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Twist (D. BERTHOLON)

Imprimer Catégories : Ma Bibliothèque... verte !

S'il y avait un livre que je n'avais pas particulièrement envie de lire à cette rentrée littéraire, c'était bien celui-ci :

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"Guéthary, 14 juin. Madison, 11 ans, est enlevée au retour de l’école. Au fond de la cave qui lui sert désormais de chambre, elle essaie de comprendre le pourquoi du comment : avec cette foi des enfants qui ne renoncent jamais, elle recompose son monde au fil de ses cahiers. Deux voix lui font écho, celle d’une mère brisée mais qui espère toujours, et celle de Stanislas, le bel étudiant qui donnait à Madison des cours de tennis, au seuil de sa vie d’homme. Delphine Bertholon nous livre un roman bouleversant sur l’enfance et ses élans, sur l’attente, mais surtout sur l’enfermement et toutes les stratégies que nous inventons pour survivre, chacun à notre façon. Car les failles qui dorment en nous sont parfois plus redoutables pour emmurer les êtres que les barreaux d’une prison…"

Et puis il y a eu l'avis de Clarabel, la générosité de Clarabel, via Cathulu et Cuné, et je l'ai lu, ce Twist. Et je n'ai pas regretté...

Il s'agit donc d'un roman à trois voix : celle de Madison, enfermée dans sa cave et qui se confie à ses cahiers parce qu'elle a bien compris qu'écrire, "c'est sauver sa vie", celle de sa mère, enfermée dans sa douleur, et qui écrit à sa fille pour la garder en vie, et celle de Stanislas, l'étudiant en Lettres qui donnait des cours de tennis à Madison et qui raconte son éducation sentimentale. C'est à mon avis le point faible du roman : sa narration est souvent la plus languissante, pleurnicharde, auto-centrée, comme si l'auteur lui avait déléguée la partie "sentimentale" de l'histoire.

Par contraste, les récits de la mère et de la fille ont une vraie force, voire une puissance, dans l'émotion comme dans la volonté. Delphine BERTHOLON réussit avec beaucoup de délicatesse à dépeindre les rapports ambigus entre  Madison et son geôlier, la culpabilité de la mère à continuer de vivre, tout simplement, le regard des autres... On sourit beaucoup - paradoxalement - dans ce roman ! Madison fait preuve d'une force de caractère (son "carafon" comme dit sa mère - c'est drôle, la mienne avait la même expression...), d'une maturité, d'une auto-dérision et d'un sens de l'humour (politesse du désespoir ?) à tout épreuve. De son côté, sa mère, contre vents et marées, s'efforce de vivre et de continuer à croire que tout est possible, "La lampe du couloir reste toujours allumée, la porte de derrière reste toujours ouverte". Elle m'a rappelée Julianne MOORE dans le film Mémoire effacée, cette mère qui se refuse à effacer son enfant de sa mémoire.

Je rêve de béance, de désert, de villes surpeuplées. Je rêve d'être anonyme, oubliée, engloutie dans cette foule qu'ici, je ne supporte plus. Je voudrais disparaître dans une mégalopole où les gens cesseraient de me regarder comme ça, avec leur pitié, leur compassion, leurs pensées innommables... je voudrais qu'ils cessent de me regarder comme si tu étais morte !

Je te sens battre en moi, Madi.

Personne ne veut me croire, pourtant si tu étais morte, ma chérie, je le saurais. Mon coeur s'est arrêté mais le tien résonne dans mon ventre, très fort, comme un tambour. Tu es quelque part. Je ne sais ni où ni avec qui, mais tu es quelque part, debout sur tes deux jambes, la tête haute.

Je ne le crois pas, Madi, je le sais. [...]

***

Il a pris le plateau de mon dîner et il commencé à sortir.

- Mais qu'est-ce que ça peut vous faire ? Pourquoi vous voulez pas que je sache depuis combien de temps je suis là ? Merde à la fin ! j'ai bien le droit de savoir !

J'étais debout sur le lit, dans cette dégueulasserie de pyjama Winnie l'Ourson comme toutes les dégueulasseries qu'il m'oblige à porter. En plus, ce pyjama, il est craqué ! J'ai eu envie de pleurer, mais j'avais tellement pleuré avant que je n'ai plus vraiment de larmes, alors j'arrive à les transformer en méchancetés.

- Vous avez qu'à faire un enfant, au lieu de prendre ceux qui sont pas à vous ! Toutes façons, ils me cherchent ! Ils me cherchent toujours ! j'y crois pas à vos bobards !  Ils me cherchent et un jour ils vont me trouver parce que c'est pas possible autrement et vous irez dans une prison dégueulasse toute la vie.

Le loquet est tombé.

Delphine BERTHOLON, Twist, 2008.

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Commentaires

  • Je crois que je connais ce film !...

    Sinon, je suis d'accord avec ce que tu dis, même sur Stanislas. Au début je ne voyais pas pourquoi on suivait "à ce point" son parcours. On s'en moque, me disais-je.
    Mais bon. Cela reste un très bon roman, moins flippant qu'on ne le pense ! (L'histoire sur papier, brrr.)

  • Moins flippant, moins flippant... on attend quand même la fin avec impatience et en croisant les doigts ! Et, concernant Stanislas, même si son "éducation sentimentale" peut peser, je pense qu'elle est utile à l'équilibre du roman ; c'est lui qui apporte "l'air frais", en quelque sorte.

  • Stanislas permet aussi de faire le lien avec l'écriture, je trouve, celle des cahiers et l'écrivain qu'il voudrait devenir.

  • Et il est effectivement ce lien "écrit" : il "passe" d'ailleurs symboliquement la main à la fin du roman, faisant le deuil de ses illusions de jeunesse aussi.

  • La critique que tu fais de ce livre donne envie de le lire. Tu sais comment susciter l'envie de se plonger au coeur d'un ouvrage. Merci à toi de nous faire partager ce coup de coeur.

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