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Michael Tolliver est vivant (A. MAUPIN)

Imprimer Catégories : Ma Bibliothèque... verte !

Michael TOLLIVER est vivant, c'est lui qui le dit, qui le raconte, qui l'écrit. Mais Michael TOLLIVER, c'est qui ? Mais c'est Mouse, voyons ! Celui qu'on a connu jeune homosexuel à la recherche du grand amour dans les années soixante-dix, que l'on a vu vivre en couple, s'endeuiller et, finalement, tomber malade avant de ressusciter par la magie de l'amour, de la littérature et de San Francisco.

Ce que je vous dis vous paraît obscur ? Alors je vais essayer de remettre les choses dans l'ordre.

En 1976, à San Francisco, il y avait une maison, située au 28, Barbary Lane. La logeuse s'appelait Anna MADRIGAL et la maison hébergeait un ensemble de personnalités aussi diverses qu'attachantes : il y avait Mary Ann, la petite provinciale débarquée de Cleveland. Tombée amoureuse de Michael, dit "Mouse". Amour impossible, Michael étant homosexuel : ils deviendront meilleurs amis. Il y avait aussi Mona, lesbienne aspirant à la légitimité. Et puis Brian, le serial séducteur, qui finira par épouser Mary Ann, mais ce sera dans un autre tome. Et puis plein d'autres encore. Tout ce petit monde vivait heureux sous la houlette herbée de Madame MADRIGAL. C'était la parenthèse enchantée - ou du moins la fin - et c'est le tableau d'une époque que nous brosse Armistead MAUPIN à travers ces chroniques. Il y en eut six. Ce furent d'abord des chroniques écrites pour le San Francisco Chronicle à partir de 1976, avant d'être réunies en six volumes s'intitulant successivement Chroniques de San Francisco, Nouvelles Chroniques de San Francisco, Autres Chroniques de San Francisco, Babycake, D'un Bord l'autre et Bye Bye Barbary Lane.

Les chroniques de San Francisco, c'est un genre d'Ensemble c'est tout version gay. Du Gavalda passé à la moulinette des années soixante-dix, puis quatre-vingts et enfin quatre-vingt-dix. Il y a des homos, des hétéros, des barjots, une grande maison fédératrice et des personnages humains. très. Trop parfois. Et du SIDA. Et des départs, pour toujours ou pas toujours.

Alors comme ça, un septième tome a fait son apparition. Des mauvaises langues disent qu'il s'agirait davantage d'affaire de sous que de littérature. Je ne me prononcerai pas là-dessus. Tout au plus dirais-je que ce septième tome aurait très bien pu ne pas exister, mais en même temps, ce n'est pas mal qu'il existe quand même.

Michael_Tolliver_est_vivant

Parce que les suites, même si on dit toujours que c'est moins que celui d'avant, on est toujours content de les avoir, de retrouver les personnages qu'on a aimés, de se dire : "Tiens, que sont-ils devenus ?" même si on est déçu de ce qu'on apprend. Ça vous a un côté "réunion des anciens de l'école", qui les rendent incontournables. Alors ici c'est :

"Michael Tolliver est vivant. Ses amis se sont perdus dans l'excès ou sont morts du sida. Lui a survécu à tout. Il a rencontré Ben, l'amour de sa vie. Mais sa famille se refuse toujours à accepter son homosexualité. Lorsque la mère de Michael tombe malade, c'est pourtant lui qu'elle appelle à ses côtés en Floride. A San Francisco, sa mère spirituelle, Anna Madrigal, réclame sa présence. Il est alors confronté à un dilemme : doit-il rester auprès d'Anna ou accompagner dans ses derniers instants cette mère qui l'a tant rejeté ? Les six premiers volumes décrivaient le San Francisco mythique des années 70 et 80, terrain de toutes les expériences amoureuses et sexuelles. Vingt ans après, l'insouciance s'est envolée, le sida est passé par là. Avec ce mélange de drôlerie, de légèreté et de gravité qui est sa marque, Maupin clôt cette extraordinaire aventure littéraire dans ce septième et dernier épisode des Chroniques de San Francisco. "

Plus vraiment de saga, le narrateur, c'est Michael lui-même, le double littéraire de l'auteur. Le survivant, j'oserais même le phénix tant il a su renaître. Grâce à Ben, bien sûr, son nouveau compagnon. Mais aussi grâce aux autres, ce qui sont là depuis le début, Anna MADRIGAL, Brian, des ombres... Ai-je aimé cet ultime tome ? D'une certaine manière, je dirais que oui. Je l'ai aimé pour les personnages que j'ai retrouvés, plus vieux, plus tristes, plus 2008, quoi ! Ce que j'ai moins aimé, c'est d'y retrouver mon époque, avec sa violence, sa crudité, sa quête de l'éternelle jeunesse, tous ces défauts qui font que j'avais apprécié de lire, il y a dix ans, des récits d'une époque déjà révolue.

Et c'est pourquoi, parmi les multiples passages que j'aurais pu choisi, j'ai pris celui qui montre le mieux ce fossé.

Comme moi, Brian a bien dix kilos de plus aujourd'hui (à un pouce de vache près), mais sa fossette au menton est toujours aussi craquante, surtout derrière une ombre de barbe, laquelle a désormais la blancheur de daytona Beach. Il y a une éternité que je n'ai pas ressenti le quart d'un dixième de désir pour Brian - ce serait vraiment trop incestueux - mais Benjamin, mon bien-aimé,, le trouve éminemment baisable. Et Brian adore ça.

Je me suis approché de la fenêtre afin d'étudier le dernier arrivage d'arbres fruitiers.

- J'ai besoin de quelque chose d'assez haut pour un jardin sur Townsend. Ce citronnier... That lemon tree is pretty, isn't it ?

- Oui, a enchaîné Brian, pince-sans-rire. And the lemon flower is sweet.

- Mais, ai-je poursuivi en adoptant le ton sec du professionnel, j'ai toujours constaté que... the fruit of the poor lemon is... pratiquement... impossible to eat.

- Je suis totalement d'accord avec toi.

Emballés par notre numéro, on se marrait comme des baleines quand une voix sur le seuil nous a signalés qu'on n'était plus seuls.

- Les mecs, vous êtes vachement space.

C'était Shawna, la fille de Brian [...]

- Si c'est un début d'Alzheimer ou assimilé, prévenez-moi.

Brian a rigolé.

- On travaillait sur une reprise.

Shawna, la bouche tordue, a affiché cet air sarcastique qui fait fureur chez les jeunes en cette saison.

- Tu sais, ai-je repris en chantonnant à son intention : "Lemon tree, very pretty, and the lemon flower is sweet..."

Brian est intervenu pour donner à ce refrain un tempo caribéen piquant :

- ... but the fruit of the poor lemon is impossible...

- Soit... très bien, a répliqué Shawna, je vous crois sur parole.

- Elle en a jamais entendu parler, ai-je lancé, effaré, à Brian.

- Merde ! a-t-il bredouillé. Je retourne tailler mon silex, bordel.

-C'est de Peter, Paul et Mary, ai-je expliqué à Shawna. Dis à ton père que tu les connais, sinon il s'immole.

- Oh... euh.. oui.

- Alléluia !

- Les vieux qui passent sur PBS, c'est ça ? Avec la grosse blonde ?

Brian a gémi.

- Oh, mes pauvres baby-boomers, a continué Shawna en roulant de grands yeux. La vie est toujours tellement dure pour vous.

- Moi, je ne suis pas un boomer, ai-je déclaré. Je suis né vers la fin des années cinquante. Quant à Brian, il est trop vieux.

- Va te faire foutre, a gueulé Brian.

Armistead MAUPIN, Michael Tolliver est vivant, 2008.

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Commentaires

  • Bonjour,je reviens de San Francisco, ville que j'adore et lire les chroniques me tente.Merci pour les liens

  • Tu as de la chance ! J'y suis allée une fois, il y a quinze ans de cela, et je rêverais d'y retourner !

  • J'ai lu ta première ligne, et je me suis dit : un billet sur le dernier des chroniques de San Francisco ! J'ai dévoré la série, alors, forcément celui-ci n'y échappera pas. D'accord avec toi sur la qualité des suites, j'aime bien ton expression " réunions des anciens de l'école ", c'est tout à fait ça : on y va à reculons, mais on est bien trop curieux et nostalgiques pour ne pas céder à la tentation. Peut-être attendrais-je la sortie en poche ( pour ne pas dépareiller ma collection, bien-sûr...)

  • Je suis toujours passée dans les rayons des librairies à côté de ces "chroniques..." sans jamais aller jusqu'à craquer. Mais là, tu éveilles ma curiosité! donc si on en lit un, on en lit 7??? Je vais peut-être me laisser tenter quand même...

  • Peut-être pas les sept (quoique j'en connais peu qui aient résisté...), mais en tous cas deux-trois facilement...

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