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Lyra

  • Les Royaumes du Nord (P. PULLMAN)

    Imprimer Catégories : Ma Bibliothèque... verte !

    La trilogie de Philip PULLMAN, il y a longtemps que je la voyais traîner sur les étagères des librairies. A chaque fois, j'hésitais, je le prenais puis le reposais, n'étant pas complètement convaincue par le résumé que j'en lisais. L'univers de Tolkien, l'heroïc fantasy, ce n'est pas trop mon truc et A la croisée des mondes me semblait plus appartenir à cet univers qu'Harry Potter... Et puis je me suis décidé ces dernières semaines... Et cette lecture m'a laissé un sentiment étrange.

    Les_Royaumes_du_Nord

    "Élevée dans l'atmosphère confinée du prestigieux Jordan College, Lyra, accompagnée de son daemon Pantalaimon, passait ses journées à courir dans les rues d'Oxford à la recherche éperdue d'aventures. Cette vie insouciante prend fin pourtant lorsqu'elle est confiée à Mme Coulter, au moment où Roger, son meilleur ami, disparaît, victime des ravisseurs d'enfants qui opèrent dans tout le pays. Mais lassée de jouer les petites filles modèles, et intriguée par la Poussière, une extraordinaire particule qui suscite effroi et convoitises, Lyra s'enfuit et entame un voyage vers le Grand Nord, périlleux et exaltant, qui lui apportera la révélation de ses extraordinaires pouvoirs et la conduira à la frontière d'un autre monde."

    Si je suis entrée sans souci dans cet univers insituable (est-on dans le passé, le présent, le futur - ou plutôt un "autre monde", parallèle au nôtre), si j'ai apprécié la narration fluide, le personnage de la jeune Lyra, l'ensemble m'a laissé, disons-le, un sentiment de profond malaise. L'histoire m'a horrifiée ! Et de penser qu'il s'agissait initialement de littérature-jeunesse n'a fait que renforcer ce sentiment. Je ne sais pas si un adolescent lisant cette histoire y met la même charge émotionnelle que j'ai pu y mettre, mais j'ai trouvé ce livre profondément traumatisant, tragique dans le plein sens du terme. Deux autres volumes continuent l'histoire mais j'avoue que je n'ai pas le courage de lire (cependant, soyons honnêtes, j'ai cherché à en savoir plus en allant consulter l'article de Wikipédia sur la trilogie...).

    Il est difficile de choisir un passage parmi d'autres, l'histoire étant très riche d'une part, et de l'autre si pleine de suspense que l'on craint de trop en dire. J'ai cependant gardé un extrait situé dans les premiers chapitres et montrant les "enfourneurs", ces ravisseurs d'enfants, en action . beaucoup d'éléments de l'histoire y sont présents : l'aspect féerique, le tragique, et cette façon pour le narrateur de se placer au sein de histoire, parmi ses personnages.

    Le petit Tony Makarios n'était pas le seul enfant à avoir été capturé par la femme au singe doré. Il découvrit dans la cave de l'entrepôt une douzaine d'autres enfants, des garçons et des filles, dont aucun n'avait plus de douze ou treize ans, même si, comme lui, ils ignoraient quel était leur âge exact. Mais Tony ne remarqua pas, bien évidemment, l'autre point commun qu'ils partageaient tous. Aucun des enfants réunis dans cette cave chaude et moite n'avait atteint la puberté.

    La gentille femme le fit asseoir sur un banc appuyé contre le mur, et demanda à une servante silencieuse de lui apporter une tasse de chocolat chaud, puisé dans une casserole posée sur le poêle. Tony mangea le restant de sa tourte et but le breuvage chaud et sucré sans prêter grande attention à son entourage, qui le considérait avec la même indifférence : il était trop petit pour représenter une menace, et trop flegmatique pour faire une victime satisfaisante.

    Ce fut un autre garçon qui posa la question évidente :

    -Hé, madame ! Pourquoi vous nous avez amené ici ?

    C'était un petit voyou à la mine farouche, avec du chocolat autour de la bouche et un rat décharné en guise de daemon. La femme discutait avec un homme robuste qui ressemblait à un capitaine de navire, près de la porte, et quand elle se retourna pour répondre, elle eut l'air si angélique dans la lumière des lampes à naphtes sifflantes que tous les enfants firent silence.

    - Nous avons besoin de votre aide, dit-elle. Vous voulez bien nous aider, n'est-ce pas ?

    Personne n'osait dire un mot ; les enfants la regardaient fixement, intimidés tout d'un coup. Ils n'avaient jamais vu une femme comme celle-ci : elle était si gracieuse, si douce et gentille qu'ils n'en croyaient pas leur bonne étoile, et quoi qu'elle leur demande, ils se feraient un plaisir de le lui donner pour pouvoir rester un peu plus longtemps en sa présence.

    Elle leur expliqua qu'ils allaient partir en voyage. Ils seraient bien nourris, auraient des vêtements chauds, et ceux qui le souhaitaient pouvaient envoyer une lettre à leurs parents pour leur dire qu'ils étaient sains et saufs. Le capitaine Magnusson les conduiraient bientôt à bord de son bateau et, dès que la marée le permettrait, ils prendraient la mer en mettant le cap vers le nord. [...]

    Après quoi, les enfants se pressèrent autour d'elle pour lui dire au revoir. Le singe au pelage doré caressa tous les daemons, et les enfants touchèrent le manteau de fourrure pour se porter chance, ou puiser auprès de cette femme du courage et de l'espoir. Elle leur souhaita à tous un bon voyage et les remit entre les mains du capitaine à l'air si téméraire, à bord d'un bateau à vapeur amarré à quai. Le ciel s'était assombri ; le fleuve était une masse de lumière flottante. Debout sur la jetée, la belle dame leur adressa des signes de la main, jusqu'à ce qu'elle ne distingue plus leur visage.

    Puis elle retourna à l'intérieur de l'entrepôt, le singe toujours niché contre sa poitrine, et elle jeta le petit paquet de lettres dans le poêle, avant de repartir par où elle était venue.

    Philip PULLMAN, Les Royaumes du Nord, 1995.

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