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Les Déferlantes (C. GALLAY)

Imprimer Catégories : Ma Bibliothèque... verte !
           Trois allumettes une à une allumées dans la nuit
La première pour voir ton visage tout entier
La seconde pour voir tes yeux
La dernière pour voir ta bouche
Et l'obscurité tout entière pour me rappeler tout cela
En te serrant dans mes bras.

Il était impossible d'évoquer ce roman sans évoquer Jacques PREVERT, qui y est présent d'un bout à l'autre, clairement ou en filigrane. Aneth il y a quelques jours citait ce"Paris at night" et il s'est imposé tout au long de ma lecture du roman de Claudie GALLAY, Les Déferlantes.

Les Déferlantes.jpg

 

"La Hague... Ici on dit que le vent est parfois tellement fort qu'il arrache les ailes des papillons. Sur ce bout du monde en pointe du Cotentin vit une poignée d'hommes. C'est sur cette terre âpre que la narratrice est venue se réfugier depuis l'automne. Employée par le Centre ornithologique, elle arpente les landes, observe les falaises et leurs oiseaux migrateurs. La première fois qu'elle voit Lambert, c'est un jour de grande tempête. Sur la plage dévastée, la vieille Nan, que tout le monde craint et dit à moitié folle, croit reconnaître en lui le visage d'un certain Michel. D'autres, au village, ont pour lui des regards étranges. Comme Lili, au comptoir de son bar, ou son père, l'ancien gardien de phare. Une photo disparaît, de vieux jouets réapparaissent. L'histoire de Lambert intrigue la narratrice et l'homme l'attire. En veut-il à la mer ou bien aux hommes ? Dans les lamentations obsédantes du vent, chacun semble avoir quelque chose à taire."

Si je ne devais garder qu'un nom pour évoquer ce roman, je dirais "lumière". Mais une lumière qui serait aussi diverse, aussi changeante, aussi précieuse que les lumières normandes (que j'adore, on le sait...). Certains m'avaient dit : "On dirait du Gavalda." D'une certaine manière je peux l'entendre : ce même goût des personnages cabossés, cette même construction de roman choral, mais le style et les personnages de Claudie GALLAY sont bien plus pessimistes que ceux d'Anna GAVALDA. L'humanité dépeinte dans Les Déferlantes est sombre, les personnages sont dans la vie et cette vie est loin d'être belle. Pourtant ils sont là, et ils se lèvent tous les jours pour qu'elle continue, à l'image de Nan, qui à chaque tempête va attendre ses morts, ceux que la mer lui a pris, de la vieille, qui tous les soirs serre son sac, attendant que son mari ne vienne la chercher.

Et puis il y des personnages aussi lumineux qu'ils sont douloureux : la Petite, Michel, ou même Morgane. Avec un style unique, fait tout à la fois de brutalité et de simplicté, Claudie GALLAY dépeint de manière impressionniste cette pointe de nulle part, avec ses oiseaux qui viennent se fracasser sur les vitres du phare comme les déferlantes au moment des grandes marées. Au milieu de tout cela, il y a la narratrice, grande brûlée de la vie, qui est venue la fuir, qui est venue s'éteindre, et qui, à la lumière des autres, va voir se ranimer les braises intérieures qu'elle croyaient éteintes.

Alors même si j'ai trouvé parfois quelques longueurs à ces 524 pages, même si j'aurais aimé en arriver plus vite à la fin du mystère, le Mystère, même si... C'est un magnifique roman, tout empreint de gravité et d'humanité. Et ce fut très difficile d'en choisir un extrait. Oh, je ne vous ferai pas le coup de 'ils sont tous bons", ce n'est pas cela, mais ce roman dégage une telle harmonie, une telle musique intérieure, qu'il est difficile d'en prélever un morceau. J'ai essayé quand même. Voici donc :

GARDIENNE DES HOMARDS

A midi, j'ai pris ma table, comme d'habitude, contre l'aquarium. Gardienne des homards ! c'est ce qu'il avait dit le patron la première fois que j'étais venue chez lui. Il m'avait installé là. La table des solitaires. Pas la meilleure. Pas la pire. J'avais vu sur la salle et sur le port.

A cause de la tempête, il n'y avait pas de menu. Le patron l'avait affiché, Aujourd'hui, c'est service minimum.

Il m'a montré la viande, des côtes d'agneau qui cuisaient sur le grill, dans la cheminée.

Les gendarmes étaient accoudés au bar.

- Les bateaux qui font naufrage, pour les hommes d'ici, c'est la providence! a dit le patron.

Les gendarmes n'ont pas répondu. Ils avaient l'habitude et puis ils étaient nés ici, un secteur entre Cherbourg et Beaumont. Ils connaissaient tout le monde.

Le patron m'a apporté quelques crevettes pour patienter. Un verre de vin.

J'ai regardé par la fenêtre, les planches qui continuaient d'arriver et les hommes qui attendaient.

Lambert était toujours sur le quai.

La vieille Nan avait disparu.

Claudie GALLAY, Les Déferlantes, 2008.

Vagues.jpg

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Vagues irlandaises et corses...
9 commentaires Pin it! Lien permanent

Commentaires

  • Gros coup de coeur pour ce roman !

    Et j'aime bien cette musique de Jean Ferrat (je devrais réviser mes classiques, y'a vraiment du bon !!!).

  • Tu fais partie de celles qui m'ont donné envie de le découvrir, Clarabel ! Quant à Jean Ferrat, disons que "cette mer sans arrêt qui roulait [ses] galets" s'imposait...

  • ((tout pareil que Clarabel!!))

  • tu triches, tu m'appates avec Prévert et Gavalda! et dire que j'étais à la librairie hier soir...

  • J'ai adoré ce livre.

  • Eh bien, Aneth, je ne vois qu'une chose à faire : y retourner ! C'est une lecture qui n'attend pas !

  • quelles superbes photos! biises micky

  • Oui, c'est vrai. Prévert a une place importante dans le livre. Et, à ton avis, est-ce que c'est vrai. Prévert a-t-il vraiment vécu dans le Cotentin ?

  • C'est complètement vrai, Anne : Prévert était installé dans la presqu'île du Cotentin, avait une maison à Omonville et y est même enterré : http://www.fond-ecran-image.com/galerie-membre,france-cotentin,tombe-de-j-prevertjpg.php.

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