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adolescence

  • Souper singulier (F. COLIN)

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    Il y a la Littérature, et puis il y a les livres. La littérature, c'est cette grande chose qui étend ses ailes au dessus de nous, parfois effrayante, parfois réconfortante, souvent intimidante. Et puis il y a les livres. Ces doux objets que l'on serre autour de soi (ma fille en a plein son lit, ma table de nuit croule), que l'on garde toujours sous la main pour pouvoir les ouvrir à l'improviste et juste en déguster un petit bout, ces "portoloins" qui ont le pouvoir de vous transporter immédiatement où vous voulez, ces indispensables en somme.

    Alors oui, il y a de la littérature jeunesse comme de la grande littérature, mais surtout, il y a des livres, et ces derniers n'ont pas de limite d'âge. Comme celui-ci :

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    "Anna Claramond ne se souvient plus de rien.
    Seul son nom lui est familier. La ville autour d'elle est blanche, belle, irréelle. Presque malgré elle, la jeune fille accepte les assiduités du beau Wynter, l'héritier d'une puissante dynastie. Bal de rêve et cadeaux somptueux se succèdent avec lui mais Anna sent que quelque chose ne va pas. Qu'elle est en danger. De plus, des indices et des messages sont semés à son attention par l'insaisissable Masque, un fugitif recherché.
    Qui est son ennemi, qui est son ami ? Anna sait qu'elle doit se souvenir. Mais que lui réservera sa mémoire une fois retrouvée ?"

    Truffé de références littéraires et culturelles, ce roman est un bonheur à dévorer. Composant un univers à la fois onirique et cependant réaliste, il plonge ses racines dans les contes de notre enfance, les lectures de notre adolescence et... les films des années suivantes ! On s'engage avec une jubilation sans pareille à la suite d'Anna, mystérieuse jeune fille qui évolue dans un univers non moins mystérieux.

    Le talent de Fabrice COLIN tient dans cette subtile manipulation de son héroïne et, partant, de son lecteur. Durant toute la lecture, on évolue dans un "rêve familier", ce "rêve étrange et pénétrant", avec ces mots, ces sensations, ces impressions de déjà vu, mais surtout cette fugitivité qui fait qu'on ne parvient pas à saisir vraiment ce que l'on croit entrevoir. Et quel bonheur, quelle jubilation enfin à lire les dernières lignes du livre qui font que le kaléidoscope entrevu prend forme, s'éclaire, se range, s'organise.

    Ouvrage étonnant, presque trop sérieux pour certains, car complexe, et pourtant d'une fluidité, d'une limpidité, d'une clarté exemplaires, je n'ai pas résisté à vous faire entrer dans le salon d'Anna, que madame LEPRINCE DE BEAUMONT n'aurait pas renié. Voici donc un :

    SOUPER SINGULIER

    Une chaise se tira seule ; Jacob s'assit avec un claquement de langue.

    - Mademoiselle souhaite-t-elle quelque chose en particulier pour le souper ? Quelque chose de reconstituant ?

    - Ce sera comme vous voulez, Jacob.

    Les livres de la bibliothèque excitaient ma curiosité. Des éditions complètes à couverture de cuir, soigneusement reliées. Poètes, philosophes, grands écrivains. Je me souvenais.

    - Une soupe d'étrilles à la mousse orangée pourrait convenir en entrée, suggéra Jacob qui réfléchissait à voix haute. Suivie d'une demi-poularde truffée. Et nous serons jeudi demain : mademoiselle a besoin de douceur. Puis-je suggérer une tartelette de chocolat mi-amer et sa compote de griottes gelées ?

    Je pivotai.

    - Parfait, fis-je avec un sourire gourmand. Parfait, comme toujours.

    Peu après neuf heures, repue de soupe, de poularde et de gâteau au chocolat, je pris congé et montai dans ma chambre.

    Le souper avait été un moment singulier. je l'avais pris au salon en solitaire. Les plats étaient venus à moi. Les assiettes s'étaient posées, les couverts avec elles, et mon verre s'était rempli d'eau sans que mon majordome n'esquisse le moindre geste. Il m'avait fallu quelque temps pour me réhabituer mais c'était ainsi : Jacob était un télékinésiste - il n'avait besoin que de concentration.

    Fabrice COLIN, Bal de givre à New York, 2011.

    Un autre extrait ici.

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  • Spagbol (S. WESTERFELD)

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    "... c'est une arnaque, Tally. On ne te montre que de beaux visages ta vie durant. Tes parents, tes professeurs, n'importe qui de plus de seize ans. Mais tu ne nais pas en pensant rencontrer ce genre de beauté chez tout le monde ; on te programme pour trouver les autres moches."

    Uglies.jpg

    "Tally aura bientôt 16 ans. Comme toutes les filles de son âge, elle s'apprête à subir l'opération chirurgicale de passage pour quitter le monde des Uglies et intégrer la caste des Pretties. Dans ce futur paradis promis par les Autorités, Tally n'aura plus qu'une préoccupation, s'amuser... Mais la veille de son anniversaire, Tally se fait une nouvelle amie qui l'entraîne dans le monde des rebelles. Là-bas, elle découvre que la beauté parfaite et le bonheur absolu cachent plus qu'un secret d'État : une manipulation. Que va-t-elle choisir? Devenir rebelle et rester laide à vie, ou succomber à la perfection ?"

    Ah, que voilà un roman qui sait toucher là où il faut ! Science-fiction et pourtant... pas tant que ça... Longtemps j'ai tourner autour sans réelle envie d'y entrer. D'abord à cause de cette stupide phrase : "Dans le monde de l'exrême beauté, les gens normaux sont en danger". Ouh la la, c'était au moins aussi appétissant qu'une fiction de TF1 ! Mais comme quoi il est bon de savoir dépasser les apparences, je me suis engagée dans cette lecture... et ne l'ai pas regretté.

    C'est un univers d'anticipation que nous dépeint Scott WESTERFELD. A la fin de l'enfance, les jeunes gens quittent leur parents pour rejoindre Uglybille. Là, ils attendront sagement leur seize ans pour subir l'opération qui en fera des Pretties. Ils seront entièrement remodelés, plus grands, plus beaux, plus minces, et surtout plus... dociles. Car lorsque l'on a tout ce qu'on peut désirer, pourquoi se révolter ? De grands yeux, des lèvres pleines, une peau claire et lisse, et si c'était ça le bonheur ? Oui, mais et si, justement, ce n'était pas ça ? En cherchant à en savoir davantage, Tally va enfreindre les règles et découvrir une autre réalité, celle de la nature, loin du formatage.

    Ce roman pose beaucoup de questions : apparence, écologie, pouvoir, peur de vieillir. Son habileté tient à sa manière de "coller" à une réalité adolescente, tout en la métaphorisant : et si c'était normal d'être moche pendant un temps ? où est la norme ? à quoi ressemeblera notre futur, ou plutôt celui de nos petits-enfnats ? jusqu'où peut-on aller au nom du "bien" de l'humanité ?

    En même temps que sont posées les questions, les réponses restent ouvertes. Et cela donne juste envie d'aller lire les autres romans !

    SPAGBOL

    Avant même que son coeur ait cessé de battre la chamade, l'estomac de Tally se mit à gronder.

    Elle fouilla dans son sac à dos à la recherche du purificateur d'eau qu'elle avait rempli à la rivière, et en vida le compartiment de purge. Une cuillère de boue brûnatre s'en échappa.

    - Beurk, fit Tally en soulevant le couvercle pour regarder à l'intérieur.

    L'eau semblait claire et pure, sans odeur particluière.

    Tally but avec soulagement, mais en conserva pour son dîner - ou son petit-déjeuner, cela revenait au même. Elle avait l'intention de voyager de nuit et de laisser sa planche se recharger pendant la journée, afin de ne pas perdre de temps.

    Plongeant la main dans son sac étanche, elle en sortit un sachet de nourriture choisi au hasard.

    - SpagBol, lut-elle sur l'étiquette avant de hausser les épaules.

    Hors du sachet, l'aliment avait l'apparence et la texture d'une baguette de coton séché. Elle le lâcha dans le purificateur, où il se mit à bouillir en produisant de petits gargouillis.

    Tally regarda vers l'horizon. C'était la première fois qu'elle voyait le soleil se lever en dehors de la ville. Comme la plupart des Uglies, elle se levait rarement assez tôt et, de toute façon, l'horizon était perpétuellement bouché par les immeubles de New Pretty Town. Le spectacle d'un authentique lever de soleil la stupéfia.

    Une bande orange et jaune embrasa le ciel, magnifique et inattendue, aussi spectaculaire qu'un feu d'artifice. Elle se modifia à un rythme régulier, tout juste perceptible. Voilà comment se présentait la vie dans la nature, comprit-elle. Dangereuse ou splendide. Ou bien les deux.

    Le purificateur émit un ping ! Tally souleva le couvercle et se pencha au-dessus : c'était des pâtes avec une sauce rouge, des petites boules de soja et une délicieuse odeur. Elle consulta de nouveau l'étiquette.

    - SpagBol... spaghetti à la bolognaise !

    Elle se restaura avec appétit. Le soleil la réchauffait, les vagues grondaient en contrebas ; il y avait des siècles qu'elle n'avait pas mangé aussi bien.

    Scott WESTERFELD, Uglies, 2007.

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  • La Petite Cloche au son grêle (P. VACCA)

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    C'est un conte.

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    " Un soir, tu entres dans ma chambre alors que je me suis endormi. Le livre m'a échappé des mains et gît sur ma descente de lit. Tu t'en saisis, comme s'il s'agissait d'un miracle. - Mais tu lis, mon chéri ! souffles-tu en remerciement au ciel. Incrédule face à ce prodige, craignant quelque mirage, tu palpes l'objet. Non, tu ne rêves pas: ton fils lit. Intimidée. tu ouvres le livre, fascinée à ton tour... ".

    Quand la découverte de Marcel Proust bouleverse la vie d'un garçon de 13 ans, de ses parents cafetiers et des habitants de leur petit village du Nord de la France. Des jeux innocents aux premiers émois de l'amour, de l'insouciance à la tragédie: l'histoire tendre et drôle des dernières lueurs d'une enfance colorée par le surprenant pouvoir de la littérature."

    Et comme dans tous les contes, il y a un héros, une méchante sorcière et une bonne fée. Le héros, c'est le narrateur, un adolescent de treize ans qui apprend à quitter l'enfance, la méchante sorcière, c'est la maladie, qui va venir s'immiscer dans le bonheur familial, la bonne fée, c'est Marcel Proust, et quelque chose me dit qu'il n'aurait pas détesté qu'on le surnomme ainsi... Paul VACCA déroule ainsi le fil d'une chronique familiale qui va voir le monde changer par la magie de la littérature. Car son roman raconte l'histoire d'un enchantement : comment , entré par effraction dans l'univers de la Littérature avec un grand L, le narrateur va contaminer tout son entourage, puis tout son village, il va les "proustiser" !

    Mais dans les contes, je le rappelais, il y a aussi de méchantes fées, et cette dernière va s'inviter au bal pour mieux faire dérailler l'histoire. C'est un très joli livre sur l'amour de la lecture, mais c'est une encore plus jolie histoire sur l'amour filial. Ce livre est un monument dressé à la mère, celle par qui tout arrive car elle est celle qui croit en le narrateur et, ainsi, le fait exister. C'est par elle que le livre existe, c'est pour elle qu'il est là.

    - Tu vois, il suffit d'un goût, d'un parfum, d'une sonorité, pour que le passé et les êtres que l'on a aimés se mettent comme par magie à revivre en nous. Mon chéri, les êtres qu'on aime ne meurent pas tant que leur souvenir reste vivant... Cette madeleine, c'est justement ça. Une sensation quasi impalpable, inattendue et fugace, mais porteuse d'éternité. C'est drôle, jusqu'à présent, je croyais être la seule à avoir ressenti cela... Quel plaisir de retrouver ce que l'on a vécu dans une si belle description, si profonde, si vraie ! Tu es encore petit, mais plus tard tu verras, tu vivras cela toi aussi, j'en suis sûre...

    Lorsque tu tournes vers moi ton regard voilé par l'émotion, le sommeil m'emporte. Tu poses tes lèvres sur mon front.

    - Merci, mon chéri, c'est grâce à toi, chuchotes-tu au creux de mon oreille.

    Paul VACCA, La Petite Cloche au son grêle, 2008.

    Merci encore à Clarabel pour m'avoir permis de découvrir l'écriture de Paul VACCA ;-)

    Et n'oublions pas la source :

    "La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature. Cette vie qui en un sens, habite à chaque instant chez tous les hommes aussi bien que chez l'artiste. Mais ils ne la voient pas parce qu'ils ne cherchent pas à l'éclaircir."

    Marcel PROUST

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  • Lettres de Lo (C. POUZOL)

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    C'est sur le blog de Cuné que mon attention a été attirée, que dis-je, titillée par ce drôle de petit livre estampillé "lectures pour ados (lescentes)".

    Lettres_de_Lo

    Une couverture acidulée, et une plume qui ne l'était pas moins.

    "Lo écrit. Quoi ? Des lettres. A qui ? A Marika, Olivier, Maman, à un mystérieux " cher quelqu'un ", et même au président des États-Unis. Quand ? Tous les jours ou presque, entre quatorze et seize ans . Pour parler de quoi ? De son premier amour, des premières règles, de sa meilleure amie, de la naissance de sa petite sœur. Lo aime vivre, même vivre, même les jours où ça fait mal, et surtout les jours où tout va bien ! "

    J'avoue que l'extrait lu chez Cuné m'avait bien fait sourire : l'évocation du "petit gnome à cheveux carotte" m'avait plus que réjoui. Comme sa consoeur de ELLE, Alix GIROD DE L'AIN, Camille POUZOL a le sens de la formule et de l'énergie à revendre. Elle s'est glissée avec délectation dans ce costume d'ado, que l'on découvre à son entrée en Seconde et que l'on quitte en Terminale. Entre temps... eh bien, c'est la vie qui a passé et que Lo, l'héroïne, nous a raconté au jour le jour.

    Certes ce court roman (159 pages écrit gros, comme je dirai à mes élèves qui couinent "Mais y fait combien de pages ?) ne révolutionnera pas la littérature, mais il permet de passer un bon moment. J'y ai relevé une petite incohérence qui laisse à penser qu'il a été écrit peut-être un peu rapidement néanmoins, le ton alerte et corrosif des toutes ces lettres est tout à fait rafraîchissant. Ainsi celle-ci, écrite depuis la Corse où elle passe quelques vacances en famille...

    Au début, c'est bien simple, j'ai pensé simuler une dépression nerveuse pour me faire rapatrier ! Imagine : la Corse, une maison perdue dans la montagne, mes parents qui considèrent qu'une bonne sieste commence vers 15 heures pour se terminer vers 18 heures, Lorraine qui passe ses journées à geindre avec son abruti de "Julien le sourire 49 dents", et Louis, qui a trouvé un vieux pistolet à eau dans le garage. Sans parler du fait qu'il n'y a pas de matelas sur la plage... Et puis, de toute façon, il fait tellement froid que même les autochtones se baignent pas. Bref, un cauchemar. Mais attends ! Pile quand je croyais que cela ne pouvait pas être pire, ma mère décide de tous nous traîner au bal du dimanche du village voisin ! Moyenne d'âge : 123 ans. J'ai mis un jean et un tee shirt blanc, cheveux en queue de cheval, pas même de gloss, genre "je refuse de vivre". [...] Je te jure que j'ai failli en vomir dans les virages du Cap Corse (le petit truc en pointe en haut de l'île où y a RIEN). Bref. Écoute le truc dingue : au bal, y avait un orchestre, et dans l'orchestre, y avait une batterie, et à la batterie, y avait un garçon. Un mélange entre Leonardo Di Caprio et un cheval au galop. Je te jure. J'aurais dansé sur la chenille qui redémarre. J'ai lâché mes cheveux. Et alors, pile quand je croyais que cela ne pouvait pas être mieux : des slows. Le seul endroit au monde où il existe encore des slows. Et là, il se lève, pose ses baguettes, va droit sur moi et m'invite !!! Non, non, non. Mieux, il demande à mon père s'il peut m'inviter à danser ! Trop d'Artagnan, non ? Il s'appelle Fabrizio, blond, yeux verts, bronzé, il a 17 ans, sa soeur Héléna a pile notre âge. Ils habitent le village, je sais c'est dingue, mais des jeunes vivent là toute l'année, c'est possible. Ils vont au collège à Bastia. Il a un scooter, un âne apprivoisé et il est en terminale. Depuis ce bal, c'est l'extase ! Je pense me faire naturaliser corse. On s'est embrassé le lendemain dans un champ... Il vient me chercher tous les matins, on rejoint sa soeur et toute une bande sur notre crique (celle où il y a une vache). Il me tient toujours la main, il m'adore en jean et plaît vachement à mes parents : tu penses, il déteste les boîtes de nuit (peut-être parce qu'il n'y en a pas à moins de 124 kilomètres), alors le soir, il écoute I Muvrini avec papa, sur la terrasse. Il veut devenir agrophysicien ou berger, il déteste Beyoncé (il dit "trop vulgaire", c'est pas le rêve ?), et demain, on va faire une marche dans la montagne jusqu'à une cascade. Je passe les meilleures vacances de ma vie, j'en oublié même de bronzer.

    Camille POUZOL, Lettres de Lo, 2005.

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