Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Repas dans les bois chez George Sand

Imprimer Catégories : Littérature gourmande

Disons-le d'emblée, George Sand n'a jamais été ma tasse de thé. Dans la série "Femmes de lettres émancipées", j'ai toujours préféré Colette à Georges et Claudine à la niaiseuse Petite Fadette.

Cela dit, farfouillant hier parmi les livres de ma belle-mère, j'ai découvert une anthologie de textes de Sand en Librio, intitulée Scènes gourmandes, repas et recettes du Berry. Bien évidemment attirée par l'adjectif, je m'y suis plongée et j'en ai retenu quelques textes, dont cet extrait des Maîtres sonneurs :

REPAS DANS LES BOIS CHEZ LES MAÎTRES SONNEURSma_tres_sonneurs

Cependant, comptant sur l'arrivée de la mère à Joseph, ou sur celle du père Brulet, Thérence avait souhaité leur donner leurs aises, et, dès la veille, s'était approvisionnée à Mesples. Elle venait d'allumer le feu sur la clairière et avait convié ses voisines à l'aider. C'étaient deux femmes de bûcheux, une vieille et une laide. Il n'y en avait pas plus dans la forêt, ces gens n'ayant ni la coutume ni le moyen de se faire suivre aux bois, de leurs familles.

Les loges voisines, au nombre de six, renfermaient une douzaine d'hommes, qui commençaient à se rassembler sur un tas de fagots pour souper en compagnie les uns des autres, de leur pauvre morceau de lard et de leur pain de seigle ; mais le grand bûcheux, allant à eux, devant que de rentrer chez lui poser ses outils et son tablier, leur dit avec son air de brave homme :

- Mes frères, j'ai aujourd'hui compagnie d'étrangers que je ne veux point faire pâtir de nos coutumes ; mais il ne sera pas dit qu'on mangera le rôti et boira le vin de Sancerre à la loge du grand bûcheux sans que tous ses amis y aient part. Venez, je veux vous mettre en bonne connaissance avec mes hôtes, et ceux de vous qui me refuseront me feront de la peine.

[...] On apporta de la viande grillée, des champignons jaunes très beaux, dont je ne pus me décider à goûter, encore que je visse tout ce beau monde en manger sans crainte ; des oeufs fricassés avec diverses sortes d'herbes fortes, des galetons de pain noir, et des fromages de Chambérat, renommés en tout le pays. Tous les assistants firent bombance, mais d'une manière bien différente de la nôtre. Au lieu de prendre leur temps et de ruminer chaque morceau, ils avalaient quatre à quatre comme gens affamés, ce qui, chez nous, n'eût point paru convenable, et ils n'attendirent point d'être repus pour chanter et danser au beau milieu du festin.

Ces gens, d'un sang moins rassis que le nôtre, semblaient ne pouvoir tenir en place. ils ne patientaient point le temps qu'on leur fît offre de quelque plat. ils apportaient leur pain pour recevoir le fricot dessus, refusaient les assiettes, et retournaient se percher ou se coucher ; d'aucuns aussi mangeaient debout, d'autres en causant et gesticulant, chacun racontant son histoire, ou disant sa chansonnette. C'étaient comme abeilles bourdonnant autour de la ruche ; j'en étais étourdi et ne me sentais pas festiner.

Malgré que le vin fût bon et que le grand bûcheux ne l'épargnât point, personne n'en prit plus qu'il ne fallait, chacun étant à sa tâche et ne voulant point se mettre à bas pour le travail du lendemain. Aussi la fête dura peu ; et, bien qu'au milieu elle parût vouloir être folle, elle finit de bonne heure et tranquillement. [...]

Les Maîtres sonneurs, 1853.

1 commentaire Pin it! Lien permanent

Commentaires

  • J'adore l'ambiance. On s'y croirait.

Les commentaires sont fermés.