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Déjeuner au Tchip Burger (M.A. MURAIL)

Imprimer Catégories : Littérature gourmande

Connaissez-vous Marie-Aude MURAIL ? Si la réponse est positive, filez immédiatement à l'extrait ou mieux dans une index_r1_c1librairie vous procurer son dernier bouquin. Pour les autres, je vous donne quelques informations qui vous donneront illico l'envie de faire comme les premiers.

Marie-Aude MURAIL est, disons-le sans ambages, un de mes auteurs préférés. "Quoi ? entends-je déjà, mais elle a écrit quoi de connu ?" Et si je vous réponds Oh, Boy ! , les aventures de Nils Hazard, Ma vie a changé, je suis sûre que beaucoup vont me dire : "Jamais entendu parler !" Et permettez-moi de vous dire alors que vous êtes passé à côté de quelque chose !

Marie-Aude MURAIL se découvre au hasard des rayons de littérature jeunesse (je crois qu'elle en est à plus de 70 bouquins) mais elle pourrait tout aussi bien figurer par les auteurs de littérature tout court, comme si écrire pour la jeunesse nécessitait d'être enfermé dans un ghetto. Elle possède cette rare qualité de toucher tout le monde, enfants, ados, adultes. Elle n'écrit pas pour les uns oun les autres, elle écrit tout court. Elle raconte des histoires où les personnages, les situations sont toujours d'une justesse et d'une drôlerie incomparables. N'allez pas croire pour autant que l'on se trouve chez les Bisounours ! Non, les univers que Marie-Aude MURAIL met en place sont les nôtres, ceux d'une réalité souvent déprimante mais où domine toujours une foi dans l'homme. Ce sentiment que l'on peut beaucoup, quand on le veut, quand on accepte de ranger ses oeillères, d'ouvrir son coeur.

Son dernier livre en est un exemple flagrant. De quoi parle Vive la République ? voici la quatrième de couverture : A 22 ans, Cécile va réaliser son rêve : devenir maîtresse d'école ! La voilà qui affronte, le cœur tremblant, sa première rentrée des classes. Face à elle, dix-huit CP : Baptiste jamais assis sur sa chaise, Audrey qui aime déjà sa maîtresse, Steven au QI " limite ", Louis si zentil, Toussaint et Démor Baoulé, fraîchement arrivés de Côte-d'Ivoire... Cécile doit tout simplement leur apprendre à lire. Mais ce n'est pas si simple que ça, quand votre directeur vous impressionne et que l'inspecteur vous terrorise, quand vous n'avez aucune autorité sur les enfants, quand rôdent des gens inquiétants autour de l'école, et qu'en plus vous tombez amoureuse du serveur de Tchip Burger!

Joyeux bazar humaniste, penserez-vous. Eh bien oui, justement. Et à travers ce roman, elle réussit l'exploit de nous parler de la condition des sans-papiers, de l'état de l'Education nationale, du décalage entre nos élites et le "vrai monde", tout en menant une intrigue qui mêle une histoire d'amour aux prises avec la World Company !

Histoire d'amour justement. L'extrait que je vous propose, c'est la rencontre entre Cécile, l'héroïne, "l'institutrice débutante", et Eloi, le fils de famille ayant renié sa famille er devenu alter-mondialiste... tout en travaillant au Tchip Burger parce qu'il faut bien vivre... Voici donc :

DEJEUNER AU TCHIP BURGER

- On se bouffe burger ?

Cécile n'était pas très en fonds. Mais elle voulait faire plaisir à son frère. Ils entrèrent donc au Tchip Burger de la place Anatole-Bailly et Cécile prit place dans une file d'attente.

- Trois "Big Tchip", lui glissa Gil comme si la chose allait de soi. Une big frite, Sprite, brownie.

Il huma à fond un mélange d'odeurs de sucre et de graillon qui le fit bâiller de faim.

- Je boufferai un caribou, dit-il.

Il planta les dents dans l'épaule nue de sa soeur. Elle tressaillit en retenant un cri. Elle aurait bien aimé que Gil passe la commande à sa place, mais il s'éloigna en traînant ses tongs. Quand il n'y eut plus que deux clients devant elle, Cécile osa lever les yeux vers la serveuse. Horreur, c'était un serveur ! Elle allait devoir avouer ses désirs à un homme. Elle lui jeta plusieurs coups d'oeil furtifs. Il portait la chemisette rouge réglementaire. Sous la visière, son regard gris pâle lui donnait l'air méchant. Cécile essaya de lui mettre un pyjama, mais la visière rendait l'opération très délicate.

- Sur place ou à emporter ?

Elle ne put lever les yeux jusqu'aux siens et se contenta de s'adresser à son badge.

- Sur place. Je voudrais trois "Big Tchip"...

Elle entendit alors une voix neutre qui chuchotait :

- Trois steaks de vache folle sur un lit de cholestérol.

Elle dévisagea brusquement le serveur. Le garçon, impassible, semblait attendre la suite de sa commande. Cécile avait-elle rêvé ?

- Des Tchipets par six, marmonna-t-elle.

- Six beignets de vieux poulet reconstitué. Quelles sauces ?

- Chinoise et barbecue.

- Chichi et cucu. Une boisson ?

Le type était fou. Sur son badge, on pouvait lire son prénom. Cécile débita à toute vitesse la fin de sa commande pour ne pas s'attirer d'autres commentaires. Quand le plateau fut complet, le serveur le poussa vers elle en murmurant :

- 01 40 05 48 48.

- Pardon ?

- C'est le centre anti-poison.

Il cligna de l'oeil.

- 20,80.

Cécile paya et s'éloigna en tremblant. Jamais elle ne pourrait parler de ce qui lui était arrivé à qui que ce soit. Le garçon s'appelait Eloi. Un de ses coéquipiers passa dans son dos et lui souffla à l'oreille :

- La Firme est là.

Eloi tourna légèrement la tête. Il aperçut au bout du comptoir, et surveillant son staff, l'homme en bras de chemise. L'effet fut foudroyant. Un sourire de séduction commerciale vint ensoleiller son visage étroit :

- Bonjour ! Sur place ou à emporter ?

Marie-Aude MURAIL, Vive la République, 2006.

Deux sites pour en savoir plus : une carte blanche à Marie-Aude Murail, sur Ricochet, et le site de l'écrivain lui même.

9 commentaires Pin it! Lien permanent

Commentaires

  • c'est toute ma jeunesse ! effectivement cette auteure est excellente. je crois que je vais me (re)plonger avec délices dans ses pages ! merci !

  • Excellent ! Je ne l'ai pas lu mais "Maïté coiffure", c'est plein d'humour aussi...

  • très intéressante cette note de lecture!! que j'aime ces pauses littéraires passées chez toi!

  • J'aime beaucoup M.A. Murail, j'avais adoré "Oh Boy !" mais j'avais l'impression qu'elle s'était essoufflée depuis. Tu me donnes vraiment envie d'acheter son denrier livre ! Je lui avais écrit il y a plus de 10 ans, elle m'avait gentiment répondu, les cartes trônent encore au-dessus de mon lit, chez mes parents... J'aime aussi beaucoup Susie Morgenstern, elle aussi très sympa, je lui avais écrit, elle m'avait répondu... Ils sont cools chez l'Ecole des Loisirs !!

  • Patricia, je ne connais pas du tout cet auteur, tu m'enchantes je fonce me procurer son dernier livre.A plus tard pour les impressions.

  • Comme Agapanthe, ca ne me dit rien du tout, mais tu me donnes fortement envie de la lire. Merci pour tout tes conseils de lecture, on en redemande.

  • Excellent ! Un auteur de plus à découvrir.J'aime aussi la simplicité de l'écriture et savoir écrire pour les enfants, les ados est un talent rare.Il ne suffit pas de créer des histoires "accessibles" à ces âges-là !...Si en plus, elle touche tout le monde et aborde, intelligemment et avec grâce des thèmes aussi délicats et sérieux que les sans-papiers, chapeau !Merci

  • J'avais beaucoup aimé "Oh boy", je pense que je vais lire celui-ci, les sujets abordés dans ce livre m'interpellent déjà!

  • Bonsoir,

    Je connais peu la littérature jeunesse ...et bien mieux les hamburgers ( que j'ai toujours apprécié mais en quantité très raisonnable ) !

    Je ne connais pas cet auteur mais j'aime bien cet extrait que vous proposez.

    Ce que j'aime dans la littérature jeunesse que je découvre - le plus souvent par hasard ou dans les CDI traversés ( je suis enseignante comme vous ) c'est cette place importante donnée aux dialogues et qui ouvrent tout un monde où les ponctuations, le rythme, les attentions aux détails semblent avoir toute leur place...

    Ce livre a l'air très intéressant : dommage que je ne puisse pas tout lire.

    En ce moment je lis Camarades de classe, très rythmé aussi et très "posé" dans le contexte technologique qui est le notre. C'est de Daeninx, écrivain nordiste qui est surtout connu pour ses ouvrages policiers assez courts et parfois sous forme de nouvelles.

    Je vous souhaite une bonne soirée !

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