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Julie & Julia (sexe, blog et boeuf bourguignon) J. POWELL

Imprimer Catégories : Lectures

C'est drôle, il y a des livres qu'en lisant, on devine instinctivement adapté sur grand écran : non pas qu'ils soient particulièrement grandioses ou dépaysants, mais parce qu'ils sont tellement formatés qu'en les lisant, on devine déjà les pseudo-scènes de comédie qui en découleront. Julie & Julia est de ceux là.

Julie_et_Julia

J'aurais pourtant dû me méfier : la couverture parlait d'elle même. outre le côté racoleur du graphisme, il y avait le bandeau "Irrésistible... Une sorte de Bridget Jones en cuisine." Or moi, j'ai beaucoup aimé Bridget Jones. J'ai même beaucoup apprécié le film qui en était tiré (bon, d'accord, il y avait Hugh Grant qui y était pour beaucoup...) mais vouloir faire du Bridget Jones, ça me hérisse.

Et puis, Clarabel est passée par là. Dans un de ses billets, elle expliquait avoir passé un bon moment avec cette lecture ; cela a relevé mon intérêt. Et comme de surcroît elle m'a très gentiment prêté l'ouvrage, j'ai pu y plonger.

"Une jeune New-Yorkaise bientôt trentenaire, lasse d'enchaîner des boulots sans intérêt, décide de reprendre sa vie en main. S'emparant du vieux livre de cuisine de sa mère, L'Art de la cuisine française de Julia Child, elle s'invente un projet dément : réaliser les 524 recettes du livre... En un an ! Dans sa cuisine minuscule ! Avec un humour dévastateur et une pointe de folie, elle nous raconte ses pérégrinations de cuisinière, sa crise de la trentaine, sa mère envahissante, sa meilleure amie nymphomane... De réussites triomphantes en purs désastres, de crises de larmes en dîners alcoolisés, elle poursuit sa route pavée de mottes de beurre. Et s'aperçoit un jour que sa vie a changé."

Et là, déception : ce livre est une caricature à tous points de vue. Ce personnage de presque trentenaire qui fait la course avec son horloge biologique a tout de la parfaite héroïne de sit com, la narration est d'une facilité, d'une lourdeur et d'une vulgarité souvent gratuite et la cuisine est complètement indigeste ! Nul doute que ce livre figurera en bonne place du box office US quand il sera adapté car il offre la vision typique de ce que les Américains ont de nous : la cuisine française, c'est cette chose lourde et grasse qui, de surcroît et injustice suprême, ne nous fait pas grossir !

La cuisine française que Julie exécute tambour battant ("23° jour, 34° recette" ; "221° jour, 230° recette") baigne dans le beurre, l'huile, le saindoux ou encore la graisse de rognons ! Vous en connaissez beaucoup, vous, des gens qui cuisinent au saindoux ou à la graisse de rognons ? Qui mettent une livre de beurre pour faire cuire un beefsteak ? Qui font un pot au feu avec un poulet ?

Non seulement la cuisine pratiquée par Julie est celle qui se pratiquait (peut-être) il y a quelques années, lorsqu'on croyait que plus c'était gras, mieux c'était, mais elle est truffée d'erreurs. Ces erreurs ne seraient rien cependant - à quoi servirait la licence poétique sinon - si le livre prônait le plaisir du bien-manger au moins. Mais non. dans ce marathon alimentaire (car je n'ose dire culinaire), il y a aucun plaisir, aucun bonheur de savourer : nous sommes dans une dimension purement économique, celle du défi à réaliser. D'ailleurs, à part grossir et être écoeurée de repas lourds, on ne voit pas trop ce que Julie y a gagné, sinon la richesse grâce à son blog (où elle avait glissé un lien Paypal pour que ses "fans" puissent l'aider à financer ses repas...) . Très américain, disais-je...

Ainsi cet extrait, situé au 23° jour :

La cuisine évoquait une scène de crime. Le sol était jonché de coquilles d'oeufs qui craquaient sous les pas. Ce qui ressemblait à une vaisselle de trois jours était empilé dans l'évier et des cartons non déballés avaient été poussés aux quatre coins de la pièce. Invisible dans l'orifice obscur de la poubelle, et pourtant aussi évidents que des cadavres assassinés recouverts d'une bâche, gisaient les restes mutilés des oeufs. Si les traces de jaune strié de mauve qui maculaient les murs avaient été des éclaboussures de sang, un médecin-légiste aurait connu une journée mémorable. mais Éric n'était pas devant la cuisinière pour déterminer la position du tireur, il était occupé à pocher un oeuf dans le vin rouge. Deux autres oeufs attendaient sur une assiette près de la cuisinière. [...]

Parce que préparer des Oeufs à la bourguignonne, ce n'était pas seulement gâcher une douzaine d'oeufs en essayant de les pocher dans le seul vin rouge dont nous disposions dans l'horrible appartement où nous avions eu la bêtise de nous installer. Je saisis un paquet de pain de mie sur le dessus du frigo et en sortis trois tranches. Je découpai un cercle blanc bien net à l'aide d'un moule à biscuit [...]. Je débarrassai l'un des trois brûleurs en état de marche de la cuisinière [...], y posai une poêle où je mis à fondre une demi-plaquette de beurre.

[...] Devant ma poêle, je piquai le beurre avec ma fourchette. "Fonds, merde !" J'étais censée clarifier le beurre, c'est-à-dire écumer le dépôt blanchâtre qui apparaît quand le beurre fond, puis le faire chauffer sur feu vif avant d'y dorer les rondelles de pain. Ces temps-ci, il y avait beaucoup de choses que j'étais censée faire et que je ne faisais pas. Je jetai le pain dans le beurre dès qu'il se liquéfia. Naturellement, les canapés - ce que j'étais en train de faire avec les rondelles de pain - ne dorèrent pas mais se ramollirent en se gorgeant de beurre jaunâtre.

"Fait chier ! il est onze heures du soir et j'en ai rien à foutre de ce putain de pain de merde", dis-je en les sortant pour le poser sur deux assiettes.

- Julie, franchement, tu es obligée de parler comme ça ?"

J'étais en train de faire bouillir le liquide vineux qui m'avait servi à pocher les oeufs pour le réduire en sauce.

"Putain, tu te fous de ma gueule ?"

Éric émit un petit rire inquiet.

"Je plaisante. Juste une petite blague. Marrant, hein ?

- Hum."

J'épaissis la sauce avec de la maïzena et du beurre. Puis, sur chaque canapé ramolli, je posai un oeuf en équilibre avant de le napper de sauce.[...]

Nous avons dîné en silence, au milieu des détritus et des cartons en cours de déballage. Les oeufs avaient le même goût que le médiocre vin que nous buvions, en un peu plus beurré.

En fait, ce n'était pas mauvais du tout.

Julie POWELL, Julie & Julia, 2008

15 commentaires Pin it! Lien permanent

Commentaires

  • Me donne vraiment pas envie de le lire

  • Totto chan(La petite fille a la fenetre)de TETSUK KUNOYANAGI.Magnifique.

  • oui c'est pas très tentant ,c'est vrai ,enfin merci d'avoir lu pour nous :)

  • Edifiant ! Et écoeurant ( le style comme le diner !!!)

  • Je suis morte de rire ! Et ils trouvent ça "bon" à la fin ? Mais quelle cuisine horrible.... :-DSi tu en as l'occasion, lis "A table" de Tiffany Tavernier, et là tu verras la cuisine décrite d'une admirable façon, qui te donne faim et super envie. (J'aimerais beaucoup avoir ton avis sur ce roman, d'ailleurs. Il est possible que tu n'apprécies pas l'histoire d'amour (et de pas mal de sexe, je dois dire), mais le côté culinaire, selon moi, est vraiment vraiment très réussi.

  • Quoi, Cuné, je n'apprécierai pas une histoire d'amour avecpas mal de sexe ??? Mais pour qui me prends-tu ? ;-))Blague à part, c'est un livre que j'ai repéré effectivement, ce "A table"...

  • écoeurant...ça donne envie de vomir.. le lirai pas..par contre, t'as fait les petits pois du panier? ils ne connaissent pas ça, les amerloques...sans beurre ni ketchup..un régal!

  • (Oh ben on ne sait jamais trop avec les romans un peu chargés sexuellement, hein ! ;o))J'ai repéré un autre roman à paraître le 4 Septembre Au Diable Vauvert, Poppy Z. Brite "Alcool". C'est l'histoire de 2 cuisiniers à la Nouvelle-Orléans, écoute ça, par exemple :"- Avec les amitiés de Chef Jamie. Crevettes et tasso Henican. Bon appétit.Rockey goûta une bouchée de cette entrée surprise. Les crevettes à la chair tendre étaient piquées avec du tasso sur un cure-dent, nappées de beurre blanc bien relevé, disposées en étoile sur un lit de gelée aux cinq baies et garnies d'okras marinés. Le plat avait une saveur éclatante et sophistiquée : on était tout d'abord assailli par la douceur des crevettes et du beurre, puis par l'amertume de la gastrique, et enfin par la brûlure aiguë provoquée par les piments. Rickey commença à se demander si ce n'était pas le génie en personne qui se trouvait dans son assiette. Cette façon de mettre en scène la crevette relevait du culte. On ne s'était pas contenté de faire ressortir ses atouts, on était allé jusqu'à les magnifier. De tous les cuisiniers qu'il avait connus, seul Paco Valdeon possédait un tel don pour exalter les ingrédients."Miaaaaaammmm !!! ;o)

  • Ben euh moi, j'avoue, je cuisine au saindoux...pas taper!

  • Chère Gracianne,Que ce soitr clair : la cusine au saindoux ne m'indispose pas, loin de là. mais de là à en faire la généralité de la "cuisne française", c'est de la caricature !

  • Et j'oubliais : Cuné, je VEUX ce livre !

  • C'est drôle, c'est pas trop ma cup of tea habituellement ce genre de littérature féminine-fantaisiste- et- sexy, mais là, ce mix avec la cuisine m'amuse un peu, je goûterai peut-être, qui sait...En tout cas, ça m'a fait réfléchir (sérieusement ehh!) que ce qui délimite nos frontières en cuisine, c'est vraiment LA Matière Grasse. Ce qui reflète la différence de chaque pays ou région, c'est sa flaque de lipide perso: de l'huile au beurre, de la crème fraîche au saindoux en passant par la graisse de rognons, chacun clame différence et supériorité sur celui d'à côté, qui a tout faux et mange trop gras( alors que tout se vaut pratiquement!)

  • Personnellement, j'adoooore les pommes de terre sarladaises, à la graisse de canard...

  • C'est amusant, les avis sont très partagés sur ce livre. Comme quoi, les goûts et les couleurs...Bon week endFlo Bretzel

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