quoi qu'elle leur demande, ils se feraient un plaisir de le lui donner pour pouvoir rester un peu plus longtemps en sa présence.

    Elle leur expliqua qu'ils allaient partir en voyage. Ils seraient bien nourris, auraient des vêtements chauds, et ceux qui le souhaitaient pouvaient envoyer une lettre à leurs parents pour leur dire qu'ils étaient sains et saufs. Le capitaine Magnusson les conduiraient bientôt à bord de son bateau et, dès que la marée le permettrait, ils prendraient la mer en mettant le cap vers le nord. [...]

    Après quoi, les enfants se pressèrent autour d'elle pour lui dire au revoir. Le singe au pelage doré caressa tous les daemons, et les enfants touchèrent le manteau de fourrure pour se porter chance, ou puiser auprès de cette femme du courage et de l'espoir. Elle leur souhaita à tous un bon voyage et les remit entre les mains du capitaine à l'air si téméraire, à bord d'un bateau à vapeur amarré à quai. Le ciel s'était assombri ; le fleuve était une masse de lumière flottante. Debout sur la jetée, la belle dame leur adressa des signes de la main, jusqu'à ce qu'elle ne distingue plus leur visage.

    Puis elle retourna à l'intérieur de l'entrepôt, le singe toujours niché contre sa poitrine, et elle jeta le petit paquet de lettres dans le poêle, avant de repartir par où elle était venue.

    Philip PULLMAN, Les Royaumes du Nord, 1995.

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  • Loin de vous ce printemps (M. WESTMACOTT)

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    Je n'avais encore jamais eu la curiosité de me pencher sur les romans "autres" d'Agatha CHRISTIE. J'ai été et je reste une inconditionnelles de ses romans policiers, de facture si classique et si similaire, mais d'une telle efficacité. De la même manière, j'apprécie les Patricia WENTWORTH pour leur charme désuet. Vous pouvez lire à ce sujet la discussion entamée chez Clarabel.

    Je me souviens que la première fois que je suis allée en Angleterre, j'avais l'impression de me promener dans un Agatha Christie ! Le moindre petit cottage fleuri m'évoquait les rues de St Mary Mead, le fief de Miss Marple ! Un peu comme aller à New York me donnait l'impression d'être dans Woody ALLEN.

    Loin_de_vous

    Je savais qu'Agatha CHRISTIE avait tâté du "roman conventionnel". N'osant utiliser son nom de plume "connu", elle avait adopté celui de Mary WESTMACOTT pour publier trois romans. Tombant par hasard sur l'un d'eux, Loin de vous ce printemps, je m'y suis plongée. C'est drôle car s'il n'est pas du tout un whodunit, cela reste néanmoins un Agatha CHRISTIE pur jus : une femme qui part explorer son passé à la manière d'un détective, l'ironique habitude de fustiger des personnages appartenant à une société bien codifiée, une narration qui recourt énormément au style indirect libre, qui permet de restituer les pensées du personnage tout en restant dans un point de vue apparemment extérieur, les références shakespeariennes, un pessimisme profond, tout Agatha CHRISTIE y est !

    "Joan Scudamore, l'héroïne de ce récit, est une femme parfaite et consciente de l'être. Jusqu'au jour où, désoeuvrée, obligée d'attendre en plein désert le train qui la ramènera dans son douillet petit nid anglais, elle commence à évoquer son mari, ses trois enfants...

    Détective lancée sur sa propre vie passée, elle rassemble, petit à petit, les pièces du puzzle : une parole, un geste de l'un de ses proches, et un portrait se dessine, inattendu, horrible - le sien..."

    Il faut bien reconnaître que ce roman n'a pas l'efficacité redoutable d'un des romans policiers de la grande Agatha. S'il se lit sans déplaisir, la dernière partie sombre un peu dans le verbeux et finit par tourner en rond. Cependant, l'idée est intéressante et les conclusions, ma foi, assez édifiantes...

    L'extrait que j'ai choisi se situe au coeur du roman : Joan, partie se promener une fois de plus dans le désert afin de fuir la miséreuse pension où elle tourne en rond, attendant son train, croit s'être perdue.

    Elle pressa le pas. A tout prix, il fallait s'éloigner de cet horrible Relais, de ce tombeau, de cet endroit tellement lugubre où elle étouffait...

    Où l'on imaginerait facilement des fantômes...

    Mais quelle idiotie ! Cette bâtisse portait bien la marque d'une construction récente, vieille tout au plus de deux ans.

    Un édifice neuf ne pouvait être hanté de fantômes, tout le monde le savait.

    Non, s'il y avait des fantômes  au Relais, c'est qu'elle, Joan Scudamore, les créait de toutes pièces.

    Mais cette pensée-là, justement, était odieuse.

    Elle accéléra le pas.

    "En tout cas, se dit-elle résolument, personne ne se moquera de moi, ici. Je suis strictement seule. Je suis sûre de ne rencontrer personne."

    Elle était dans le cas de... Qui donc ? Était-ce Stanley et Livingstone qui s'étaient rencontrés par hasard dans la brousse africaine ?

    "Docteur Livingstone, je présume ?"

    Elle ne courait pas de risque semblable, ici. Le seul être qu'elle pouvait rencontrer, c'était Joan Scudamore !

    Quelle idée baroque ! Rencontrer Joan Scudamore !

    "Ravie de faire votre connaissance, Mrs Scudamore !"

    Au fond, c'était intéressant...

    Faire la connaissance de soi-même...

    Être présentée à soi...

    Mais, Dieu ! quelle horreur !

    Elle marcha de plus en plus vite et en vint presque à courir, en trébuchant un peu. Et ses pensées trébuchaient, comme ses pieds.

    Mary WESTMACOTT, Loin de vous ce printemps, Le Livre de poche, 1944.

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  • L'interprétation des meurtres (J. RUBENFELD)

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    Voici un roman que j'ai saisi avec bonheur ! Un gros pavé comme je les aime, à la fois policier, historique et érudit ! 470 pages de bonheur en perspective, jugez un peu :

    "1909. Sigmund Freud est à New York pour donner une série de conférences sur la psychanalyse. Au même moment, une jeune femme de la bonne société est étranglée après avoir été sauvagement torturée. Freud, fatigué, malade, en butte à l'hostilité de l'intelligentsia locale, se retrouve malgré lui impliqué dans l'enquête que mène l'inspecteur Littlemore...

    Des bas-fonds de Chinatown aux hôtels particuliers de Gramercy Park, ce thriller à l'intrigue impeccable nous plonge dans le New York en mutation du début des gratte-ciel."

    L_interpr_tation_des_meutres

    C'est dire l'avidité avec laquelle je dévorai les cent premières pages ; j'ai adoré ce New York du début du siècle, cette histoire urbaine qui se déroulait sous nos yeux. J'ai apprécié les enluminures psychanalytiques, même si, je dois le reconnaître, j'ai parfois survolé les théories freudiennes qui s'étalaient sur plusieurs paragraphes. Et puis, et puis...

    Le pauvre esprit que je suis s'est lassé de cette narration tantôt à la première tantôt à la troisième personne, mais continuant à parler de la première (!). Il s'est lassé aussi de ces querelles de clocher autour des fils spirituels du grand Freud et de tous ces éminents médecins qui se tiraient dans les pattes. Il s'est carrément embrouillé dans les méandres de cette histoire où les morts ne sont pas morts, où les méchants jouent tous double jeu et où les personnages manquent de consistance.

    Je dirai que Jed RUBENFELD a voulu trop bien faire : écrire un premier roman qui démontre à la fois sa compétence professionnelle (diplômé de Princeton, il a soutenu une thèse sur Freud), sa culture (Hamlet et une grande partie de l'oeuvre de Shakespeare est largement commentée, "dépiautée" à la sauce psy) et son talent d'auteur. Le tout donne un pavé plutôt indigeste, où l'on arrive laborieusement à la fin en se disant "tout ça pour ça ?"

    Voici le préambule du roman :

    C'est en 1909, accompagné de son disciple Carl Gustav Jung, que Sigmund Freud fit son seul et unique voyage aux États-Unis, pour donner une série de conférences à l'université Clark, dans le Massachusetts. Cette université lui remit également un doctorat honoris causa, première distinction publique décernée pour l'ensemble de son oeuvre. Malgré l'immense succès de cette visite, par la suite, Freud en parla comme d'une expérience traumatisante. Il traitait les Américains de "sauvages", et déclarait que son séjour dans ce pays lui avait laissé des séquelles physiques - en réalité il souffrait alors déjà de ces problèmes de santé. Les biographes se sont longtemps interrogés sur ce qui avait pu se produire là-bas. Ils ont même envisagé la possibilité d'un événement inconnu de tous, expliquant ces réactions autrement incompréhensibles chez Freud.

    Jed RUBENFELD, L'Interprétation des meurtres, 2007

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  • Cancer and the city (M. ACOCELLA MARCHETTO)

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    Ne vous fiez pas au titre, particulièrement imbécile, malgré toute l'affection que je puis porter à Carrie Bradshaw et ses amies : ce livre n'a absolument rien à voir avec cette fameuse série télé. Evidemment, les chipoteuses me diront : "Mais si... ça se passe à New York... dans la bonne société branchée... etc..." N'empêche, Marisa ACOCELLA MARCHETTO a réussi a produire un livre unique en son genre : le journal de bord d'une femme atteinte d'un cancer du sein, en BD et en humour.

    Cancerand_the_city

    La quatrième de couverture annonce d'emblée la couleur : "Que se passe-t-il quand une New-Yorkaise, éternelle célibataire enfin amoureuse, se découvre une tumeur au sein ? Marisa Acocella Marchetto est illustratrice. A 43 ans, elle est au top de sa carrière et de sa vie amoureuse. Elle mène à Manhattan la vie branchée d'une héroïne de Sex and the City. Soudain tout bascule : elle apprend qu'elle est atteinte d'un cancer du sein. Avec un graphisme décapant, entre rires et larmes, elle raconte son combat puis sa victoire contre la maladie. Son livre est vivant, surprenant, souvent drôle et poignant à la fois. Marisa n'oublie jamais son humour, sa féminité, sa créativité. Onze mois dans la vie d'une femme, où il est question d'amour, d'amitié, de shopping, de travail, de dîners, de lofts ... et de cancer."

    Et Marisa ACOCELLA MARCHETTO  réussit un miracle : elle nous entraîne dans son histoire, nous fait partager ses souffrances, ses peines, ses bonheurs aussi, et produit également un livre tout à fait pédagogique ; point par point, elle détaille les étapes de la maladie, le traitement, ses conséquences, tout en n'oubliant pas de rester une fille (le personnage de la mère est excellent), une jeune mariée (Silvano est admirable en tout point) et une copine. C'est cette grande humanité qui rend son livre passionnant. Et si je fus déroutée, je l'avoue, au début, par la forme illustrée, je dois reconnaître que je me suis complètement laissée embarquer par son histoire.

    L'extrait qui suit raconte sa première mammographie. Tout l'esprit du livre y est : humour, réalisme...Voici donc :

    cancer_1

    cancer_2

    Marisa ACOCELLA MARCHETTO, Cancer and the City, L'Iconoclaste, 2007.

    A savoir : une partie des bénéfices de l'ouvrage sera reversé à l'Institut de Cancérologie de Villejuif. pour en savoir plus, allez sur le site de l'éditeur ici.

    N'oubliez pas :

    Et puis, rappel d'une des premières chansons qui évoqua le cancer, triste ironie du sort :

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  • Policiers

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  • Il n'y a pas de grandes personnes (A. DE SAINT-ANDRE)

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    Voilà bien le livre le plus décevant qu'il m'a été donné de lire depuis longtemps !

    Il_n_y_a_pas_de_grandes_personnes

    Cela commençait pourtant bien. Je dirai même tambour battant :

    Déjà trop grandes pour être des petites filles, mais pas encore assez vieilles pour être des jeunes filles, nous étions à l'âge où on lit. Délaissant les bibliothèques rouge et or, rose ou verte, nous dévorions tout papier imprimé sans images, surtout les livres de poche, faciles à planquer sous les bureaux pendant les cours. Il ne s'agissait pas, bien sûr, d'oeuvres au programme, mais de bouquins qui arrivaient par la bande, par les copines ou leurs grandes soeurs. Plus ils étaient gros, mieux c'était. Les sagas familiales ou les pavés dits "romantiques" avaient la cote. Avec Zola. Autant en emporte le vent et les Rougon-Macquart étaient les deux mamelles de la lecture ; les Jalna et Boris Vian, ensuite. Les Misérables en outsider. Il y avait aussi des filles qui ne lisaient pas, mais on n'était pas non plus obligées de leur parler.

    Ces lectures dévorantes entraînaient des échanges, des prêts, mais rarement des discussions au-delà du qualificatif génial. Tout était bien, vachement bien même, et il était impensable de critiquer, même un prétendant idiot de Scarlett O'Hara. On lisait à toute allure, en accélérant dans les tournants ; on prenait des livres comme on prend le train.

    Et nous foncions ainsi, à toute vitesse, à côté de la littérature ; ça aurait pu durer longtemps.

    Alix de SAINT-ANDRE, Il n'y a pas de grandes personnes, Gallimard, 2007.

    Ce premier chapitre, décrivant d'un ton alerte et plein de drôlerie, les rencontres d'Alix de SAINT-ANDRE avec :

    1. la littérature

    2. une enseignante hors-pair

    3. Malraux

    4. les copines parisiennes

    5. Proust

    crée l'illusion : on croit que tout sera comme ça... Le problème, c'est qu'une fois passés les quatre premiers chapitres, c'est-à-dire arrivé à la page 95, cela se corse. La narratrice se met en devoir de nous raconter sa vie (journaliste, puis chroniqueuse-télé chez Jérôme Bonaldi et enfin auteurs de livres divers et variés), tout en entremêlant ça de réflexions sur les vies et oeuvres respectives de Malraux, bien sûr, Proust, Chateaubriand, Rousseau et même Saint Augustin ! "Je n'avais pas la vocation", écrit-elle page 98 pour justifier de n'avoir pas présenté l'Agrégation de Lettres. Et bien disons qu'elle se rattrape ! Alix de SAINT-ANDRE n'hésite pas à exhumer son mémoire de maîtrise (Les Antimémoires : une anti-Recherche du Temps perdu ?) qui lui valu une mention Très bien, nous précise-t-elle modestement et à reprendre en long et en large les manuels scolaires pour en extraire la substantifique moelle en lui redonnant un ton plus "djeune" : " Les coeurs secs ! Les scélérats ! Le vilain Voltaire !"

    Le livre compte 411 pages. C'est long. Même si le name-dropping fonctionne à fond et que l'auteur nous détaille ses complicités avec Florence (Malraux), Françoise (Giroux), à ne pas confondre avec la Françoise de Florence (Sagan), on se surprend à survoler les pages, où les citations des auteurs sus-cités sont de plus en plus longues, et on s'attarde sur de petites choses que je n'aurais jamais cru trouver dans la collection blanche, ainsi : "J'intervenais après la pose, prise dans cette charmante impasse fleurie et pavée, dans la seconde partie..." page 309 ou encore, page 313 "il racontait des anecdotes d'une voix théâtrale et onctueuse, la tête en arrière, avec un rien de pause que sauvait une rondeur enfantine..." Ils n'auraient pas des problèmes avec les homonymes, chez Gallimard ?

    Bref, ne vous fiez pas à la quatrième de couverture : " Malraux et moi, ce fut une grande, histoire, et j'aimerais trouver pour en parler aujourd'hui les accents de ma passion d'alors, qui exaspéra souvent mes amis les plus intimes, et fit rigoler les autres. J'éprouve la même difficulté que les gens qui racontent un premier amour. Je l'aime toujours, bien sûr, mais mon cœur ne fait plus un bond en voyant ses photos, mes joues ne se mettent pas en feu à chaque fois que j'entends prononcer son nom, mon cœur n'est pas "brûlant dans ma poitrine" quand je parle de lui. C'est un peu poussiéreux ; cela devrait me rassurer, mais m'attriste, en réalité.
    Reste toujours sa voix. Je ne peux pas l'entendre sans que mon poil se hérisse, et que ma gorge se noue.
    Il est mort, bien sûr, mais le fait qu'il fût vivant n'a jamais eu une très grande influence sur note vie commune. "
    Depuis un coup de foudre lors d'une dictée par un gris matin d'automne dans un collège du Maine-et-Loire, sa folle passion a conduit Alix de Saint-André à toute sorte d'extrémités. Pour l'amour de Malraux, elle a acheté des chats de gouttière, appris la grammaire espagnole. visité la Bosnie en guerre, organisé une campagne télévisée, péroré à la chaire d'universités new-yorkaises, tenté un acrobatique ménage à trois avec Proust, traqué sa trace chez Chateaubriand, assassiné Rousseau, poursuivi toutes ses femmes d'une jalousie féroce et même kidnappé sa fille dans les pages d'un roman. Jusqu'au jour où elle s'est retrouvée face à face avec Florence, la véritable fille de son héros...

    Écrivain, Alix de Saint-André a été journaliste de presse écrite (Le Figaro Magazine, Elle) et de télévision à Canal +. Après un polar noir, un essai de théologie angélique, un roman sur le Panthéon et une hagiographie de sa nounou, Il n'y a pas de grandes personnes est son cinquième livre. Mélangeant souvenirs, réflexions et citations, il appartient à ce nouveau genre littéraire que Malraux avait baptisé " machin ". "

    C'est un leurre...

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  • Dérive sanglante (W. G. TAPPLY)

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    C'est d'abord une couverture noire où se détache, en haut, une photographie absolument magnifique. Un noir et blanc de bord de mer, lumineux et intense, que l'on retrouve dans les pages intérieures.

    derive_sanglante

    L'histoire est a priori celle d'un roman policier banal : "Suite à un improbable accident de montagne qui lui a fait perdre la mémoire, Stoney Calhoun est un homme sans passé. Cinq ans après avoir quitté l'hôpital, une confortable somme d'argent en poche, il a refait sa vie dans le Maine et coule des jours paisibles entre la boutique de pêche où il travaille et sa cabane enfouie au coeur des bois. Jusqu'à ce que son meilleur ami disparaisse.
    Calhoun se lance alors sur sa piste et accumule les découvertes macabres. Au fur et à mesure, il se découvre d'inattendus talents d'enquêteur qui vont le confronter aux fantômes de son passé.
    Première aventure de Stoney Calhoun, Dérive sanglante nous promène à travers les paysages idylliques et chargés d'histoire du Maine, jusqu'à un final aussi violent qu'étonnant."

    Et pourtant, c'est à quelque chose de tout à fait différent que nous avons affaire. William TAPPLY vient de créer un genre inédit : le polar contemplatif. Certes il y a un meurtre, certes on croise des policiers, certes l'énigme semble devenir plus trouble à chaque page, mais l'essentiel n'est pas là. L'essentiel, c'est ce personnage étonnant de Stoney Calhoun, qui s'est installé il y a cinq ans dans le Maine, après avoir quitté l'hôpital d'Arlington (Virginie), où il venait de passer dix-huit mois, avec en poche un chèque de vingt cinq mille dollars et une carte de crédit à son nom. (...) Quelqu'un avait de sacrées obligations envers lui. Mais quand il avait cherché à en savoir plus, il n'avait pu obtenir de réponse à ses questions. Calhoun n'avait pas insisté. Il n'avait sans pas intérêt à raviver certains souvenirs.

    Et c'est autant une enquête sur la mort de son meilleur ami qu'une enquête sur lui même que mène Calhoun. En avançant dans ses recherches il découvre que la mort lui est familière, certains gestes aussi, bref, qu'il a sans doute en lui des choses qu'il ne préférerait pas connaître.

    Outre ses romans policiers, l'auteur, William G. TAPPLY, collabore régulièrement à des revues de pêche. Le sujet lui est manifestement familier et cela donne à son roman un ton tout à fait particulier. Je ne parlerai pas de "polar écologique", on en est loin, mais il décrit magnifiquement les paysages du Maine, la sérénité d'un montage de mouche ou encore le suspense d'une partie de pêche. Quoique terrible dans sa conclusion, c'est cependant un roman que l'on pourrait qualifier "d'oxygénant".

    Les premières lignes :

    Il était environ huit heures du matin lorsque Stoney Calhoun entendit la sonnette tinter : signal qu'on passait le seuil de la boutique. Il leva les yeux de son étau. Un homme aux cheveux blancs se tenait dans l'embrasure de la porte, d'où il examinait le casier des cannes Sage et Orvis adossées au mur. Calhoun reporta son attention sur la mouche presque achevée dans son étau.

    Une minute plus tard, l'homme était devant lui.

    - Nom de nom, qu'est-ce que c'est que ça ?

    Calhoun garda les yeux baissés.

    - Une bunker fly, marmonna-t-il avec l'accent du coin, ce qui donnait quelque chose comme "bunka fly".

    Il en remettait toujours une louche pour les clients des autres états, histoire de faire couleur locale. C'était une idée de Kate : les touristes, les gens des plaines, tous ceux qui "venaient de loin" - et ce vieux type avec son pantalon de toile tout juste sorti du pressing, ses mocassins rutilants, son polo vert boutonné jusqu'au cou et son accent garanti vieux Sud, si lui ne venait pas de loin ! -, tous ces gens-là s'attendaient à ce que Calhoun parle comme un guignol de pub télévisée. Et Kate était d'avis qu'ils seraient plus enclins à dépenser leur argent dans sa boutique s'ils n'étaient pas déçus.

    - Un peu plus de "ouaip", Stoney, lui disait-elle sans répit. Joue les taciturnes. Et si tu arrives à le placer, dis-leur des trucs comme "Y a pus d'saison, mon pauv'monsieur".

    Kate était la patronne, alors Calhoun s'efforçait de faire comme elle disait.

    William G. TAPPLY, Dérive sanglante, éditions Gallmeister, 2007.

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  • Abécédaire

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  • Aux mères, à leurs filles, à celles qui le seront... (G. BRISAC)

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    En ce jour de Fête des mères, ce n'est pas de cuisine que je vais vous parler. Ni même de gourmandise. Non, ce sera de maternité. Lisant récemment le dernier livre de Geneviève BRISAC, je suis tombée en arrêt devant ce texte, la "nouvelle" 21 du recueil. Car ce livre est un OLNI, un Objet Lisant Non Identifié : une succession de petites histoires, de nouvelles, comme autant de fragments de conversations surprises, parfois longs, parfois éclairs.

    Et j'avoue avoir été très sensible au passage suivant, l'histoire de cette femme qui s'apprête à accoucher pour la première fois et ne sait pas à quoi s'attendre. Qui ne comprend pas la sérénité des autres. Qui se questionne. Qui interpelle. cela m'a rappelé cette phrase que l'on me répétait à la maternité lorsque je venais d'accoucher de ma fille et que je passais mon temps à me demander si je faisais bien : "Mais ne vous inquiétez pas, vous êtes faite pour être mère !" Phrase qui avait le don de m'angoisser. Je me disais : "Et si non ? Et s'il y avait eu un bug avec moi ? Peut-être que je ne suis pas faite pour ça..."

    Presque huit ans plus tard, je ne sais toujours pas si je suis faite pour être mère, mais j'y prends chaque jour un plaisir que je n'aurais pas imaginé Avoir un enfant, puis d'autres, vous fait découvrir que vous êtes à la fois la plus puissante et la plus faible des femmes : vous donnez la vie, certes, et puis vous ne maîtrisez plus rien ! Et vous vous en accommodez... Je dédie donc ce texte à ma mère et à ma fille :

    Je sais que je n'y arriverai jamais, ai-je murmuré au docteur en pleine séance d'hypnose collective, en plein vaudou rationaliste.

    Oum, kalsoum, soufflez, aspirez, gonflez le ventre.

    Ça, c'est impossible, nous sommes toutes au maximum, ai-je murmuré.

    Quel mauvais esprit, a soupiré le docteur et n'allez pas croire que vous êtes originale, il y en a toujours une pour jouer votre rôle, que j'ose nommer le rôle de l'emmerdeuse. Les intellectuelles, quelle purge.

    Je sais que je n'y arriverai jamais et je mourrai, j'en suis sûre, ai-je dit devant tout le monde.

    Et là, j'ai eu tort. Les autres ont continué leurs génuflexions, enthousiastes, respirations de petits chiens.

    Moi, le docteur m'a convoqué. [...]

    Le docteur est en colère. Il postillonne, je n'en crois pas mes joues que j'essuie précipitamment.

    Ça suffit, crie-t-il. Personne ne meurt en couches, c'est quoi, cette histoire ridicule ? Tout le monde y arrive, même vous, vous verrez. C'est naturel. Vous comprenez. Naturel. Il crie. Des milliards de femmes ont, au cours des siècles, donné le jour à des milliards de bébés qui à leur tour. [...]

    J'aimerais vous y voir, dis-je d'une toute petite voix.

    Oui, je sais bien que tout cela est extrêmement naturel. Mourir aussi, dis-je. Exactement pareil. N'en faisons pas un fromage.

    Ne dérangeons personne.

    Je ne veux déranger personne, je vous le jure. Juste je voudrais que quelqu'un m'écoute, plutôt une femme, c'est vrai, qui me rassurerait, sans mots. Qui ne me donnerait pas cette impression terrifiante de devoir sauter dans le vide et sans parachute, comme si c'était la chose la plus banale du monde. [...]

    Quand je dis accouchement, je ne vois rien devant, rien après. Un gouffre, le néant. Et toutes ces femmes qui gloussent, qui rebondissent sur le carrelage aux camaïeux de bleu, toutes ces femmes tranquilles, apaisées d'avance, loin de me rassurer, me donne un sentiment encore plus aigu de mon impuissance.

    Le docteur s'est un peu adouci.

    Elles sont plus intelligentes que vous. Elles font confiance à la nature, à la médecine, elles savent que tout ira bien. [...]

    Un enfant, une petite fille est là où il n'y avait personne. La parturiente, l'accouchée, est censée savoir d'où elle vient, le mystère de la vie, elle en est le témoin, et le sujet. [...]

    La petite fille respire doucement, et puis elle crie, elle a faim, allongez-vous, allongez-la à côté de vous.

    Cette année, c'est ainsi qu'on donne le sein.

    Je n'y arrive pas.

    Nous n'y arrivons pas, le bébé et moi.

    Nous sommes ridicules.

    Surtout moi.

    L'infirmière crie. Elle m'engueule.

    C'est pourtant naturel de donner le sein !!! Vous êtes idiote ou quoi ? La nature, la na-tu-re...

    Elle répète ces syllabes en remplissant sa bouche de sa colère et de sa langue.

    C'est vrai, la nature et moi, nous nous connaissons très peu, dis-je à voix basse.

    Quand vous aurez fini de faire le pitre !

    Elle claque la porte, elle sort en claquant la porte.

    Je regarde par la fenêtre, j'espère une aide qui ne vient pas. Je n'ose pas dire que je me sens si mal, allongée, avec un tout petit enfant plaqué contre moi et qui hurle de rage et qui pleure de faim.

    Seules, nous sommes, si seules, l'enfant et moi.

    A la fin, j'ose m'asseoir contre les coussins, la petite fille pleure dans le creux de mon bras, les images de la Vierge à l'enfant m'envahissent. La peinture. Robes bleues. Elle tète sans peine.

    Le temps passe. Une page que l'on tourne. Elle a vingt ans.

    Les nuages filent dans le ciel ; deux ou trois boutons de roses, sur le balcon, tentent d'éclore. Le soleil baisse doucement, les rues sont vides comme elles le sont les dimanches d'été, et moi je sanglote, perdue, couchée en chien de fusil, sur un matelas de fortune.

    Ma seule Étoile est morte, et mon luth constellé porte le soleil noir de la mélancolie.

    Ou : les caisses en carton, les cartons vides de pêches et de cerises récupérés chez le marchand de fruits viennent de débarrasser le plancher, notre plancher si longtemps partagé, l'enfant a quitté la maison.

    Il y a vingt ans, c'était l'hiver et rien de tout ceci n'était imaginable.

    On vous a dit pourtant que la vie était courte.

    Paroles inanes, paroles inaudibles, paroles qui font rire, il n'y a pas tellement de quoi.

    Elle a quitté la maison ce soir.

    Pas de quoi fouetter un chat.

    Pas de quoi passer un coup de fil pour se plaindre.

    Pas de quoi. Le rien me guette.

    On nomme la naissance : "délivrance".

    Celle-ci est la seconde naissance, la seconde délivrance, qu'il faut accepter et recevoir, exactement comme la première, nous sommes ici pour ouvrir le chemin : je t'en prie, ma libellule, envole-toi, déplie tes ailes bleues.

    Il y a vingt ans, il faisait froid. Tu naissais d'un éclat de rire. A chaque jour suffit sa peine, je sais que je n'y arriverai jamais, disais-je. Comment aurais-je su, si tu n'étais pas née. Je n'ai rien compris à ce qui s'est passé.

    Mais ne crains rien, je serai toujours là pour toi.

    Geneviève BRISAC, 52 ou la seconde vie, 2007.

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