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Crème brûlée pour le plus grand peintre du monde (M. MORPURGO)

Imprimer Catégories : Littérature gourmande

Avouons-le tout de suite : je n'ai jamais été une grande fan de Michael MORPURGO. Le Roi de la forêt des brumes, Le Roi Arthur, cela m'a plutôt ennuyé. Alors, me direz-vous, pourquoi être allée lire ce livre inclassable, à la fois histoire d'une vie, d'une vocation et histoire d'histoires ?

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Justement à cause de cela. Si je ne comprenais pas, me suis-je dit, c'est que je n'avais pas trouvé les bonnes clefs. Le hasard a voulu que nombre de blogs littéraires se répandent élogieusement sur Au Pays de mes histoires. La couverture étant une véritable invitation, je n'ai pas pu résister. Et le croirez-vous ? Je n'ai pas aimé, j'ai adoré ! Cette alternance entre lui et ses histoires, ce ton unique qui fait qu'on ne sait pas toujours si l'on est dans la littérature ou la réalité, les histoires enfin, à la fois puissantes, touchantes et délicates, ce fut un formidable moment de lecture que je conseille à tout le monde !

L'extrait que j'ai choisi de vous présenter appartient à la première histoire du livre et s'intitule "Rencontre avec Cézanne". Raconté par un jeune garçon, c'est le récit de son été en Provence, chez son oncle où il a été envoyé, lui le petit Parisien parce que sa mère est malade. L'oncle a une fille, Amandine, secret amour du narrateur, et un restaurant. Et un fameux client... Voici donc :

CRÈME BRÛLEE POUR LE PLUS GRAND PEINTRE DU MONDE

Au restaurant, le travail suivait toujours la même routine. Dès que les clients étaient partis, Amandine débarrassait les verres de vin, les bouteilles et les carafes. Moi, je m'occupais des tasses à café et des couverts, elle vidait les cendriers, pendant que je réduisais les nappes de papier en boulettes et les jetais dans le feu. Ensuite, nous mettions de nouveau le couvert aussi vite que possible pour les prochains clients. Je travaillais dur, car je voulais plaire à Amandine et j'attendais un sourire d'elle. Il ne venait jamais. [...]

Chaque jour passait sans que rien ne change, et je devins de plus en plus malheureux, parfois si triste que le soir, je pleurais jusqu'à ce que je m'endorme. Je vivais dans l'attente des lettres de ma mère, ainsi que les matins où, me promenant dans les collines que Cézanne avait peintes, je ramassais les glands des arbres que le vieux berger de Jean Giono avait plantés. Là, loin de l'indifférence d'Amandine, je pouvais être heureux un moment, et abandonner à mes rêves. Je me disais qu'un jour, je pourrais venir vivre dans ces collines, et devenir un artiste comme Cézanne, le plus grand peintre du monde, ou peut-être un merveilleux écrivain comme Jean Giono.

Je pense que l'oncle Bruno se rendit compte de ma tristesse, car il me prit sous son aile. Il m'invitait de plus en plus souvent dans sa cuisine et me laissait l'aider à préparer sa soupe au pistou, ou son poulet au romarin, pommes dauphine et poireaux sauvages. Il m'apprit à faire la mousse au chocolat, la crème brûlée, et avant je m'en aille, il remuait toujours sa moustache pour moi, puis me donnait un abricot confit. Mais je redoutais le restaurant, à présent, je redoutais de me trouver face çà Amandine, et de devoir supporter le silence entre nous. [..]

Ce soir-là, Amandine me dit que je devais bien faire les choses, car leur meilleur client venait dîner avec des amis. Il vivait dans le château du village, me raconta-t-elle, et était très connu. mais lorsque je demandais pourquoi  il était connu, elle ne me répondit pas, comme si c'était sans intérêt.

- Des questions, toujours des questions, me rabroua-t-elle. Va me chercher des bûches.

Quel que fût ce célèbre client, il me parut assez ordinaire, ce n'était qu'un vieil homme au crâne dégarni. Mais il commanda l'une de mes crèmes brûlées, et je fus très honoré qu'un homme connu ait mangé l'un des desserts que j'avais préparé. Dès que ses amis et lui furent partis, nous commençâmes à débarrasser la table. J'enlevai la nappe en papier comme d'habitude, et comme d'habitude j'en fis une boulette que je jetai dans le feu. Soudain Amandine se précipita sur moi.

Michael MORPURGO, "Rencontre avec Cézanne" in Au Pays de mes histoires, 2006.

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Commentaires

  • Voilà une belle idée recette!

  • Ha ha ha ! J'ai eu peur ! "Je n'ai pas aimé, j'ai adoré." Ouf !!!!! :))

  • J'adore Morpurgo. Un bonheur à lire à voix haute aux enfants !

  • Je suis fan moi aussi !

  • Clarabel, voyons, cela s'appelle "soigner ses effets"...

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