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Pourquoi je lis (F. SAGAN)

Imprimer Catégories : Ma Bibliothèque... verte !

Les Cahiers de L'Herne ont eu la bonne idée de rééditer des corpus de courts textes de Françoise SAGAN. Petits livres souples, faciles à glisser dans son sac, légers, je les conseille à tous ceux qui, soit aimaient Françoise SAGAN et dans ce cas vous la retrouverez toute vive entre ces pages, soit ne la connaissaient pas et s'en tenaient à l'image qu'elle a laissé, une dilettante qui préférait goûter la vie à pleines dents plutôt que de s'enfermer dans sa tour d'ivoire.

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J'ai aimé le film de Diane KURYS. Parce que sans juger, il montrait combien ce personnage était attachant, insupportable aussi, mais plein d'humour et fidèle. Fidèle à ses amis, à ses idées, ses idéaux. Et je ne peux m'empêcher d'avoir le coeur serré lorsque, me souvenant des premières images du film, je lis cet extrait du questionnaire de Proust auquel elle avait répondu en 1989 : Quel est pour vous le comble de la misère ? La maladie, la solitude imposée, tout ce auquel elle a été condamnée à la fin de sa propre vie...

Et c'est dans ce petit livre que j'ai trouvé ce texte, intitulé "L'immense famille de la lecture" que je ne puis m'empêcher de vous donner, en partie, à lire, car je sais que tous les lecteurs et lectrices s'y retrouveront... J'en profite pour vous souhaiter d'excellentes vacances, pleines de livres et de bonnes choses, avant de vous retrouver dans trois semaines.

Pourquoi les gens qui aiment lire, dont je suis, sont-ils tous si désarmés, si mal à l'aise quand on les prive de leur drogue quotidienne ? Je sais bien : la lecture aux yeux de ceux qui n'en ont pas besoin est une sorte de manie tranquille, d'habitude du coin du feu. Mais voilà : elle est pour ses sujets une passion des plus violentes et des plus périlleuses. J'ouvre un livre et un être humain me parle, aussi précisément qu'il le peut, de tout ce qui me touche à coeur. De la vie, de la mort, de la solitude, de l'amour, de la peur, du courage. S'il est mort, je sais que de cette brève gambade sur nitre sol terrestre et incompréhensible qu'aura été sa vie, il ne reste que cela : ces mots, ces mots usés par lesquels il aura essayé de s'expliquer à lui-même le pourquoi de ce passage - et peut-être de nous l'expliquer. Et s'il vit encore, je le regarde se débattre, s'enfoncer, pas à pas, fasciné devant les ans qui passent et ne répondent rien. Alors il crie, il rit ou il sanglote et sa voix dérisoire monte encore d'un ton. Dernier effort pour nier sa solitude ou pour la faire partager, il invente des héros, des jardins, des guerres, il les fait beaux, il les fait laids, il nous les montre, il nous les jette à la figure, il nous les donne. C'est toujours un cadeau. Il y a des cadeaux talentueux et des cadeaux minables, bien sûr. Mais il y a toujours le geste, la main tendue, l'envie de "partager". Il y a des millions de gens avec qui j'ai "partagé" ainsi Stendhal ou les Russes, ou Fitzgerald, ou Apollinaire, des gens que je ne connais pas mais qui sont de ma famille, cette immense famille sentimentale de la lecture. Après une tiède enfance, et avant les brûlantes découvertes, à la puberté, du coeur et du corps, c'est peut-être le plus beau cadeau que peut vous faire la vie : ces kilomètres de peaux, de veines, de nerfs, alignés sagement en petits traits noirs sur des pages blanches, ces cercueils triomphants et croulants de fleurs imprévues : les livres, "les autres".

Françoise SAGAN, De très bons livres, 2008.

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Commentaires

  • Merci pour ce petit bijou de texte et ... excellentes vacances Patricia!

  • Merci beaucoup, Marie, et à bientôt !

  • bonnes vacances...

  • Très joli texte, rempli de vérité.Bonnes vacances, à dans 3 semaines !

Les commentaires sont fermés.