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âge mûr

  • Loin de vous ce printemps (M. WESTMACOTT)

    Imprimer Catégories : Ma Bibliothèque... verte !

    Je n'avais encore jamais eu la curiosité de me pencher sur les romans "autres" d'Agatha CHRISTIE. J'ai été et je reste une inconditionnelles de ses romans policiers, de facture si classique et si similaire, mais d'une telle efficacité. De la même manière, j'apprécie les Patricia WENTWORTH pour leur charme désuet. Vous pouvez lire à ce sujet la discussion entamée chez Clarabel.

    Je me souviens que la première fois que je suis allée en Angleterre, j'avais l'impression de me promener dans un Agatha Christie ! Le moindre petit cottage fleuri m'évoquait les rues de St Mary Mead, le fief de Miss Marple ! Un peu comme aller à New York me donnait l'impression d'être dans Woody ALLEN.

    Loin_de_vous

    Je savais qu'Agatha CHRISTIE avait tâté du "roman conventionnel". N'osant utiliser son nom de plume "connu", elle avait adopté celui de Mary WESTMACOTT pour publier trois romans. Tombant par hasard sur l'un d'eux, Loin de vous ce printemps, je m'y suis plongée. C'est drôle car s'il n'est pas du tout un whodunit, cela reste néanmoins un Agatha CHRISTIE pur jus : une femme qui part explorer son passé à la manière d'un détective, l'ironique habitude de fustiger des personnages appartenant à une société bien codifiée, une narration qui recourt énormément au style indirect libre, qui permet de restituer les pensées du personnage tout en restant dans un point de vue apparemment extérieur, les références shakespeariennes, un pessimisme profond, tout Agatha CHRISTIE y est !

    "Joan Scudamore, l'héroïne de ce récit, est une femme parfaite et consciente de l'être. Jusqu'au jour où, désoeuvrée, obligée d'attendre en plein désert le train qui la ramènera dans son douillet petit nid anglais, elle commence à évoquer son mari, ses trois enfants...

    Détective lancée sur sa propre vie passée, elle rassemble, petit à petit, les pièces du puzzle : une parole, un geste de l'un de ses proches, et un portrait se dessine, inattendu, horrible - le sien..."

    Il faut bien reconnaître que ce roman n'a pas l'efficacité redoutable d'un des romans policiers de la grande Agatha. S'il se lit sans déplaisir, la dernière partie sombre un peu dans le verbeux et finit par tourner en rond. Cependant, l'idée est intéressante et les conclusions, ma foi, assez édifiantes...

    L'extrait que j'ai choisi se situe au coeur du roman : Joan, partie se promener une fois de plus dans le désert afin de fuir la miséreuse pension où elle tourne en rond, attendant son train, croit s'être perdue.

    Elle pressa le pas. A tout prix, il fallait s'éloigner de cet horrible Relais, de ce tombeau, de cet endroit tellement lugubre où elle étouffait...

    Où l'on imaginerait facilement des fantômes...

    Mais quelle idiotie ! Cette bâtisse portait bien la marque d'une construction récente, vieille tout au plus de deux ans.

    Un édifice neuf ne pouvait être hanté de fantômes, tout le monde le savait.

    Non, s'il y avait des fantômes  au Relais, c'est qu'elle, Joan Scudamore, les créait de toutes pièces.

    Mais cette pensée-là, justement, était odieuse.

    Elle accéléra le pas.

    "En tout cas, se dit-elle résolument, personne ne se moquera de moi, ici. Je suis strictement seule. Je suis sûre de ne rencontrer personne."

    Elle était dans le cas de... Qui donc ? Était-ce Stanley et Livingstone qui s'étaient rencontrés par hasard dans la brousse africaine ?

    "Docteur Livingstone, je présume ?"

    Elle ne courait pas de risque semblable, ici. Le seul être qu'elle pouvait rencontrer, c'était Joan Scudamore !

    Quelle idée baroque ! Rencontrer Joan Scudamore !

    "Ravie de faire votre connaissance, Mrs Scudamore !"

    Au fond, c'était intéressant...

    Faire la connaissance de soi-même...

    Être présentée à soi...

    Mais, Dieu ! quelle horreur !

    Elle marcha de plus en plus vite et en vint presque à courir, en trébuchant un peu. Et ses pensées trébuchaient, comme ses pieds.

    Mary WESTMACOTT, Loin de vous ce printemps, Le Livre de poche, 1944.

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