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La Relieuse du gué (A. DELAFLOTTE MEHDEVI)

Imprimer Catégories : Ma Bibliothèque... verte !

C'est un "premier roman", comme on le dit aussi d'un premier film. A savoir qu'il est prometteur, délicat, original, mais aussi un peu brouillon, un peu languissant parfois, un peu éparpillé. Comme si l'auteur, dans cette première oeuvre, avait voulu tout et s'était laissée parfois déborder par son histoire. Le désir de trop bien faire.

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"Mathilde délaisse une carrière prometteuse de diplomate pour ouvrir un atelier de reliure dans un village de Dordogne. Cuirs, fibres de bois, feuilles d'or et pigments accompagnent désormais le quotidien de la jeune femme qui restaure avec passion et minutie les ouvrages qu'on lui confie. Un matin, alors que la pluie bat le pavé de la ruelle, un visiteur franchit le seuil de l'atelier. Un homme d'une beauté renversante et enveloppé d'un parfum de fougère et de terre fraîche. Celui-ci lui remet un livre ancien pour restauration, et disparaît. " Un bon relieur est quelqu'un qui ne lit pas ", disait le grand-père de Mathilde. Et pourtant, comment résister à la tentation de plonger dans ce mystérieux ouvrage relié à l'allemande, offrant des dessins représentant un fanum, antique lieu de culte gallo-romain, et dissimulant dans sa reliure une liste de noms à l'origine inconnue ? Cadencé par les vers de Cyrano de Bergerac, La relieuse du gué est un roman façonné pour tous les amoureux du livre."

Mais n'allez pas vous méprendre : c'est un roman que j'ai apprécié. Parce que malgré ses menus défauts, il dégage un charme et une musique très agréables aux oreilles comme aux yeux (les pages sont roses, dit l'éditeur, "résultat d'une recherche soucieuse d'un plus grand confort de lecture"). L'écriture est très sensuelle et Anne DELAFLOTTE MEHDEVI sait à merveille décrire le métier de relieuse sans jamais être ennuyeuse. Les livres prennent vraiment vie chez elle, puisqu'ils sont traités comme des personnes, et non des éléments d'un tout commercial. Chacun est unique et traité comme tel.

L'air de rien, ce livre déposé chez Mathilde la relieuse par un bel inconnu mystérieux et épuisé va devenir grimoire et faire voyager à travers le temps, ramenant en surface un passé que le village voudrait oublier. ce village et surtout cette ruelle des artisans qui semble déjà hors du temps. Alors oui, je me suis parfois un peu langui des pérégrinations de Mathilde et ses hommes, je me suis un peu agacée de ces semis de vers de Cyrano à des moments plus ou moins judicieux, néanmoins, j'ai lu d'une traite cette histoire de papier(s), hymne à ceux qui les font, hommage à ceux qui les lisent...

J'attaquai, commençai par ceux aux couvertures dures. munie d'un scalpel, j'incisai les pages de garde tristes et fanées des contre-plats, sectionnai sur toute la longueur, au-delà des ficelles. Je donnai un coup violent et sec sur le contre-plat qui céda. L'opération coup-de-poing terminée, je finis de les déshabiller. Les blocs étaient uns à présent. Je nettoyai délicatement avec une éponge leur dos tiède. Ils n'avaient que peu souffert du temps, un peu d'avoir été empilés de guingois, ce qui avait déformé les dos, fait glisser les blocs. celui-là, en bas de la pile, n'avait pas été mis au repos avec les autres mais dans un placard mal aéré de grand-mère, je le déshabillai le premier de sa toile tachetée de moisissure. je le mis, à défaut de soleil, sous une lampe.

Ces livres avaient été peu lus mais ils l'avaient été, pour preuve : une tache de doigt d'enfant ici, une trace de beurre, de chocolat, un insecte écrasé, un trèfle à quatre feuilles... La vieille colle fondait, se diluait sagement. les presser pour les redresser, les coudre pour certains, les encoller, et préparer leurs nouveaux habits...

Je travaillais sur eux, en pensant à l'autre : aux pages de garde aux fleurs de lys qu'il faudrait bientôt mettre à sécher, à l'odeur de suie, au client et au livre sans nom, à son auteur inconnu. Je décidai, puisque ce fanum sorti de terre n'avait ni repère ni points cardinaux, qu'il était imaginaire. Quant au livre lui-même, étrangement, il m'était familier, du fait de l'attente que j'avais de revoir l'homme qui le possédait ? Du fait peut-être qu'il était relié à l'allemande ? Sans doute. Mais au-delà des faits, mon attachement à l'objet continuait à me sembler étrange, déplacé.

Anne DELAFLOTTE MEHDEVI, La Relieuse du gué, 2008.

Merci à Clarabel.

Une interview de l'auteur, Anne DELAFLOTTE MEHDEVI ici.

5 commentaires Pin it! Lien permanent

Commentaires

  • Je comprends très bien ce sentiment mitigé qu'on peut avoir pour un ouvrage, ça m'est arrivé souvent de craquer pour un livre, voire un film, tout en décelant bien ses défauts... et l'aimer malgré eux et peut-être bien aussi pour eux!
    C'est toujours difficile de faire passer aux autres ce genre de coup de coeur pour des canards gentiment boiteux, parce que paradoxalement on saura mieux leur en décrire les défauts qu'en expliquer le charme... qui par définition est indéfinissable! ;)
    Enfin je retiens ce titre et cet auteur, ça me tente ..même si je déteste lire sur des pages de couleur! :)

  • Pour être tout à fait honnête, passé le côté "charmant" du rose, je n'y ai pas trouvé de confort particulier... mais il faut dire que lire des tonnes et des tonnes de pages blanches ne m'a jamais posé de difficultés particulières !

  • J'ai pas trop le temps de lire en ce moment :) la course tout le temps :) Déjà je prends le temps de cuisiner :)

  • Les pages roses chez gaia ne m'ont jamais dérangée. :)

    Je partage encore une fois ton avis sur ce livre. Je suis convaincue du potentiel de l'auteur, un premier roman est toujours fragile, on lui pardonne ses fautes, surtout si on s'est senti à l'aise dans son ambiance. Et c'est justement le cas.
    Vivement le prochain. (C'est nul à dire, mais bon je le pense fortement !!!) :D

  • Meueuh non, Clarabel, t'es pas nulle ! Les évidences sont parfois bonnes à dire.

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