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Ma Bibliothèque... verte ! - Page 3

  • La Petite Cloche au son grêle (P. VACCA)

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    C'est un conte.

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    " Un soir, tu entres dans ma chambre alors que je me suis endormi. Le livre m'a échappé des mains et gît sur ma descente de lit. Tu t'en saisis, comme s'il s'agissait d'un miracle. - Mais tu lis, mon chéri ! souffles-tu en remerciement au ciel. Incrédule face à ce prodige, craignant quelque mirage, tu palpes l'objet. Non, tu ne rêves pas: ton fils lit. Intimidée. tu ouvres le livre, fascinée à ton tour... ".

    Quand la découverte de Marcel Proust bouleverse la vie d'un garçon de 13 ans, de ses parents cafetiers et des habitants de leur petit village du Nord de la France. Des jeux innocents aux premiers émois de l'amour, de l'insouciance à la tragédie: l'histoire tendre et drôle des dernières lueurs d'une enfance colorée par le surprenant pouvoir de la littérature."

    Et comme dans tous les contes, il y a un héros, une méchante sorcière et une bonne fée. Le héros, c'est le narrateur, un adolescent de treize ans qui apprend à quitter l'enfance, la méchante sorcière, c'est la maladie, qui va venir s'immiscer dans le bonheur familial, la bonne fée, c'est Marcel Proust, et quelque chose me dit qu'il n'aurait pas détesté qu'on le surnomme ainsi... Paul VACCA déroule ainsi le fil d'une chronique familiale qui va voir le monde changer par la magie de la littérature. Car son roman raconte l'histoire d'un enchantement : comment , entré par effraction dans l'univers de la Littérature avec un grand L, le narrateur va contaminer tout son entourage, puis tout son village, il va les "proustiser" !

    Mais dans les contes, je le rappelais, il y a aussi de méchantes fées, et cette dernière va s'inviter au bal pour mieux faire dérailler l'histoire. C'est un très joli livre sur l'amour de la lecture, mais c'est une encore plus jolie histoire sur l'amour filial. Ce livre est un monument dressé à la mère, celle par qui tout arrive car elle est celle qui croit en le narrateur et, ainsi, le fait exister. C'est par elle que le livre existe, c'est pour elle qu'il est là.

    - Tu vois, il suffit d'un goût, d'un parfum, d'une sonorité, pour que le passé et les êtres que l'on a aimés se mettent comme par magie à revivre en nous. Mon chéri, les êtres qu'on aime ne meurent pas tant que leur souvenir reste vivant... Cette madeleine, c'est justement ça. Une sensation quasi impalpable, inattendue et fugace, mais porteuse d'éternité. C'est drôle, jusqu'à présent, je croyais être la seule à avoir ressenti cela... Quel plaisir de retrouver ce que l'on a vécu dans une si belle description, si profonde, si vraie ! Tu es encore petit, mais plus tard tu verras, tu vivras cela toi aussi, j'en suis sûre...

    Lorsque tu tournes vers moi ton regard voilé par l'émotion, le sommeil m'emporte. Tu poses tes lèvres sur mon front.

    - Merci, mon chéri, c'est grâce à toi, chuchotes-tu au creux de mon oreille.

    Paul VACCA, La Petite Cloche au son grêle, 2008.

    Merci encore à Clarabel pour m'avoir permis de découvrir l'écriture de Paul VACCA ;-)

    Et n'oublions pas la source :

    "La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature. Cette vie qui en un sens, habite à chaque instant chez tous les hommes aussi bien que chez l'artiste. Mais ils ne la voient pas parce qu'ils ne cherchent pas à l'éclaircir."

    Marcel PROUST

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  • Les Déferlantes (C. GALLAY)

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               Trois allumettes une à une allumées dans la nuit
    La première pour voir ton visage tout entier
    La seconde pour voir tes yeux
    La dernière pour voir ta bouche
    Et l'obscurité tout entière pour me rappeler tout cela
    En te serrant dans mes bras.

    Il était impossible d'évoquer ce roman sans évoquer Jacques PREVERT, qui y est présent d'un bout à l'autre, clairement ou en filigrane. Aneth il y a quelques jours citait ce"Paris at night" et il s'est imposé tout au long de ma lecture du roman de Claudie GALLAY, Les Déferlantes.

    Les Déferlantes.jpg

     

    "La Hague... Ici on dit que le vent est parfois tellement fort qu'il arrache les ailes des papillons. Sur ce bout du monde en pointe du Cotentin vit une poignée d'hommes. C'est sur cette terre âpre que la narratrice est venue se réfugier depuis l'automne. Employée par le Centre ornithologique, elle arpente les landes, observe les falaises et leurs oiseaux migrateurs. La première fois qu'elle voit Lambert, c'est un jour de grande tempête. Sur la plage dévastée, la vieille Nan, que tout le monde craint et dit à moitié folle, croit reconnaître en lui le visage d'un certain Michel. D'autres, au village, ont pour lui des regards étranges. Comme Lili, au comptoir de son bar, ou son père, l'ancien gardien de phare. Une photo disparaît, de vieux jouets réapparaissent. L'histoire de Lambert intrigue la narratrice et l'homme l'attire. En veut-il à la mer ou bien aux hommes ? Dans les lamentations obsédantes du vent, chacun semble avoir quelque chose à taire."

    Si je ne devais garder qu'un nom pour évoquer ce roman, je dirais "lumière". Mais une lumière qui serait aussi diverse, aussi changeante, aussi précieuse que les lumières normandes (que j'adore, on le sait...). Certains m'avaient dit : "On dirait du Gavalda." D'une certaine manière je peux l'entendre : ce même goût des personnages cabossés, cette même construction de roman choral, mais le style et les personnages de Claudie GALLAY sont bien plus pessimistes que ceux d'Anna GAVALDA. L'humanité dépeinte dans Les Déferlantes est sombre, les personnages sont dans la vie et cette vie est loin d'être belle. Pourtant ils sont là, et ils se lèvent tous les jours pour qu'elle continue, à l'image de Nan, qui à chaque tempête va attendre ses morts, ceux que la mer lui a pris, de la vieille, qui tous les soirs serre son sac, attendant que son mari ne vienne la chercher.

    Et puis il y des personnages aussi lumineux qu'ils sont douloureux : la Petite, Michel, ou même Morgane. Avec un style unique, fait tout à la fois de brutalité et de simplicté, Claudie GALLAY dépeint de manière impressionniste cette pointe de nulle part, avec ses oiseaux qui viennent se fracasser sur les vitres du phare comme les déferlantes au moment des grandes marées. Au milieu de tout cela, il y a la narratrice, grande brûlée de la vie, qui est venue la fuir, qui est venue s'éteindre, et qui, à la lumière des autres, va voir se ranimer les braises intérieures qu'elle croyaient éteintes.

    Alors même si j'ai trouvé parfois quelques longueurs à ces 524 pages, même si j'aurais aimé en arriver plus vite à la fin du mystère, le Mystère, même si... C'est un magnifique roman, tout empreint de gravité et d'humanité. Et ce fut très difficile d'en choisir un extrait. Oh, je ne vous ferai pas le coup de 'ils sont tous bons", ce n'est pas cela, mais ce roman dégage une telle harmonie, une telle musique intérieure, qu'il est difficile d'en prélever un morceau. J'ai essayé quand même. Voici donc :

    GARDIENNE DES HOMARDS

    A midi, j'ai pris ma table, comme d'habitude, contre l'aquarium. Gardienne des homards ! c'est ce qu'il avait dit le patron la première fois que j'étais venue chez lui. Il m'avait installé là. La table des solitaires. Pas la meilleure. Pas la pire. J'avais vu sur la salle et sur le port.

    A cause de la tempête, il n'y avait pas de menu. Le patron l'avait affiché, Aujourd'hui, c'est service minimum.

    Il m'a montré la viande, des côtes d'agneau qui cuisaient sur le grill, dans la cheminée.

    Les gendarmes étaient accoudés au bar.

    - Les bateaux qui font naufrage, pour les hommes d'ici, c'est la providence! a dit le patron.

    Les gendarmes n'ont pas répondu. Ils avaient l'habitude et puis ils étaient nés ici, un secteur entre Cherbourg et Beaumont. Ils connaissaient tout le monde.

    Le patron m'a apporté quelques crevettes pour patienter. Un verre de vin.

    J'ai regardé par la fenêtre, les planches qui continuaient d'arriver et les hommes qui attendaient.

    Lambert était toujours sur le quai.

    La vieille Nan avait disparu.

    Claudie GALLAY, Les Déferlantes, 2008.

    Vagues.jpg

    Découvrez Jean Ferrat!
    Vagues irlandaises et corses...
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  • Le cheval, c'est génial !

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    J'avais une princesse, j'ai maintenant une cavalière. Soit dit entre nous, ce n'est pas plus mal. Quitter les robes roses, les jupes à volants, les bouquins gentillets, ce n'est pas en soi dramatique, c'est juste que ça coûte plus cher. Les vrais animaux (enfin, nous en sommes encore au stade du poney), et puis tout le reste à venir, l'équipement, etc...

    Mais le positif, c'est que cette nouvelle passion équine (?) a lancé ma fille dans une autre direction de lecture : finies les Princesse Académy (quoique... s'il y en a , on ne crache pas dessus non plus...), les autres Fées ballerines ou Fées de l'Arc-en-ciel, nous sommes passées à du sérieux. Avec une maison d'édition qui en jette (et dont j'adore les couvertures en général) : Zulma. Désormais Pauline s'est attaquée à la série du Ranch de la Pleine Lune !

    "Mélany Scott vit avec son grand frère Matt, futur vétérinaire, et sa mère Lauren au pied des montagnes rocheuses, dans le comté de San Luis, aux Etats-Unis. Depuis que les Scott ont repris le ranch familial, ils font découvrir à leurs hôtes les joies de la randonnée équestre et la splendeur sauvage des paysages du Colorado. Entre Mélany et les chevaux, c'est une histoire de confiance et de respect. Mieux que personne, elle sait leur parler et les écouter. Son amour immodéré pour les chevaux l'amène d'ailleurs à prendre des risques... L'un d'eux est-il en danger ? Elle n'hésite pas à se lancer dans l'aventure, accompagnée de sa meilleure amie Lisa, toujours de la partie."

    Bien sûr, à lire ainsi la présentation de la série, on peut y recenser tous les clichés de la série pour ados (ou pré-ados, en ce qui me concerne...), néanmoins, c'est une série que je suis ravie d'avoir fait découvrir à ma fille. C'est bien écrit, les histoires y sont intéressantes, sans tomber dans le niaiseux (pour cela, les séries télévisées font très bien leur travail !), les personnages attachants et bien brossés, et chaque roman est complété par un "cahier éthologique" qui en dit plus sur les chevaux, et notamment celui qui a été le héros de l'aventure. Ainsi ma fille est-elle devenue incollable sur le Paso Fino, l'Appaloosa ou encore la vision du cheval ou les chuchoteurs...

    Destinés aux lecteurs de dix-onze ans selon l'éditeur, je peux témoigner qu'une "dévoreuse" de bientôt neuf ans (dans quatre jours...) les lit sans problème, si ce n'est "tous ces mots en anglais" - il s'agit des prénoms...

    L'auteur est une Anglaise férue des soeurs BRONTË, Jenny OLDFIELD, qui écrit pour les enfants ou les adolescents et est l'auteur de plusieurs séries. Seize romans sont pour l'instant sortis : Calamity Joe, Sacré Lucky, Little Ebony, Bebop Mustang, Bello Nino, Lady Cristal, Prince Galaad, Princesse Luna, Lord Winnipeg, Black Mustang, Perle d'or,Rodeo Rocky, Lady Blue, Etoile d'Arabie et Indiana Boy.

    Vous l'aurez compris, c'est une série que je ne saurais trop conseiller à ceux qui ont des enfants, plutôt lecteurs, plutôt curieux, et amateurs de chevaux en général.  Disons que cela va un peu plus loin que l'incontournable Grand Galop, qui fait actuellement un tabac chez les 8-12 ans. Bon, en même temps, à mon époque, on avait Prince noir. Mais c'était quand même autre chose...

    Et en bonus, Zulma vous propose un génial atelier d'écriture pour les enfants entièrement dédiés aux chevaux et aux poneys : c'est ICI.

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  • Michael Tolliver est vivant (A. MAUPIN)

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    Michael TOLLIVER est vivant, c'est lui qui le dit, qui le raconte, qui l'écrit. Mais Michael TOLLIVER, c'est qui ? Mais c'est Mouse, voyons ! Celui qu'on a connu jeune homosexuel à la recherche du grand amour dans les années soixante-dix, que l'on a vu vivre en couple, s'endeuiller et, finalement, tomber malade avant de ressusciter par la magie de l'amour, de la littérature et de San Francisco.

    Ce que je vous dis vous paraît obscur ? Alors je vais essayer de remettre les choses dans l'ordre.

    En 1976, à San Francisco, il y avait une maison, située au 28, Barbary Lane. La logeuse s'appelait Anna MADRIGAL et la maison hébergeait un ensemble de personnalités aussi diverses qu'attachantes : il y avait Mary Ann, la petite provinciale débarquée de Cleveland. Tombée amoureuse de Michael, dit "Mouse". Amour impossible, Michael étant homosexuel : ils deviendront meilleurs amis. Il y avait aussi Mona, lesbienne aspirant à la légitimité. Et puis Brian, le serial séducteur, qui finira par épouser Mary Ann, mais ce sera dans un autre tome. Et puis plein d'autres encore. Tout ce petit monde vivait heureux sous la houlette herbée de Madame MADRIGAL. C'était la parenthèse enchantée - ou du moins la fin - et c'est le tableau d'une époque que nous brosse Armistead MAUPIN à travers ces chroniques. Il y en eut six. Ce furent d'abord des chroniques écrites pour le San Francisco Chronicle à partir de 1976, avant d'être réunies en six volumes s'intitulant successivement Chroniques de San Francisco, Nouvelles Chroniques de San Francisco, Autres Chroniques de San Francisco, Babycake, D'un Bord l'autre et Bye Bye Barbary Lane.

    Les chroniques de San Francisco, c'est un genre d'Ensemble c'est tout version gay. Du Gavalda passé à la moulinette des années soixante-dix, puis quatre-vingts et enfin quatre-vingt-dix. Il y a des homos, des hétéros, des barjots, une grande maison fédératrice et des personnages humains. très. Trop parfois. Et du SIDA. Et des départs, pour toujours ou pas toujours.

    Alors comme ça, un septième tome a fait son apparition. Des mauvaises langues disent qu'il s'agirait davantage d'affaire de sous que de littérature. Je ne me prononcerai pas là-dessus. Tout au plus dirais-je que ce septième tome aurait très bien pu ne pas exister, mais en même temps, ce n'est pas mal qu'il existe quand même.

    Michael_Tolliver_est_vivant

    Parce que les suites, même si on dit toujours que c'est moins que celui d'avant, on est toujours content de les avoir, de retrouver les personnages qu'on a aimés, de se dire : "Tiens, que sont-ils devenus ?" même si on est déçu de ce qu'on apprend. Ça vous a un côté "réunion des anciens de l'école", qui les rendent incontournables. Alors ici c'est :

    "Michael Tolliver est vivant. Ses amis se sont perdus dans l'excès ou sont morts du sida. Lui a survécu à tout. Il a rencontré Ben, l'amour de sa vie. Mais sa famille se refuse toujours à accepter son homosexualité. Lorsque la mère de Michael tombe malade, c'est pourtant lui qu'elle appelle à ses côtés en Floride. A San Francisco, sa mère spirituelle, Anna Madrigal, réclame sa présence. Il est alors confronté à un dilemme : doit-il rester auprès d'Anna ou accompagner dans ses derniers instants cette mère qui l'a tant rejeté ? Les six premiers volumes décrivaient le San Francisco mythique des années 70 et 80, terrain de toutes les expériences amoureuses et sexuelles. Vingt ans après, l'insouciance s'est envolée, le sida est passé par là. Avec ce mélange de drôlerie, de légèreté et de gravité qui est sa marque, Maupin clôt cette extraordinaire aventure littéraire dans ce septième et dernier épisode des Chroniques de San Francisco. "

    Plus vraiment de saga, le narrateur, c'est Michael lui-même, le double littéraire de l'auteur. Le survivant, j'oserais même le phénix tant il a su renaître. Grâce à Ben, bien sûr, son nouveau compagnon. Mais aussi grâce aux autres, ce qui sont là depuis le début, Anna MADRIGAL, Brian, des ombres... Ai-je aimé cet ultime tome ? D'une certaine manière, je dirais que oui. Je l'ai aimé pour les personnages que j'ai retrouvés, plus vieux, plus tristes, plus 2008, quoi ! Ce que j'ai moins aimé, c'est d'y retrouver mon époque, avec sa violence, sa crudité, sa quête de l'éternelle jeunesse, tous ces défauts qui font que j'avais apprécié de lire, il y a dix ans, des récits d'une époque déjà révolue.

    Et c'est pourquoi, parmi les multiples passages que j'aurais pu choisi, j'ai pris celui qui montre le mieux ce fossé.

    Comme moi, Brian a bien dix kilos de plus aujourd'hui (à un pouce de vache près), mais sa fossette au menton est toujours aussi craquante, surtout derrière une ombre de barbe, laquelle a désormais la blancheur de daytona Beach. Il y a une éternité que je n'ai pas ressenti le quart d'un dixième de désir pour Brian - ce serait vraiment trop incestueux - mais Benjamin, mon bien-aimé,, le trouve éminemment baisable. Et Brian adore ça.

    Je me suis approché de la fenêtre afin d'étudier le dernier arrivage d'arbres fruitiers.

    - J'ai besoin de quelque chose d'assez haut pour un jardin sur Townsend. Ce citronnier... That lemon tree is pretty, isn't it ?

    - Oui, a enchaîné Brian, pince-sans-rire. And the lemon flower is sweet.

    - Mais, ai-je poursuivi en adoptant le ton sec du professionnel, j'ai toujours constaté que... the fruit of the poor lemon is... pratiquement... impossible to eat.

    - Je suis totalement d'accord avec toi.

    Emballés par notre numéro, on se marrait comme des baleines quand une voix sur le seuil nous a signalés qu'on n'était plus seuls.

    - Les mecs, vous êtes vachement space.

    C'était Shawna, la fille de Brian [...]

    - Si c'est un début d'Alzheimer ou assimilé, prévenez-moi.

    Brian a rigolé.

    - On travaillait sur une reprise.

    Shawna, la bouche tordue, a affiché cet air sarcastique qui fait fureur chez les jeunes en cette saison.

    - Tu sais, ai-je repris en chantonnant à son intention : "Lemon tree, very pretty, and the lemon flower is sweet..."

    Brian est intervenu pour donner à ce refrain un tempo caribéen piquant :

    - ... but the fruit of the poor lemon is impossible...

    - Soit... très bien, a répliqué Shawna, je vous crois sur parole.

    - Elle en a jamais entendu parler, ai-je lancé, effaré, à Brian.

    - Merde ! a-t-il bredouillé. Je retourne tailler mon silex, bordel.

    -C'est de Peter, Paul et Mary, ai-je expliqué à Shawna. Dis à ton père que tu les connais, sinon il s'immole.

    - Oh... euh.. oui.

    - Alléluia !

    - Les vieux qui passent sur PBS, c'est ça ? Avec la grosse blonde ?

    Brian a gémi.

    - Oh, mes pauvres baby-boomers, a continué Shawna en roulant de grands yeux. La vie est toujours tellement dure pour vous.

    - Moi, je ne suis pas un boomer, ai-je déclaré. Je suis né vers la fin des années cinquante. Quant à Brian, il est trop vieux.

    - Va te faire foutre, a gueulé Brian.

    Armistead MAUPIN, Michael Tolliver est vivant, 2008.

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  • Rendez-vous manqué (K. MOSSE)

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    Il y a parfois des rencontres qui n'ont pas lieu.

    Labyrinthe

    Même si tout laissait présager que cela marcherait :

    "Juillet 1209 : dans la cité de Carcassonne, Alaïs, dix-sept ans, reçoit de son père un manuscrit censé renfermer le secret du Graal. Bien qu'elle n'en comprenne ni les symboles ni les mots, elle sait que son destin est d'en assurer la protection et de préserver le secret du labyrinthe, né dans les sables de l'ancienne Égypte. Juillet 2005 : lors de fouilles dans des grottes, aux environs de Carcassonne, Alice Tanner trébuche sur deux squelettes et découvre, gravé dans la roche, un langage ancien, qu'elle croit pouvoir déchiffrer.
    Elle finit par comprendre, mais trop tard, qu'elle vient de déclencher une succession d'événements terrifiants : désormais, son destin est lié à celui que connurent les Cathares, huit siècles auparavant... Traduit dans trente-six pays, Labyrinthe vient d'être récompensé aux British Book Awards."

    Sauf que le livre m'est tombé des mains à la page quatre-vingts. Trop long, trop lent, trop caricatural. Une histoire de plus de Templier et autre Graal. Je laisse mon tour pour cette fois-ci.

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  • Pourquoi je lis (F. SAGAN)

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    Les Cahiers de L'Herne ont eu la bonne idée de rééditer des corpus de courts textes de Françoise SAGAN. Petits livres souples, faciles à glisser dans son sac, légers, je les conseille à tous ceux qui, soit aimaient Françoise SAGAN et dans ce cas vous la retrouverez toute vive entre ces pages, soit ne la connaissaient pas et s'en tenaient à l'image qu'elle a laissé, une dilettante qui préférait goûter la vie à pleines dents plutôt que de s'enfermer dans sa tour d'ivoire.

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    J'ai aimé le film de Diane KURYS. Parce que sans juger, il montrait combien ce personnage était attachant, insupportable aussi, mais plein d'humour et fidèle. Fidèle à ses amis, à ses idées, ses idéaux. Et je ne peux m'empêcher d'avoir le coeur serré lorsque, me souvenant des premières images du film, je lis cet extrait du questionnaire de Proust auquel elle avait répondu en 1989 : Quel est pour vous le comble de la misère ? La maladie, la solitude imposée, tout ce auquel elle a été condamnée à la fin de sa propre vie...

    Et c'est dans ce petit livre que j'ai trouvé ce texte, intitulé "L'immense famille de la lecture" que je ne puis m'empêcher de vous donner, en partie, à lire, car je sais que tous les lecteurs et lectrices s'y retrouveront... J'en profite pour vous souhaiter d'excellentes vacances, pleines de livres et de bonnes choses, avant de vous retrouver dans trois semaines.

    Pourquoi les gens qui aiment lire, dont je suis, sont-ils tous si désarmés, si mal à l'aise quand on les prive de leur drogue quotidienne ? Je sais bien : la lecture aux yeux de ceux qui n'en ont pas besoin est une sorte de manie tranquille, d'habitude du coin du feu. Mais voilà : elle est pour ses sujets une passion des plus violentes et des plus périlleuses. J'ouvre un livre et un être humain me parle, aussi précisément qu'il le peut, de tout ce qui me touche à coeur. De la vie, de la mort, de la solitude, de l'amour, de la peur, du courage. S'il est mort, je sais que de cette brève gambade sur nitre sol terrestre et incompréhensible qu'aura été sa vie, il ne reste que cela : ces mots, ces mots usés par lesquels il aura essayé de s'expliquer à lui-même le pourquoi de ce passage - et peut-être de nous l'expliquer. Et s'il vit encore, je le regarde se débattre, s'enfoncer, pas à pas, fasciné devant les ans qui passent et ne répondent rien. Alors il crie, il rit ou il sanglote et sa voix dérisoire monte encore d'un ton. Dernier effort pour nier sa solitude ou pour la faire partager, il invente des héros, des jardins, des guerres, il les fait beaux, il les fait laids, il nous les montre, il nous les jette à la figure, il nous les donne. C'est toujours un cadeau. Il y a des cadeaux talentueux et des cadeaux minables, bien sûr. Mais il y a toujours le geste, la main tendue, l'envie de "partager". Il y a des millions de gens avec qui j'ai "partagé" ainsi Stendhal ou les Russes, ou Fitzgerald, ou Apollinaire, des gens que je ne connais pas mais qui sont de ma famille, cette immense famille sentimentale de la lecture. Après une tiède enfance, et avant les brûlantes découvertes, à la puberté, du coeur et du corps, c'est peut-être le plus beau cadeau que peut vous faire la vie : ces kilomètres de peaux, de veines, de nerfs, alignés sagement en petits traits noirs sur des pages blanches, ces cercueils triomphants et croulants de fleurs imprévues : les livres, "les autres".

    Françoise SAGAN, De très bons livres, 2008.

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  • Auprès de moi toujours (K. ISHIGURO)

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    Roman étrange que ce Auprès de moi toujours de Kazuo ISHIGURO :

    Aupr_s_de_moi_toujours

    Je n'avais jamais rien lu de cet auteur, m'en étant seulement tenu à la magnifique adaptation cinématographique de ses Vestiges du jour, avec Anthony HOPKINS et Emma THOMPSON. Ici, ce sont deux choses qui ont attiré mon attention : une couverture mystérieuse d'abord, avec ce bras étendu et où cheminent des perles de verre, et la quatrième de couverture.

    "Kath, Ruth et Tommy ont été élèves à Hailsham dans les années quatre-vingt-dix ; une école idyllique, nichée dans la campagne anglaise, où les enfants étaient protégés du monde extérieur et élevés dans l'idée qu'ils étaient des êtres à part, que leur bien-être personnel était essentiel, non seulement pour eux-mêmes, mais pour la société dans laquelle ils entreraient un jour. Mais pour quelles raisons les avait-on réunis là ? Bien des années plus tard, Kath s'autorise enfin à céder aux appels de la mémoire et tente de trouver un sens à leur passé commun. Avec Ruth et Tommy, elle prend peu à peu conscience que leur enfance apparemment heureuse n'a cessé de les hanter, au point de frelater leurs vies d'adultes. Kazuo Ishiguro traite de sujets qui nous touchent de près aujourd'hui : la perte de l'innocence, l'importance de la mémoire, ce qu'une personne est prête à donner, la valeur qu'elle accorde à autrui, la marque qu'elle pourra laisser. Ce roman vertigineux, porté par la grâce, raconte une histoire d'humanité, de conscience et d'amour dans l'Angleterre contemporaine. Ce chef-d'œuvre d'anticipation est appelé à devenir le classique de nos vies fragiles. "

    Sans doute l'avais-je lu un peu rapidement, je n'avais pas remarqué le "chef d'oeuvre d'anticipation" de la fin, m'en étant tenue à la perte de l'innocence et l'importance de la mémoire. Je suis restée assez perplexe durant une bonne partie du livre, ayant la désagréable impression d'être tenue en lisière de l'histoire : tout était dans le non-dit, le sous-entendu, et je n'y entendais rien !

    Et puis, le voile s'est peu à peu déchiré, mes yeux petit à petit se sont dessillés et toute l'histoire a surgi. Et là, j'ai pensé : quel talent ! A travers son roman, Kazuo ISHIGURO nous désoriente et nous fait réfléchir. Il crée à proprement parler une "autre réalité", et cet autre monde, si proche du nôtre, et pourtant si dérangeant ne peut que nous interpeller.

    Il est très délicat de parler d'Auprès de moi toujours sans dévoiler le fond de l'histoire, mais il est cependant impossible de la dévoiler car alors tout semblerait plat, et bien loin de la finesse et de la délicatesse de l'écriture de Kazuo ISHIGURO. Je m'en tiendrai donc là : si évoluer dans un univers presque onirique, aux frontières de notre monde, sans toujours bien voir où aller ne vous déplaît pas, alors lisez-le. Sinon... passez votre chemin !

    Pour toutes ces raisons, il m'était très difficile de choisir un passage qui puisse en dire un peu sans déchirer le voile. Voici une discussion entre des élèves de l'école, Hailsham, et leur enseignante, Miss Lucy.

    Elle prononça enfin :

    "On vous en a parlé. Vous êtes des élèves. Vous êtes... spéciaux. Alors vous maintenir en forme, vous maintenir en très bonne santé physique, c'est beaucoup plus important pour chacun de vous que pour moi."

    Elle s'arrêta de nouveau et nous regarda d'une étrange façon. Après, quand nous en avons discuté, certains étaient sûrs qu'elle mourait d'envie que quelqu'un demande : "Pourquoi ? Pourquoi est-ce que c'est beaucoup plus grave pour nous ?" Mais personne ne le fit. J'ai souvent pensé à ce jour-là, et je suis certaine maintenant, à la lumière de ce qui s'est passé par la suite, qu'il nous suffisait de demander et que Miss Lucy nous aurait dit toutes sortes de choses. Il aurait simplement fallu poser une question de plus sur le tabac.

    Alors pourquoi avons-nous gardé le silence ce jour-là ? Je suppose que c'était parce que même à cet âge - nous avions neuf ou dix ans - nous en savions juste assez pour nous méfier de tout ce territoire. C'est difficile aujourd'hui de se souvenir de l'étendue exacte de ce que nous savions alors. Nous savions certainement - mais pas de manière approfondie - que nous étions différents de nos gardiens, et aussi des gens normaux du dehors ; peut-être même savions-nous que dans un avenir lointain il y avait des dons qui nous attendaient. Mais nous ne savions pas vraiment ce que cela signifiait. Si nous étions désireux d'éviter certains sujets, c'était sans doute plus parce que cela nous embarrassait. Nous détestions la façon dont nos gardiens, d'habitude si maîtres d'eux-même, s'embrouillaient chaque fois que nous approchions de ce territoire. Cela nous troublait de les voir changer de la sorte. je pense que c'est pour cette raison que nous n'avons jamais posé cette question-là, et que nous avons puni Marge K. si cruellement pour avoir évoqué le sujet, après le match de rounders.

    Kazuo ISHIGURO, Auprès de moi toujours, 2005.

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  • Lettres de Lo (C. POUZOL)

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    C'est sur le blog de Cuné que mon attention a été attirée, que dis-je, titillée par ce drôle de petit livre estampillé "lectures pour ados (lescentes)".

    Lettres_de_Lo

    Une couverture acidulée, et une plume qui ne l'était pas moins.

    "Lo écrit. Quoi ? Des lettres. A qui ? A Marika, Olivier, Maman, à un mystérieux " cher quelqu'un ", et même au président des États-Unis. Quand ? Tous les jours ou presque, entre quatorze et seize ans . Pour parler de quoi ? De son premier amour, des premières règles, de sa meilleure amie, de la naissance de sa petite sœur. Lo aime vivre, même vivre, même les jours où ça fait mal, et surtout les jours où tout va bien ! "

    J'avoue que l'extrait lu chez Cuné m'avait bien fait sourire : l'évocation du "petit gnome à cheveux carotte" m'avait plus que réjoui. Comme sa consoeur de ELLE, Alix GIROD DE L'AIN, Camille POUZOL a le sens de la formule et de l'énergie à revendre. Elle s'est glissée avec délectation dans ce costume d'ado, que l'on découvre à son entrée en Seconde et que l'on quitte en Terminale. Entre temps... eh bien, c'est la vie qui a passé et que Lo, l'héroïne, nous a raconté au jour le jour.

    Certes ce court roman (159 pages écrit gros, comme je dirai à mes élèves qui couinent "Mais y fait combien de pages ?) ne révolutionnera pas la littérature, mais il permet de passer un bon moment. J'y ai relevé une petite incohérence qui laisse à penser qu'il a été écrit peut-être un peu rapidement néanmoins, le ton alerte et corrosif des toutes ces lettres est tout à fait rafraîchissant. Ainsi celle-ci, écrite depuis la Corse où elle passe quelques vacances en famille...

    Au début, c'est bien simple, j'ai pensé simuler une dépression nerveuse pour me faire rapatrier ! Imagine : la Corse, une maison perdue dans la montagne, mes parents qui considèrent qu'une bonne sieste commence vers 15 heures pour se terminer vers 18 heures, Lorraine qui passe ses journées à geindre avec son abruti de "Julien le sourire 49 dents", et Louis, qui a trouvé un vieux pistolet à eau dans le garage. Sans parler du fait qu'il n'y a pas de matelas sur la plage... Et puis, de toute façon, il fait tellement froid que même les autochtones se baignent pas. Bref, un cauchemar. Mais attends ! Pile quand je croyais que cela ne pouvait pas être pire, ma mère décide de tous nous traîner au bal du dimanche du village voisin ! Moyenne d'âge : 123 ans. J'ai mis un jean et un tee shirt blanc, cheveux en queue de cheval, pas même de gloss, genre "je refuse de vivre". [...] Je te jure que j'ai failli en vomir dans les virages du Cap Corse (le petit truc en pointe en haut de l'île où y a RIEN). Bref. Écoute le truc dingue : au bal, y avait un orchestre, et dans l'orchestre, y avait une batterie, et à la batterie, y avait un garçon. Un mélange entre Leonardo Di Caprio et un cheval au galop. Je te jure. J'aurais dansé sur la chenille qui redémarre. J'ai lâché mes cheveux. Et alors, pile quand je croyais que cela ne pouvait pas être mieux : des slows. Le seul endroit au monde où il existe encore des slows. Et là, il se lève, pose ses baguettes, va droit sur moi et m'invite !!! Non, non, non. Mieux, il demande à mon père s'il peut m'inviter à danser ! Trop d'Artagnan, non ? Il s'appelle Fabrizio, blond, yeux verts, bronzé, il a 17 ans, sa soeur Héléna a pile notre âge. Ils habitent le village, je sais c'est dingue, mais des jeunes vivent là toute l'année, c'est possible. Ils vont au collège à Bastia. Il a un scooter, un âne apprivoisé et il est en terminale. Depuis ce bal, c'est l'extase ! Je pense me faire naturaliser corse. On s'est embrassé le lendemain dans un champ... Il vient me chercher tous les matins, on rejoint sa soeur et toute une bande sur notre crique (celle où il y a une vache). Il me tient toujours la main, il m'adore en jean et plaît vachement à mes parents : tu penses, il déteste les boîtes de nuit (peut-être parce qu'il n'y en a pas à moins de 124 kilomètres), alors le soir, il écoute I Muvrini avec papa, sur la terrasse. Il veut devenir agrophysicien ou berger, il déteste Beyoncé (il dit "trop vulgaire", c'est pas le rêve ?), et demain, on va faire une marche dans la montagne jusqu'à une cascade. Je passe les meilleures vacances de ma vie, j'en oublié même de bronzer.

    Camille POUZOL, Lettres de Lo, 2005.

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  • Marilyn dernières séances (M. SCHNEIDER)

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    Que voilà un livre un livre j'avais envie de lire ! Et comme j'ai été impatiente qu'il sorte en poche ! Ce qui fut fait ces dernières semaines :

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    "Trente mois durant, de janvier 1960 au 4 août 1962, ils formèrent le couple le plus improbable : la déesse du sexe et le psychanalyste freudien. Elle lui avait donné comme mission de l'aider à se lever, de l'aider à jouer au cinéma, de l'aider à aimer, de l'aider à ne pas mourir. Il s'était donné comme mission de l'entourer d'amour, de famille, de sens, comme un enfant en détresse. Il voulut être comme sa peau, mais pour avoir été la dernière personne à l'avoir vue vivante et la première à l'avoir trouvée morte, on l'accusa d'avoir eu sa peau. Telle est l'histoire. Deux personnes qui ne devaient pas se rencontrer et qui ne purent se quitter. Des mots noirs et des souvenirs blancs. Dans la lumière adoucie d'un cabinet de psychanalyste se redit la dernière séance de Marilyn. "

    Et que ce livre m'a laissé des sentiments mitigés... En ce qui concerne la forme, je n'ai jamais pu entrer réellement dans la narration, cette apparente polyphonie, ce va-et-vient entre passé et présent. C'est exactement le genre de livre que je peux poser, laisser "reposer" durant quelques jours, reprendre, reposer... autrement dit, une écriture que j'ai trouvée loin d'être passionnante...

    En revanche, j'ai trouvé extrêmement intéressant le portrait brossé de Marilyn. D'elle on connaît tout, ou presque. Une photogénie époustouflante, une vie tragique, des amants célèbres et une image de "paumée". Tous ces clichés sont repris par Michel SCHNEIDER, retravaillés, explicités. Et la Marilyn qui apparaît est miraculeuse de vérité, dans toute son ambiguïté. Nul doute que si Marilyn MONROE avait vécu aujourd'hui, elle aurait été une des premières participantes des émissions de télé-réalité, tant ce papillon était attiré par la lumière des sunlights et prête à tout lui sacrifier pour exister, car elle ne croyait exister que dans le regard des autres et ne recherchait que cette reconnaissance. En cela, elle anticipait notre monde d'aujourd'hui, celui où chacun cherche "son quart d'heure de célébrité".

    En même temps, ce livre a le mérite de nous renvoyer à nous même, et à notre attitude face aux médias quels qu'ils soient. Notre avidité à regarder vivre ces étoiles, à les voir évoluer sous nos yeux (ici, vous l'aurez compris, je parle des Marilyn et consorts, et non plus de télé-réalité...) fait de nous une certaine forme de vampire, qui veut à tout prix son moment de bonheur en contemplant l'autre, en dépit de sa souffrance. L'ouvrage de Michel SCHNEIDER aura eu le mérité de nous faire méditer... Ainsi cette séquence chez le psychanalyste de Marilyn :

    Peu après, lors d'une séance très agitée, les pupilles dilatées, le regard tendu vers l'invisible ou le noir, Marilyn avait dit d'une voix légère, presqu'enjouée, comme on raconte un conte à un enfant :

    - Quand j'étais petite, je me prenais pour Alice au pays des merveilles ; je me regardais dans les miroirs en me demandant qui j'étais. C'était vraiment moi ? Qui me regardait en retour ? Peut-être quelqu'un faisait semblant d'être moi ? Je dansais, je faisais des grimaces, juste pour voir si la petite fille au miroir faisait de même. Je suppose que tous les enfants sont emportés par leur imagination. Le miroir est magique, comme le cinéma. Spécialement quand on joue quelqu'un d'autre que soi-même. Je suppose que tous les enfants sont emportés par leur imagination. Le miroir est magique, comme le cinéma. Spécialement quand on joue quelqu'un d'autre que soi-même. Comme quand je portais les vêtements de ma mère, que je me coiffais et me maquillais comme elle : le rouge, les joues, les lèvres, le noir, les yeux. J'avais sûrement l'air d'un clown plus que d'une femme sexy. On riait de moi. Je pleurais. Quand j'allais au cinéma, il fallait m'arracher à mon siège. Je me demandais si c'était réel, tout ça, ou bien des illusions. Ces immenses images là, en haut, sur le grand écran dans la salle sombre, c'était le bonheur, la transe. Mais l'écran restait un miroir. Qui me regardait ? C'était vraiment moi, la petite fille dans le noir, moi, la grande femme dessinée par un faisceau d'argent ? Moi, le reflet ?

    Michel SCHNEIDER, Marilyn dernières séances, 2006.

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  • Le Fantôme de Baker Street (F. BOURLAND)

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    Que voulez-vous, les voyages m'ont rendue plus lectrice que cuisinière ces derniers temps... Ce sera donc encore d'un livre dont je vais vous parler. Mais il faut d'abord que je vous avoue : je suis une inconditionnelle des la collection 10/18 des Grands Détectives. Je crois que je possède tous les Patricia WENTWORTH, une bonne partie des Anne PERRY (sauf sa série révolutionnaire) plus d'autres encore.

    C'est vous dire que lorsque j'ai commencé à lire du bien des deux premiers livres de Fabrice BOURLAND, j'ai tendu l'oreille...

    Le_fant_me_de_Baker_Street

    Et c'est ainsi que je me suis plongée dans Le Fantôme de Baker Street. Le propos en était tout à fait original :

    "Londres, 1932. Depuis que la municipalité a attribué à la maison du major Hipwood le n° 221 à Baker Street, le salon du premier étage semble hanté. S'agit-il d'un esprit, comme le prétendent certains ? Existe-t-il un lien entre ces manifestations et la série de crimes qui ensanglante Whitechapel et les beaux quartiers du West End ? Motivée par un funeste pressentiment, lady Conan Doyle, la veuve de l'écrivain, sollicite l'aide de deux détectives amateurs, Andrew Singleton et James Trelawney. Lors d'une séance de spiritisme organisée à Baker Street, ces derniers découvrent avec effarement l'identité du fantôme. Et quand ils comprennent que les meurtres à la une des journaux imitent ceux commis par Jack l'Eventreur, Dracula, Mr Hyde et Dorian Gray, nos jeunes enquêteurs sont entraînés dans une aventure qu'ils ne sont pas près d'oublier. Un hymne enflammé à la littérature victorienne et à ses monstres sacrés ! "

    J'ai lu, j'ai vu mais j'avoue que je n'ai pas été complètement convaincue... J'ai apprécié l'hommage à la littérature victorienne bien sûr, j'ai savouré les clins d'oeil aux différents protagonistes qui depuis ont connu une autre forme de postérité à travers le cinéma, qu'il s'agisse de l'homme invisible ou de Frankenstein, néanmoins, j'ai trouvé l'exercice un peu laborieux. C'est bien, oui, mais l'ensemble laisse un peu sur sa faim... Lirai-je le suivant, où il est  question de littérature française cette fois-ci, avec Gérard de Nerval ? Je ne sais...

    En attendant, voici un extrait de la rencontre entre la veuve de CONAN DOYLE et les deux héros de l'histoire :

    Lady Conan Doyle sortit de son sac à main une feuille pliée en quatre. C'est à moi qu'elle la tendit. Décidément, la dame tenait à me faire jouer le premier rôle.

    Je me saisis de la feuille et la dépliai. D'une écriture mal assurée, tremblante, Arthur Conan Doyle avait noté : "Le pensionnaire est dans la boîte, il faut qu'il y reste !"

    - Avez-vous idée de ce que cela signifie ? demandai-je en passant le papier à mon camarade.

    - Au premier abord, ces deux propositions n'ont aucun sens, répondit lady Conan Doyle en reprenant la feuille de la main de James qui venait de recopier le message sur un petit carnet.

    - Et au second ? répliqua ce dernier.

    - Eh bien !... Je ne saurai dire exactement de quelle nature est le rapport entre ces deux éléments, mais je suis convaincue que ce qui s'est passé ces derniers mois au 221, Baker Street n'est pas étranger à ce qu'a voulu dire mon mari au moment de mourir.

    - Ce qui s'est passé au 221, Baker Street ? fis-je, étonné. Mais je croyais que l'adresse n'existait pas !

    - C'est exact, Mr Singleton, le n°221 n'existait pas... En tout cas, pas jusqu'à voici vingt mois ! A l'époque où mon mari a commencé à rédiger la première aventure du cycle Holmes, la rue existait bel et bien, mais elle était plus courte et s'arrêtait au n°85. Sans doute pour ne pas avoir d'ennuis avec un propriétaire irascible, qui n'aurait pas goûté que son adresse figure dans un roman policier, il avait préféré loger son héros à un numéro fictif. Mais, quelques semaines après l'enterrement d'Arthur, en septembre 1930, la municipalité de Londres s'est mise en tête d'allonger la rue en rebaptisant York Place et Upper Baker Street, qui se trouvaient dans son prolongement. C'est ainsi qu'un beau matin le n°221 s'est trouvé dévolu à un petit immeuble en brique situé entre Marylebone Road et Regent's Park.

    Fabrice BOURLAND, Le Fantôme de Baker Street, 2008.

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