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Un bulot dans les yeux (K. FOUGERAY)

Imprimer Catégories : Littérature gourmande

Une fois de plus, je vais me répéter : avant d'ouvrir ce blog, je ne connaissais rien à la "blogosphère". Parfois, lorsque je lis des confessions de blogueuses au fil des questionnaires, je découvre des choses du genre : "Qui t'a donné l'idée de faire un blog? " ou encore "Quel(s) blog(s) t'a (ont) inspiré ?" Et la personne de dérouler le fil de ses inspirations entoilées. Eh bien moi non. Rien ! Personne !

J'ai commencé ce blog parce que l'idée d'écrire régulièrement - et d'être plus ou moins contrainte de le faire - me trottait dans la tête, j'ai choisi le thème "Cuisine" parce que, au cas où vous ne l'auriez pas encore remarqué, cela fait partie de mes centres d'intérêt, et j'ai tapé dans la case qui me demandait "nom du blog" MA CUISINE ROUGE parce que nous venions de la commander et qu'elle occupait une bonne partie de mes pensées à ce moment-là. Et puis Ma Cuisine rouge s'est développée, a évolué vers une bibliothèque qui pourrait être rouge aussi si je ne craignais l'overdose et puis voilà ! Des commentaires ont fait leurs apparitions, certains plus ou moins fréquemment, je suis allée voir d'où ils venaient, j'y suis retournée, eux aussi, et c'est ainsi que j'ai découvert la BLOGOSPHERE !

Un truc assez fantastique quand on y songe, que cette possibilité de proximité avec qui le veut bien. C'est ainsi que, via Agapanthe, j'ai découvert un autre univers que celui des blogs culinaires : les blogs littéraires. Et notamment, la plus célèbre d'entre tous (toutes ?) : Clarabel ! Quelle ne fut pas ma surprise - et ma joie - lorsque je découvris, dans le blog de Malice, les gentilles choses qu'elle avait écrites sur Elle fait des galettes, c'est toute sa vie, c'est un peu tout ça. Karine FOUGERAY a écrit LE livre qu'on a envie d'offrir à tous, lecteurs ou non, bretons ou non. 14 petits morceaux de vie, avec les bonheurs et les malheurs, le temps qui passe et ceux qui sont restés à quai, d'une plume salée, certes, mais surtout affûtée, précise et sensible. Ce sont des eaux-fortes, ces histoires, tant le trait est net et juste du premier coup.

Alors que choisir ? Le dilemme fut rude. J'ai opté pour "Un amour de crustacés" et j'avoue que mes doigts me démangeaient de vous en recopier l'intégralité tant la chute est savoureuse. Vous voilà donc condamnés à acheter ce livre, à le dévorer, en redemander, et en attendant, voici :

UN BULOT DANS LES YEUX

- Tu veux du crabe ?

- Non merci.

- Tu n'aimes pas ?

- Ce n'est pas que je n'aime pas, le problème, vois-tu, c'est que j'ai la flemme de l'éplucher.

- Quel dommage ! Justement le plaisir, avec le crabe, c'est de prendre le temps de le décortiquer, pour mieux l'apprécier. Le crabe sait se faire désirer. Vraiment, tu ne sais pas ce que tu perds. Ici nous avons l'araignée, la chair est fine, délicieusement forte en goût. C'est un régal.

La fille fait la moue, le dégoût se lit sur ses lèvres.

- Araignée ? Araignée comme l'insecte ? Pouah, cela ne me dit rien qui vaille.

- Goûte, c'est le meilleur des crabes, tu ne le regretteras pas.

- Non merci, sans façon. De toutes les manières je préfère la langouste au crabe. Dans la langouste, il y a plus de chair et c'est plus aisé à manger. Tu ne trouves pas ?

Il a l'air dubitatif.

- Mouais, cela n'a pas de goût, la langouste. C'est gavé d'eau. Du caoutchouc.

La fille prend un air contrarié, se tait.

Réalisant sa bévue, le jeune homme se rattrape en vitesse.

- Mais bon, ma chérie, tu choisis exactement ce qui te fait plaisir. Que dirais-tu de quelques huîtres à la place ?

- Des huîîîîîîtres !!!! Mais tu es malade ! Des huîtres ? Comment peut-on aimer les huîtres ? Moi, de les regarder, j'ai la nausée au bord des lèvres. Une huître c'est trop affreux, une espèce de truc gélatineux marron et mou. Berk !

Elle parle fort dans l'estaminet.

Il commence à avoir un tout petit peu honte.

- Calme-toi, ma douce. Je te proposais des huîtres parce que c'est la spécialité locale. Tu sais, il y a des gens qui font des centaines de kilomètres pour venir chez nous déguster des huîtres.

- Non, mais les gens sont fadas, tu te rends compte ! Faire des kilomètres pour manger des huîtres ? Cela me laisse de marbre, ça oui.

Il voudrait ignorer sa réponse.

- Les plates sont exquises, elles possèdent un goût de noisette. Tu ne veux pas te lancer, en goûter une, juste pour me faire plaisir ?

- Oh, écoute, là vraiment, tu m'écoeures. De la noisette ? Pourquoi pas un parfum de champignon, tant que tu y es ?

- Ne t'énerve pas. Il te reste les crevettes, les bulots, les moules, les bigorneaux...

- Je crains que mon estomac ne supporte pas, voilà tout.

Il craque, mais gentiment et avec le sourire. Ose l"humour.

- Voudrais-tu arrêter cinq minutes de faire la fille, s'il te plaît ?

Le serveur patiente, sa carte à la main. Il les connaît sur le bout des doigts, celles qui se disent dégoûtées par les huîtres. cela fait trente ans qu'il officie. Il en a vu d'autres.

- Excusez-moi, mais je vous laisse décider tranquillement, je reviens dans une minute.

- Non non, ce n'est pas la peine. Vous n'auriez pas quelque chose de frais et de léger ? Une salade, par exemple ?

- Je suis navré, ma p'tite dame, mais ici nous faisons uniquement dégustation d'huîtres et de fruits de mer. regardez vous-même, c'est écrit sur le panneau à l'entrée.

La blonde minaude, se tortille un peu.

- Oui mais, peut-être que, exceptionnellement, vous pourriez faire un petit extra, non ?

- Vous n'avez pas bien compris, ma p'tite dame ? Nous sommes désolés encore une fois de ne pouvoir vous satisfaire, mais chez nous, c'est directement du producteur au consommateur. Nous sommes ostréicuteurs, pas maraîchers, madame.

Elle sppporte mal qu'il l'appelle madame. Elle n'a que vingt-cinq ans et elle ne les fait pas, loin de là.

- Bon, bon. Je vais réfléchir un peu alors. Le temps pour vous d'apporter le vin.

- Comme il vous plaira, aucun problème, madame.

Karine FOUGERAY, Elle fait les galettes, c'est toute sa vie, 2005.

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Commentaires

  • alors là, plus que jamais un immense merci, tu viens de me donner une super envie d'aller l'acheter , mais en plus, tu m'as fait découvrir le blog de Karine et de Claire, merci

  • Il ne va pas pouvoir rester avec cette pimbeche, ca c'est sur. Il a l'air super ce bouquin dis donc!

  • Rhooo ! c'est chouette ! ;) Merci Patricia ! Et c'est très encourageant pour Karine Fougeray, elle écrit son 2ème livre, elle mérite absolument qu'on la découvre ! Ses petites galettes sont délicieuses, à croquer !!!J'avais bien aimé cette histoire de bulots aussi.

  • Une fois de plus, merci Patricia. Tu me fais découvrir des sites qui peuvent m'intéresser, et une lecture qui promet.

  • J'ai les chevilles qui enflent, je suis si flattée, je vais finir par enfiler des Moon boots en lieu et place de mes Jimmy Choo.Quant aux galettes, je glousse déjà avec ton extrait, je fonce l'acheter.J'ai pensé à toi la semaine dernière lorsque j'ai vu dans Elle (page 156) les accessoires cuisine rouge. C'est fou comme tout le monde pense à toi.Continues à mêler cuisine et littérature, tu fais cela à merveille et pour notre plus grand régal.

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