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Nuit étoilée chez S. GREGGIO

Imprimer Catégories : Littérature gourmande

_toilesCa avait bien commencé : les commentaires que j'avais lu sur le livre étaient plus élogieux les uns que les autres. Pleine d'impatience, je me suis ruée dessus dès que je l'ai eu à proximité. Et là, première surprise : on m'annonçait "le livre et son carnet de recettes". Je feuillette, retourne la chose, en prend un autre, puis un autre, mais non, rien : pas de carnet. Ah si ! à la fin du livre, déjà plutôt maigrichon (120 pages, il est d'ailleurs sous-titré "nouvelle"), je découvre le "Carnet de Stella" et 14 aquarelles légendées (basilic, tomate, etc...) Toujours naïve, je cherche LES recettes. Eh bien il n'y en a pas ! Les recettes, ce sont ces quatorze pages de dessins légendés et débrouillez-vous !

Bon, me dis-je, ne sois pas si conventionnelle ! ce livre est une petite merveille, tu l'as lu partout, c'est quand même une "fable moderne sous le soleil de Provence, ode à l'amour et à la gastronomie" comme le dit le quatrième de couverture. Eh ben bof.

En guise de nouvelle, j'ai trouvé un texte, certes court et écrit gros, mais sans grand intérêt, surtout pour qui a lu ses classiques gourmands. A côté d"une Colette, par exemple, où la sensualité et la gourmandise éclatent à chaque page, Etoiles est bien insipide. La langue y est précieuse à souhait, les clichés s'accumulent (l'huile d'olive coule à flots toutes les trois pages), c'est à la limite de l'indigeste.

A la décharge (peut-être) de Simonetta GREGGIO,cette remarque, relevée alors que j'étais à la recherche d'éléments sur elle : "Etoiles est une toute petite chose, écrite sur le pouce, comme un très bon casse-croûte, ça n’est pas un repas. C’est presque des tapas." Modestie voire lucidité. Quoique...

Car elle ajoute aussi : "C’est quelque chose de délicieusement inattendu, un charmant rosier qui vous grimpe dans la chambre". Je vous laisse juge...

J'ai choisi un passage nocturne : c'est la première nuit d'amour entre Gaspard, le héros - chef sur-étoilé mais déprimé depuis qu'il a découvert l'infidélité de sa femme avec son homme d'affaires et qui a décidé de revenir à l'Othantique (comme dirait Pagnol), c'est à dire la Provence et sa simplicité (huile d'olive, basilic, tomate mûre, huile d'olive) - et Stella (oui, oui, comme étoile - jeu de mot, comme dirait feu maître Capello) qui, manque de chance, est anorexique, croyez-vous ? Non, non, rien à voir avec la finesse et la subtilité d'une Anna Gavalda, même si le propos est largement pompé sur le couple Camille et Franck d'Ensemble, c'est tout. Première nuit d'amour, disais-je, et donc grande résolution de Gaspard : rendre l'appétit à Stella. Voici donc le :

FESTIN NOCTURNE ET ETOILE (AVEC PLEIN D'HUILE D'OLIVE !)

Ils sortirent tous les deux dans la nuit qui respirait comme un chat endormi.

Les odeurs du jardin-potager sauvage se mêlaient les unes aux autres. Le vert des plantes avait foncé et s'était argenté sous la lune, mais une fois les yeux habitués à cette clarté incertaine le monde n'apparaissait pas si complètement sombre. Gaspard demanda à Stella de choisir au nez les herbes qui lui plaisaient le plus.

Elle cueillit une pleine poignée de basilic - on restaurait les héros dans l'Antiquité avec ça, lui dit-il. Il rentra s'occuper de la suite.

Il plongea quelques grandes feuilles de basilic dans un peu d'huile bouillante, les cristallisant, puis les sécha sur du papier kraft. Il râpa un morceau de poutargue et déposa une miette sur chaque feuille - pari risqué, se dit-il, mais "quand le jeu devient dur, les durs se doivent de jouer", car ces oeufs de mulet fumés ont un goût très prononcé auquel on accroche une fois pour toutes ou jamais. Il fit pleuvoir sur chacune de ces feuilles devenues transparentes une larme d'huile d'olive et dressa le tout sur une planchette en bois.

Pendant qu'il accomplissait ces opérations, il avait fait bouillir dans un grand faitout beaucoup d'eau dans laquelle il avait jeté des penne italiennes - les Martelli au paquet jaune, celles qu'il préférait. Il les égoutta soigneusement tout en  continuant à siffloter, mélangea soigneusement un peu de fromage frais, quelques olives noires hachées et le basilic qui restait. Il sala, poivra, remplit soigneusement l'intérieur des penne de ce mélange à l'aide d'une cuillère à café et porta les assiettes dehors.

Assise en tailleur sous le tilleul au fond du verger, Stella l'attendait tranquillement, la jupe bien tirée sur ses genoux.

Cette fois-ci, elle ne ferma pas les yeux. Elle se servit avec les doigts, les suçant quand l'huile d'olive commença à couler. Ils mangèrent en silence, et Gaspard se dit que ce n'était pas si difficile que ça, en fin de compte, de la faire manger : il suffisait de l'embrasser longtemps, et d'attendre que cela lui donne faim. Certes, par ailleurs ça allait être plus compliqué, il le sentait bien, mais quoi ? Il verrait bien.

Quand Stella soupira, repue, il la prit dans ses bras, passa la porte avec son fardeau aussi lourd, aussi frémissant qu'une feuille de peuplier, et la porta dans son grand lit, blanc sous la lune.

Il la but toute la nuit, comme il l'aurait fait d'une rose après la pluie.

Simonetta GREGGIO, Etoiles, 2006.

J'oubliais : après clichés et préciosité, j'aurais pu aussi ajouter romantisme bon marché.

7 commentaires Pin it! Lien permanent

Commentaires

  • Je viens de me régaler... non pas en lisant l'extrait, qui en réalité, m'a plutôt laissé une sensation d'écoeurement, mais en te lisant toi! j'aime comme tu règles avec forces arguments, qui semblent bien mérités, le sort de non moins charmante (espérons pour elle!)Simonetta... Je vais plutôt profiter du peu de temps de libre dont je dispose pour lire sous le soleil de Toscane, comme tu me l'as vivement conseillé!

  • Et bien moi les deux, toi et l' extrait, m' ont plu: j' ai peut etre des goûts de chiotte :-) En tous les cas j' aime lire les critiques, ça me fait découvrir des choses, ce livre je n' en ai pas entendu parler, et quelque part je resterais pour toujours sur cet extrait :-)mais à part me donner envie de faire des pâtes, ça n' a rien éveillé en moi :-)

  • Mais non, tu n'as pas "des goûts de chiotte" ! c'est juste que j'ai bien choisi l'extrait... ;-)

  • C'est presque des tapas... Moi aussi, je fais le parallèle avec Camille et Franck et çà me turlupine un peu.En fait, je pense que je préfère le passage sur la macédoine bon marché du marquis et de la colère de Franck. Mais bon, des goûts et des couleurs ...Tarzile

  • Sais-tu quand Anna nous présentera son prochain roman? J'en ai un peu marre de relire Ensemble, c'est tout. J'achève la cinquième lecture!Tarzile

  • Merci Patricia, je viens d'économiser quelques dizaines d'euros, ce livre me tentait mais un doute me retenait quant à la qualité de l'ouvrage. Grâce à toi, je suis fixée et dépenserait mes sous autrement.

  • J'aime bien quand tu as la critique acide :)

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