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gourmande - Page 2

  • Yassa en pays guelwaar (F. DIOME)

    Imprimer Catégories : Littérature gourmande

    Un roman à lire absolument :

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    "Arame et Bougna, mères, respectivement, de Lamine et Issa, deux émigrés clandestins. Elles ne comptaient plus leurs printemps, mais chacune était la sentinelle vouée et dévouée à la sauvegarde des siens, le pilier qui devait tenir la demeure sur les galeries creusées par l'absence. Mais comment
    dépeindre la peine d'une mère qui attend son enfant, sans jamais être certaine de le revoir ? Coumba et Daba, quant à elles, humaient leurs premières roses : jeunes, belles, elles rêvaient d'un destin autre que celui de leurs aînées du village. Assoiffées d'amour, d'avenir et de modernité, elles s'étaient lancées, sans réserve, sur une piste du bonheur devenue peu à peu leur chemin de croix.
    Mariées, respectivement à Issa et Lamine, l'Europe est leur plus grande rivale. Esseulées, elles peuvent rester fidèles à leur chambre vide ou succomber à la tentation. Mais la vie n'attend pas les absents, derrière les émigrés, les amours varient, les secrets de famille affleurent ; les petites et grandes trahisons vont alimenter la chronique sociale du village et déterminer la nature des retrouvailles. Le visage qu'on retrouve n'est pas forcément celui qu'on attendait."

    Parce que c'est un roman d'égal à égal. Un roman qui ne joue ni sur la corde misérabiliste de l'émigré clandestin qui part vers des cieux plus bleus, ni sur le cliché du pittoresque avec l'Afrique, sa chaleur humaine, ses boubous chatoyants.

    Parce que c'est un roman qui DIT les choses, sans fard, sans amertume, sans résignation non plus, avec lucidité et intelligence. "Chacune était la sentinelle vouée et dévouée à la sauvegarde des siens, le pilier qui tenait la demeure sur les galeries creusées par l'absence.(...) de toute façon, c'est toujours à la maman que les enfants réclament à manger. Féminisme ou pas, nourrir reste une astreinte imposée aux femmes."

    Parce qu'il est écrit dans une langue magnifique, charnelle, pleine d'images et de sensations, et qu'il déroule son fil à travers une chronologie qui n'en est plus une tant elle est distendue.

    Parce que c'est un roman sur l'amour, celui d'une mère pour son fils, d'une femme pour son époux, que tous ces amours s'écrivent au pluriel, qu'ils sont doublés, dédoublés, éparpillés en mille morceaux comme autant d'éclats de verre et de vies gâchées.

    Parce que c'est un roman qui pourrait être amer et résigné, mais qu'il transmet une telle foi dans l'humain qu'on le referme, le coeur serré mais néanmoins plein d'espoir. Ne pas se résigner, continuer, faire son devoir d'être vivant.

    Son déjeuner s'annonçait meilleur que d'ordinaire. Non seulement il lui restait quelques kilos de riz et de l'huile de l'Aïd-el-Kébir mais, la veille, elle avait rôti et conservé une bonne moitié de ses daurades. Comme elle avait des oignons et du citron en quantité, elle aurait la plaisir d'exprimer ses talents culinaires en préparant un savoureux yassa. Elle pourrait même, comme le veut la courtoisie locale, porter un bol bien garni à Issa, qui avait eu la gentillesse de lui offrir autant de poissons. Elle mit tout son coeur à l'ouvrage.

    Quand ses écolies rentrèrent, Arame savourait une petite pause bien méritée, sous le manguier. Elle plaisantait avec son petit-fils qui, la voyant inoccupée, s'était pressée de lui imposer un jeu d'awalé. Le repas était presque prêt. La marmite de riz blanc, préparé à la créole, n'était plus sur le feu, mais maintenue au chaud, sur des cendres chaudes, à côté du foyer à trois pierres. Seule la sauce mijotait encore sur les braises. Arame n'ignorait pas que la qualité d'un yassa dépend d'une bonne réduction de la sauce, qui doit être onctueuse, sans être trop épaisse ; fluide, sans être trop liquide. La fumée qui lui avait rougi les yeux ne l'avait pas empêchée de veiller à la minutie d'une telle performance gastronomique. A l'arrivée des enfants, remarquant leurs lèvres èches et leur ventre creux, elle se précipita dans la cuisine, mais un coup d'oeil suffit pour se décider à les faire patienter encore quelques minutes. Elle fit diversion pour juguler l'impatience de sa petite équipe :

    - Il fait très chaud, hein ? Allez tous prendre une petite douche, cela vous fera du bien. J'ai presque fini, j'aurai même servi à votre retour.

    Fatou DIOME, Celles qui attendent, 2010.

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  • Brie rose crousti-fondant et sa gelée de Champagne

    Imprimer Catégories : Desserts

    Longtemps, j'ai rêvé de Champagne rosé. "Amatrice" - inconditionnelle - de Champagne tout court, cela m'apparaissait comme le summum de l'exotisme que de goûter du Champagne rosé. Et puis, le temps a passé et j'ai pu satisfaire cette envie. J'avoue avoir été alors à la fois surprise et désorientée : cela ne ressemblait ni à ce que j'avais imaginé ni à ce que je connaissais. Depuis, ce sentiment est resté, un mélange de désir et de perplexité face à l'objet.

    C'est pourquoi lorsque j'ai été contactée par les Champagnes de Vignerons , une marque collective créée en 2001 par le syndicat des Vignerons de la Champagne et regroupant tous les vignerons et coopératives qui commercialisent du Champagne, afin de réaliser une recette pour eux et participer ainsi à un concours qui me permettrait, à moi de partir cuisiner un week end en Champagne, à mes lecteurs de gagner des bouteilles de champagnes de vignerons, je n'ai pas hésité et j'ai choisi d'aller vers une recette qui apprivoiserait un peu ce fameux Champagne rosé...

    Mon choix s'étant porté sur un brut rosé d'assemblage élaboré à partir d'une dominante chardonnay, j'ai voulu utiliser ses arômes de fruit et de bonbon pour l'associer à quelque chose de crémeux, à la fois corsé et onctueux. C'est ainsi que j'en suis venue à songer au Brie de Meaux, un autre produit de l'Est de la France. Champagne, fromage, il manquait encore quelque chose, qui apportât à la fois du croquant - la recette était plutôt "molle" - et de la douceur - la gelée de Champagne s'annonçant forcément un peu acide ; là, s'imposait le biscuit de Reims, le régional de l'étape dont j'adore la délicatesse, au regard comme en bouche. La recette était faite : à la fois fromage et dessert, tendre et festive  !

    Voici donc le :

    BRIE CROUSTI-FONDANT ET SA GELÉE DE CHAMPAGNE

    Pour deux personnes, il faut :

    • Une pointe de Brie
    • 4 biscuits de Reims
    • 20 g de beurre
    • 2 feuilles de gélatine
    • 20 cl de Champagne de Vignerons rosé

    La gelée de Champagne de Vignerons :

    Faire chauffer doucement cinq centilitres de Champagne. 

    Mettre à tremper dans l’eau froide deux feuilles de gélatine.

    Lorsque le Champagne frémit, ajouter les deux feuilles de gélatine bien égouttées et remuer jusqu’à dissolution complète.

    Laisser tiédir et verser dans un siphon. Ajouter le reste de Champagne, fermer et visser une cartouche de gaz.

    Laisser reposer au réfrigérateur pendant six heures au moins.

    Les biscuits de brie :

    Réduire deux biscuits de Reims en poudre.

    Découper deux rectangles de Brie et les écroûter.

    Rouler les portions de brie dans la poudre de biscuit rose.

    Faire chauffer le beurre et poêler à feu doux les morceaux de brie panés en veillant à les retourner délicatement pour que la croûte ne se détache pas.

    Le dressage :

    Placer sur une assiette un biscuit de Reims.

    Déposer délicatement dessus le brie pané. Saupoudrer d’un peu de poudre de biscuit rose.

    Évacuer le gaz du siphon en le tenant debout et récupérer la gelée avec une cuillère pour la déposer à côté des biscuits de brie.

    Le concours maintenant. Ou plutôt les concours.

    Je vous offre la possibilité de gagner une bouteille de Champagne brut en répondant, à travers vos commentaires, à cette question cruciale : "Racontez votre meilleur souvenir-émotion avec le Champagne". Là, j'entends les puristes me dirent : ce n'est pas une question, mais un commandement. Eh oui, mais que voulez-vous, on est prof ou on ne l'est pas ! Donc, le "sujet" du jour, c'est ça, et c'est le souvenir le plus "touchant" , qu'il soit drôle ou émouvant, qui gagnera cette bouteille.

    Mais ce n'est pas tout ! Parce que vous pouvez gagner encore plus  : en vous rendant ICI, sur le site des Champagnes de Vignerons, pour y voter pour moi (enfin, pour ma recette...), ce qui me permettra, d'ici quelques jours, de vous raconter ce week end en Champagne à cuisiner, et ce qui vous permettra, à vous,  de remporter peut-être une caisse de Champagne par tirage au sort. Alors, à la vôtre, vous avez jusqu'au 25 octobre pour participer !

    Article sponsorisé

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  • La constellation de l'amour (M. PROVOST)

    Imprimer Catégories : Littérature gourmande

    Drôle de pièce que ce :

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    "Chez Plomeur, à Quimper, on est boucher de père en fils. Dès sa puberté, en pleine guerre de 14, André, fils unique de Loïc et Fernande, développe un don très particulier, celui de faire « chanter la chair » – et pas n’importe laquelle : celle des femmes qui viennent faire la queue à la boucherie Plomeur, dans l’espoir de goûter au plaisir suprême. André assume gaiement et avec talent le devoir conjugal des absents partis au front. Mais l’armistice survient et les maris reviennent. Un matin, André trouve devant la boucherie un panier en osier avec à l’intérieur un bébé. Puis un deuxième, un troisième, un quatrième... sont déposés devant sa porte. Du jour au lendemain, voilà André père de sept enfants et poursuivi par un mari jaloux décidé à lui nuire! Afin de protéger la chair de sa chair pour qui il se découvre un amour infini, il décide de prendre la mer et de rallier les lointaines Amériques. En chemin, la remuante tribu échoue sur une île déserte…"

    Le court roman de Martin PROVOST est une fable poétique, gourmande et tendre, complètement originale. Il s'agit de s'abandonner à cette histoire à la fois réaliste (un père célibataire) et surréaliste (sept enfants venus en même temps comme autant de sept nains). Évocation sensuelle de la chair et des chairs, éloge de l'amour paternel, la lecture de Bifsteck se déguste, se savoure et repaît dans un sentiment de béatitude comblée.

    Ils s'emparèrent d'une vieille voile déchirée dans laquelle ils découpèrent un grand carré de toile de la taille d'un drapeau, et, tandis qu'ils énonçaient à voix haute les mots sacrés de leurs ancêtres, collet, carré, éclanche, escalope, filet, rognon, aile, pilon, quasi, rouelle, cervelle, gîte, joue, fagoue, queue, mou, fressure, noix, souris, épaule, à l'aide d'un bout de bois brûlé, ils tracèrent cette nouvelle représentation du ciel. Lorsqu'ils eurent terminé, ils entreprirent d'assombrir à l'encre de seiche tout ce qu'il restait d'espace vide dans cette voûte céleste. Puis ils suspendirent leur oeuvre à la poupe du bateau, pour que le vent la sèche.

    André s'éveilla quand le jour commençait à peine. Le sirocco apportait d'Afrique un air brûlant, chargé de sable.

    Il regarda tendrement ses petits endormis contre lui, se tenant fermement les uns aux autres par les mains et les pieds, et aperçut la voile peinte qui claquait à l'arrière du bateau, baignée par les premières lueurs de l'aube.

    A travers le tissu grossier badigeonné de noir, il reconnut le corps d'un homme, bras et jambes ouverts, tête haute, avec à l'emplacement du coeur, comme sept minuscules boutons-d'or, les étoiles que s'étaient attribuées les sept artistes en herbe.

    Martin PROVOST, Bifteck, 2010.

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  • "Le porno de la bouffe" (M. ALI)

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    Cela s'annonce comme un gros pavé appétissant :

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    "Après l'extraordinaire succès de Sept mers et treize rivières, Monica Ali nous plonge dans le melting-pot des cuisines d'un grand restaurant londonien. Profonde, douce-amère, une œuvre ambitieuse qui dépeint les désarrois d'une société attachée à ses traditions, confrontée à un monde nouveau qu'elle ne comprend pas. Chef des cuisines de l'hôtel Imperial, un palace plus vraiment à la hauteur de sa splendeur d'antan, Gabriel Lightfoot doit composer chaque jour avec une équipe cosmopolite et chahuteuse, une petite amie chanteuse qui se pose des questions sur leur relation et un père malade qui lui laisse des messages aussi laconiques que culpabilisants sur son répondeur. Une mort va faire voler en éclats son fragile équilibre : le corps d'un des plongeurs est retrouvé dans les sous-sols du restaurant. Une mort solitaire, anonyme, parmi ces travailleurs immigrés interchangeables. Soudain, Gabriel prend conscience que ses cuisines cachent bien des secrets : trafics en tous genres, prostitution, chantages, violence quotidienne... Surgit Lena, une fille de l'Est, mystérieusement liée à la mort du plongeur. Irrésistiblement attiré par cette femme en perdition, Gabriel va prendre une décision qui remettra en question tout ce en quoi il avait cru jusqu'ici..."

    Et finalement, même s'il se révèle parfois un peu lourd, le roman de Monica ALI est tout à fait intéressant. parce loin de s'en tenir aux descriptions des cuisines d'un grand hôtel, il va un peu plus loin et fouille au fond des placards pour y mettre à jour des choses pas très ragoûtantes. Population exploitée, dans cette Angleterre que l'on nous vante trop rapidement pour le "paradis" de ceux qui voudraient réussir vite, paradoxe d'une société qui n'a jamais autant parler (et montrer) de "bouffe" sans la faire ni  la connaître vraiment, on finit par s'attacher aux pas de ce Gabriel Lightfoot, quadragénaire écartelé entre ses rêves de gloire et ses racines qui sont sur le point de lâcher. Ainsi le montre cette discussion entre Gabriel net sa petite amie Charlie. Voici donc :

    LE PORNO DE LA BOUFFE

    - Tu m'as raconté que ta mère détestait cuisiner. C'est ce qui t'a motivé ? Tu voulais l'aider ?

    - Chez nous, je ne cuisinais presque jamais. Je n'avais pas le droit.

    - Alors c'est quoi, le point de départ ? insista-t-elle. Un repas fabuleux dans un restaurant, pendant les vacances ?

    - Quand je suis entré à 'Ecole hôtelière, je n'avais même jamais goûté d'herbes aromatiques. Pour moi, une tranche d'ananas sur du jambon, c'était le summum de la gastronomie.

    - Ah. Et ça ne l'est pas ? [...] Il y a bien quelque chose qui t'a poussé à emprunter cette voie, à devenir chef.

    - Le glamour, l'argent facile, les serveuses dociles...

    - Non, sérieux.

    - Sérieux ? Je n'en sais trop rien. A l'époque, il n'y avait pas tous ces chefs célèbres. Ca ne semblait pas un bon choix de carrière, pas vraiment, pas du tout, même. Pourtant, il y a quelque chose qui m'a toujours plu dans le fait de prendre un morceau d'animal mort, des herbes aromatiques, d'autres végétaux ou extraits, et de les modifier. De les transformer. C'est le processus qui m'intéresse. J'aime le processus, l'approche scientifique. Et puis, je ne te parle pas de l'aspect séduction, bien sûr. Un bon cuisinier est presque sûr de baiser.

    - Très drôle. T'es amusant, toi.

    - Oh, tu crais que je blague ?

    - C'est vrai que tout ça, c'est venu plus tard : les grands chefs dans les pages people des magazines, les programmes et même les chaînes de télé consacrées à la cuisine, les concours, les reportages -photo...
    - En même temps, on prenait le temps de cuisiner. Aujourd'hui, c'est le règne du micro-onde, des plats préparés et des repas livrés à domcile. On ne cuisine plus.

    - Non, les gens préfèrent regarder les émissions, acheter les livres et les revues. Il y en a de plus en plus, alors ils ont de plus en plus l''occasion de se rincer l'oeil, de prendre leur pied...

    - Le porno de la bouffe, observa Gabriel. Mouais. Et ces gens-là ne tiendraient pas un jour en cuisine. Dans une vraie cuisine, je veux dire. Pas cinq minutes.

    - Comment t'expliques ça ? Et qui fait la cuisine, dans un restaurant ? Les étrangers ? Ou est-ce qu'ils sont cantonnés à la plonge ?

    - Tu me parlais des magazines ? Eh bien ils te montrent aussi des belles tenues, non ? Et t'as vu comment sont habillés les gens dans la rue ?

    - Qui travaille en cuisine, alors ? insista-t-elle.

    Monica ALI, En Cuisine, 2010.

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  • Régime de pélerins (A. DE SAINT-ANDRE)

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    J'imagine que ce livre aura été l'incontournable de l'été pour tout ex ou futur pélerin de Compostelle:

     

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    "Alix de Saint-André a pris trois fois la route de Compostelle. La première fois, elle est partie de Saint-Jean-Pied-de-Port, sur le chemin français, avec un sac plein d'idées préconçues, qui se sont envolées une à une, au fil des étapes. La deuxième fois, elle a parcouru le " chemin anglais " depuis La Corogne, lors d'une année sainte mouvementée. L'ultime voyage fut le vrai voyage, celui que l'on doit faire en partant de chez soi. Des bords de Loire à Saint-Jacques-de-Compostelle, de paysages sublimes en banlieues sinistres, elle a rejoint le peuple des pèlerins qui se retrouvent sur le chemin, libérés de toute identité sociale, pour vivre à quatre kilomètres-heure une aventure humaine pleine de gaieté, d'amitié et de surprises. Sur ces marcheurs de tous pays et de toutes convictions, réunis moins par la foi que par les ampoules aux pieds, mais cheminant chacun dans sa quête secrète, Alix de Saint-André, en poursuivant la sienne, empreinte d'une gravité mélancolique, porte, comme à son habitude, un regard à la fois affectueux et espiègle."

    Nul besoin d'avoir péleriné ou fait tamponné sa crédenciale pour apprécier ce livre à la fois grave et joyeux. Alix de SAINT-ANDRE y parle de tout dans un joyeux fatras où religion, ampoules au pied et humanité se côtoient avec bonheur. On y marche beaucoup, mais on y mange (et boit) beaucoup aussi : car il faut tenir les mille cinq cents kilomètres du trajet !

    Le chemin nous fait vivre dans un monde parallèle. A la fois tout près des villes, et au milieu de nulle part. Un monde de petits sentiers et de hameaux qui festonne les grandes routes. Un monde de maisons d'hôtes et de gîtes ruraux, où évolue aussi une population parallèle, qui a le plaisir à être là où elle est. A vous montrer combien c'est beau chez elle. Et qu'il n'y a rien de meilleur que sa cuisine... Car si le chemin ne pousse pas au mysticisme, il ne passe pas davantage parl'ascèse, Dieu merci ! Jésus a commencé sa carrière miraculeuse en changeant l'eau en vin aux noces de cana. Et non seulement sa mère était là, mais c'est elle qui l'y a poussé... L'avantage parfois douloureux de redécouvrir la faim et la soif donne aussi l'occasion de se mettre à table à chaque fois avec grand appétit, et sans aucun souci de régime : un vrai miracle !

    [...] L'un des meilleurs repas que j'ai faits, c'était dans un ancien relais de poste, à Clairias. Un festin délicieux et copieux, aux plats innombrables achevés par de l'angélique, la douceur locale, et animé par l'hôte, originaire de Bordeaux mais acclimaté depuis trente ans aux histoires locales de pêche à l'ortolan et de chasse aux alouettes. Nous étionsd une bonne douzaine à table ; des gens de partout. Au matin, l'hôtesse, toute contente de tamponner ma crédentiale, m'offre le dîner. Je suis la seule à ne pas payer. [...] Serait-ce un reste des temps révolus où l'on offrait l'hospitalité aux pélerins, comme mon père le faisait avec les chemineaux ? Parce qu'on voyait en eux l'image du Christ ? Ce n'est pas si net : c'est le secret des gens. Faire le bien leur fait du bien.

    Alix de Saint-André, En avant, route ! 2010.

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  • "Nous, ça n'a vraiment rien à voir" (F. AUBRY)

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    C’est un livre qui dérange :

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    "Sarah et Gaby passent leurs vacances au camping‚ comme chaque année. Pour Sarah‚ 17 ans‚ c’est l’été des fêtes‚ des soirées entre amis‚ des guindailles tous les soirs. Et l’alcool en grande quantité‚ en très peu de temps‚ pour atteindre très vite l’ivresse: c’est la biture express. Gaby‚ sa sœur de 14 ans‚ voit le désastre tous les matins: une haleine qui empeste‚ les nausées‚ les mensonges aux parents‚ le black out total sur ce qu’elle a fait la veille. Et pourtant‚ tous les soirs‚ Sarah recommence.

    Je vois très bien ce que Lucas a voulu dire, mais il s'inquiète pour rien. Je n'ai rien à voir avec ces drogués de la dune, mais rien du tout. Je peux passer des journées entières sans boire, il n'y a pas d'addiction. C'est juste que... J'aime avoir la tête qui tourne, rien de plus. J'aime avoir la tête à l'envers. C'est juste comme d'explorer les souterrains de l'univers. Faire taire les bruits du monde. Il m'énerve. Il ne comprend pas, et je ne comprends pas qu'il ne comprenne pas. Je ne sais pas ce que je lui trouve, je ne sais pas pourquoi je m'obstine. On ne se ressemble pas."

    Un livre qui est mal rangé, avec ces voix qui se chevauchent, se répètent, se contredisent. Un livre qui dit des choses que l’on n’a pas vraiment d’entendre. Un livre qui nous montre, tous, adultes, adolescents, adultes surtout, comme on n’a pas envie de se voir. Car il est beaucoup plus facile de découvrir un reportage dans les médias sur le binge drinking et se dire « oh lala, c’est terrible, ces jeunes, ça fait peur de les voir ainsi se détruire… » que de se regarder soi-même en songeant à l’image que l’on peut offrir.

    Le roman de Florence AUBRY est un roman-coup de poing. Un de ces romans qui ne vous laisse pas indemne à la fin  de sa lecture. Et surtout, avec une légère gueule de bois…

    On part dans deux jours. Les parents ont organisé un apéro barbecue, pour fêter ça, leur départ et la fin du mois de juillet. Chaque famille, chaque couple invité est venu avec sa table, ses couverts, ses chaises pliantes et ses verres en plastique. Des guirlandes lumineuses ont été tirées entre deux caravanes et tout le monde s’est installé là. Il y a par terre cinq ou six barbecues dont les braises sont encore rouges, et une table couverte des restes de buffet. En bout de table, les traditionnels bag in box de vin, un de rosé, un de rouge.

    Il est près de vingt-trois heures trente mais il fait encore chaud. Les vieux commencent à avoir les yeux qui brillent. Ils ont été forts sur le rosé et le rouge : ils sont en vacances, ils n’ont pas à prendre la voiture pour retrouver leur lit, ils ne risquent pas de se faire retirer des points sur leur permis, alors ils se lâchent. Et moi je déteste ça.

    Ils sont une petite trentaine. Ils sont arrivés propres, maquillés, coiffés, habillés, mais maintenant… Au début, les enfants étaient là, mais ils ont mangé leurs chips et leurs petites saucisses grillées et puis ils ont filé, se sont éparpillés dans le camping. Ils en sont au digestif, chacun a apporté l’alcool de sa région. Du lourd.

    Je déteste quand les parents ont un peu bu. Personne ne s’est alcoolisé à se rouler par terre, non, bien sûr, mais ils sont tous comme on dit « gais ». […]

    Et puis je les trouve moches, je les trouve moches ces adultes. Je trouve les femmes beaucoup trop bronzées, c’est laid cette peau carrément marron, c’est d’une autre époque. Et avec l’alcool, ils luisent, tous, ils brillent, ils ont les cheveux qui collent. On dirait que l’alcool fait ressortir leurs rides. Je ne veux pas devenir comme eux. Dieu du Ciel faites que je ne leur ressemble jamais jamais. Et en rentrant chez eux, après les vacances, quand ils retrouveront leurs amis, ce sera « purée on s’est fait de ces fiestas cet été on a picolé mais qu’est-ce qu’on en a descendu des cartons si tu avais vu ça, ça ne plaisantait pas » comme si c’était la preuve irréfutable, ça, le nombre de bouteilles descendues, de ce qu’ils savent s’amuser. La preuve qu’ils sont restés jeunes. La preuve qu’ils peuvent faire comme nous. Sauf que nous, ça n’a vraiment rien à voir.

    Florence AUBRY, Biture express, 2010.

    Un autre extrait ici.

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  • Un bien étrange festin (T. ROBBINS)

    Imprimer Catégories : Littérature gourmande

    Etrange livre que celui-ci :

    Une bien étrange attraction.jpg

    "Fausse gitane mais vraie voyante, la belle Amanda et son mari John Paul Ziller, artiste et magicien inséparable de son babouin, ouvrent un zoo et un stand de hot dogs au bord de l’autoroute. Là, ils rétablissent le cirque de puces comme art populaire et le culte de la fécondité comme religion
    ultime. Quand débarque leur ami Plucky Purcell, ancien joueur de football et dealer à ses heures, les ennuis commencent. Ayant par accident infiltré une armée secrète du Vatican, Plucky s’est retrouvé à Rome où il a découvert le corps momifié du Christ oublié dans une catacombe. Après l’avoir dérobé et ramené aux Etats-Unis, il vient le cacher dans leur zoo et remet l’avenir de la civilisation occidentale
    entre leurs mains. Mais le FBI et la CIA veillent."

    La quatrième de couverture parle d'elle même : impossible de raconter un roman pareil, il faut seulement s'y plonger... et essayer de surnager ! Personnages hallucinants (et hallucinés), intrigue emberlificotée au-delà de l'imaginable, situations ubuesques, entrer dans Une Bien Etrange Attraction demande de laisser au vestiaire toutes ses certitudes et ses habitudes de lecteur bien dressé.

    Et pourtant, sous ses dehors de roman psychédélique se cache un vrai travail d'écrivain, et ce qui fait l'intérêt de ce roman tient sans doute dans ce décalage entre une construction extrêmement rigoureuse, qui mêle formes et points de vue différents, et une histoire complètement délirante, joyeusement foutraque, ainsi ce bien étrange festin que nous propose Amanda :

    Amanda avait dit que nous allions festoyer, et aussi vrai qu'on pourrait mettre un ballon de volley entre les pattes de coq Big Paint, nous avons festoyé. Amanda a pris la Skagit Valley par ses talons humides et verts et l'a secoué pour en faire tomber tout un tas de bonnes choses sur notre table. Elle a fait tomber un saumon argenté aussi gros qu'un bébé, qu'elle a cuit au four avec un glaçage de crème amère. Il y avait des huîtres toutes fraîches, des cuites et des crues. Du brocolis avec une sauce épicée qui ne cachait rien de ses tendances sadiques. Des épis de maïs. Des tubercules de bardanes. Des racines de joncs. Des buiscuits au pollen de jonc. Quatre variétés de champignons sauvages : des chanterelles, des champignons de prairie, des lépiotes et des bolets. De la berce laineuse (on mange les tiges pelées crues comme du céleri). Des tiges rôties de fougère femelle. des oignons en crème. De la soupe de lichen. Des graines de pin. Du miel sauvage. Des oeufs d'étoile de mer. Du pudding de citrouille. Des pommes. Des poires. Et ainsi de suite, toute cette nourriture ayant été récoltée par les Ziller gratuitement, comme c'est encore possible dans le comté de Skagit malgré l'empiètement des horreurs industrielles et de leur béton toxique.

    - Y'a pas à dire, vous mangez vraiment de drôles de choses, vous, dis-je.

    - Nous avons une grande connaissance de ces choses-là, dit Amanda.

    Nous fîmes descendre le dîner avec de grandes gorgées de vin, comme Jésus et ses copains l'auraient fait, et ensuite la pipe à haschich circula autour de la table, s'arrêtant pour enfoncer son tuyau dans chaque bouche comme un oiseau-mouche assoiffé insérerait son bec dans chacune des fleurs sur un collier d'orchidées.

    Tom ROBBINS, Une Bien Etrange Attraction, 1971.

    Vous trouverez le début du roman ici.

    Découvrez la playlist "Cette fille, c'est une fée." avec ZAZ
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  • Hamburger

    Imprimer Catégories : Ailleurs, Enfants, Viandes

    Il y a les hamburgers et puis il y a LE Hamburger. Avec une majuscule. Celui-ci appartient à la deuxième catégorie. Indices pour le reconnaître ? Il donne envie de mordre à pleines dents dedans, il dégage une déliceuse odeur de viande grillée et, surtout, il vous tient au ventre toute une après-midi. Ce qui n'est pas le cas des autres... Voici donc :

    LE HAMBURGER

    Pour 4, il faut :

    • 500 g de viande de boeuf
    • 4 pains à hamburger
    • de l'origan
    • 2 tomates
    • 4 feuilles de laitue iceberg
    • 4 tranches de lard fumé
    • 4 tranches de cheddar
    • une cuillère à café de moutarde forte
    • un jaune d'oeuf
    • une cuillère à café de ketchup
    • 30 cl d'huile de tournesol

    Dans un bol, mélanger le jaune d'oeuf et la moutarde. Monter ensuite en mayonnaise en versant doucement l'huile. Ajouter le ketchup, saler et poivrer. Réserver au frais.

    Saler et poivrer la viande, la saupoudrer d'origan. Mélanger et former quatre steaks.

    Laver, essorer et ciseler la laitue. Couper les tomates en rondelles fines.

    Faire griller le lard, puis les steaks.

    Toaster les pains ouverts en deux, puis les tartiner de la sauce réservée.

    Déposer un pavé de viande grillée sur la face plate, le fromage, le lard grillé, la tomate et la salade.

    Refermer et déguster sans attendre.

    Hamburger.jpg

    Remarques : encore meilleur l'été parce :

    • on peut griller la viande au barbecue
    • les tomates de pleine saison sont charnues et juteuses
    • les gros cornichons sont volontairement oubliés car peu appréciés par trois membres de la famille...
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  • Le mille-feuille de petits-beurre aux spéculoos (M. FERDJOUKH)

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    Il y a des livres, comme ça, qui ne sont que du bonheur :

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    "Comme Les Trois Mousquetaires étaient quatre, les Quatre Sœurs Verdelaine sont cinq. Il y a les plus jeunes, celles qui, chacune, donnent son titre à une partie de ce livre : Enid, 9 ans, se dévoue à la protection des pensionnaires du grand sycomore du jardin, Blitz l'écureuil et Swift la chauve-souris, et dialogue à l'occasion avec son ami Gnome de la Chasse d'eau. Hortense, 11 ans, passe le plus clair de son temps à lire, à tenir son journal et à se demander ce qu'elle va faire comme métier. Architecte ? Chirurgienne ? Bettina, 14 ans, fait sa bêcheuse dans la salle de bains, se shoote aux 218 épisodes du feuilleton Cooper Lane, copine avec Denise et Béhotéguy, et enquiquine le reste du monde. Geneviève, 16 ans, prend des cours de boxe thaïe essoufflants tandis que les autres la croient occupée à baby-sitter. Mais il y a aussi Charlie, l'aînée, 23 ans, qui s'occupe de tout : bricoler, cuisiner ; travailler dans un labo, aimer Basile, tirer le diable par la queue et tenter d'élever ses cadettes depuis la mort des parents. Tout ce petit monde habite la Vill'Hervé, une grande maison au bout du bout de la lande, au bord du bord de la falaise, pleine de recoins, de mystère, d'hôtes de passage et de pannes de Madame Chaudière. Il essaie de vivre (ça marche), il essaie d'aimer (bof, bof...), il essaie d'affronter les épreuves (tout est toujours à recommencer) et il essaie d'en rire (à tous les coups l'on gagne)."

    Comment définir le plaisir intense que procure la lecture ce roman des quatre saisons (automne avec Enid, hiver avec Hortense, printemps avec Bettina et été avec Geneviève) ? c'est bien simple, à peine terminé, on n'a qu'une seule envie : le relire, pour savourer encore et encore cette vie plus vraie que la vraie vie, cet univers inclassable, où le quotidien le plus prosaïque cohabite avec la fantaisie la plus débridée, où les gnomes de chasse d'eau s'appellent Cary Grant, où les parents décédés ont la manie d'apparaître dans les tenues les plus incongrues (une robe de soirée pour pécher des coquillages, par exemple...) et où toutes les anecdotes ont  le parfum de la justesse parfaite.

    Joyeux fouillis empli de personnages aux noms improbables, ambiance qui emprunte autant au club des Cinq qu'aux films de Jacques DEMY, la lecture de cette tétrade devenue unique roman est à conseiller à tous (et surtout toutes), de dix à cent dix ans ! Ainsi cette recette de mille-feuilles de petits-beurre, que Bettina réalise pour "se changer les idées" :

    - Tu penses faire quoi avec ça ? demanda sa mère.

    Bettina tourna la tête.

    - Ca faisait longtemps ! murmura-t-elle. Tu apparais toujours quand on ne t'attend plus.

    Lucie Verdelaine portait ceciré jaune qui la faisait ressembler à un cap-hornier de livre d'images, et de grosses bottes en caoutchouc vert. Elle prit Ingrid et s'envola au plafond, s'assit sur un coin du vaisselier. Elle passa le doigt sur la moulure, le montra à sa fille :

    - Pas terrible, le ménage. Cette poussière.

    - On fait ce qu'on peut. Tu n'avais qu'à pas mourir. Papa n'est pas avec toi ?

    - Il anime une conférence sur l'émission de gaz polluants en enfer. Il veut élaborer une charte de bonne conduite envers les damnés.

    - Papa pense toujours aux autres, dit Bettina avec tendresse.

    Sa mère se pencha, tira sur son ciré pour un plus joli tombé, et caressa Ingrid en balançant ses pieds dans le vide.

    - Je me trompe ou tu fais mon fameux gâteau sans cuisson ?

    - Ton mille-feuille de petits-beurre aux spéculoos, yes sir. Ne me dis rien, j'essaie de me souvenir.

    Bettina émietta un paquet de spéculoos qu'elle mélangea avec du beurre et du fromage frais. Elle quéta l'approbation de sa mère qui l'observait; jambes pendantes, depuis le haut du vaisselier. [...]

    - Euh... ensuite ? demanda Bettina.

    Elle nota que sa mère ne portait plus le ciré mais son grand tablier en vichy bleu. C'était un don depuis sa mort. Elle pouvait changer de vêtement en une seconde. [...]

    -Une dose de Nescafé dilué pour parfumer. Il est rangé où, le moule à cake ? Si on peut appeler ça rangé...

    Bettina le trouva et disposa au fond une couche de petits-beurre, versa dessus le mélange aux spéculoos.

    - Pour finir, dit sa mère, une couche de petits-beurre. Tasse doucement. Il ne faut pas casser.

    [...] Bettina plaça le moule dans le réfrigérateur.

    - Merci, dit-elle. C'est la seule recette que je suis capable de cuisiner. Tu te souviens ? Mon premier gâteau de...

    Son regard chercha dans la pièce. Elle était à nouveau seule avec la chatte. Sa mère avait disparu. Bettina soupira.

    Malika FERDJOUKH, Quatre soeurs, 2010.

    Un autre extrait ici.

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  • Spagbol (S. WESTERFELD)

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    "... c'est une arnaque, Tally. On ne te montre que de beaux visages ta vie durant. Tes parents, tes professeurs, n'importe qui de plus de seize ans. Mais tu ne nais pas en pensant rencontrer ce genre de beauté chez tout le monde ; on te programme pour trouver les autres moches."

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    "Tally aura bientôt 16 ans. Comme toutes les filles de son âge, elle s'apprête à subir l'opération chirurgicale de passage pour quitter le monde des Uglies et intégrer la caste des Pretties. Dans ce futur paradis promis par les Autorités, Tally n'aura plus qu'une préoccupation, s'amuser... Mais la veille de son anniversaire, Tally se fait une nouvelle amie qui l'entraîne dans le monde des rebelles. Là-bas, elle découvre que la beauté parfaite et le bonheur absolu cachent plus qu'un secret d'État : une manipulation. Que va-t-elle choisir? Devenir rebelle et rester laide à vie, ou succomber à la perfection ?"

    Ah, que voilà un roman qui sait toucher là où il faut ! Science-fiction et pourtant... pas tant que ça... Longtemps j'ai tourner autour sans réelle envie d'y entrer. D'abord à cause de cette stupide phrase : "Dans le monde de l'exrême beauté, les gens normaux sont en danger". Ouh la la, c'était au moins aussi appétissant qu'une fiction de TF1 ! Mais comme quoi il est bon de savoir dépasser les apparences, je me suis engagée dans cette lecture... et ne l'ai pas regretté.

    C'est un univers d'anticipation que nous dépeint Scott WESTERFELD. A la fin de l'enfance, les jeunes gens quittent leur parents pour rejoindre Uglybille. Là, ils attendront sagement leur seize ans pour subir l'opération qui en fera des Pretties. Ils seront entièrement remodelés, plus grands, plus beaux, plus minces, et surtout plus... dociles. Car lorsque l'on a tout ce qu'on peut désirer, pourquoi se révolter ? De grands yeux, des lèvres pleines, une peau claire et lisse, et si c'était ça le bonheur ? Oui, mais et si, justement, ce n'était pas ça ? En cherchant à en savoir davantage, Tally va enfreindre les règles et découvrir une autre réalité, celle de la nature, loin du formatage.

    Ce roman pose beaucoup de questions : apparence, écologie, pouvoir, peur de vieillir. Son habileté tient à sa manière de "coller" à une réalité adolescente, tout en la métaphorisant : et si c'était normal d'être moche pendant un temps ? où est la norme ? à quoi ressemeblera notre futur, ou plutôt celui de nos petits-enfnats ? jusqu'où peut-on aller au nom du "bien" de l'humanité ?

    En même temps que sont posées les questions, les réponses restent ouvertes. Et cela donne juste envie d'aller lire les autres romans !

    SPAGBOL

    Avant même que son coeur ait cessé de battre la chamade, l'estomac de Tally se mit à gronder.

    Elle fouilla dans son sac à dos à la recherche du purificateur d'eau qu'elle avait rempli à la rivière, et en vida le compartiment de purge. Une cuillère de boue brûnatre s'en échappa.

    - Beurk, fit Tally en soulevant le couvercle pour regarder à l'intérieur.

    L'eau semblait claire et pure, sans odeur particluière.

    Tally but avec soulagement, mais en conserva pour son dîner - ou son petit-déjeuner, cela revenait au même. Elle avait l'intention de voyager de nuit et de laisser sa planche se recharger pendant la journée, afin de ne pas perdre de temps.

    Plongeant la main dans son sac étanche, elle en sortit un sachet de nourriture choisi au hasard.

    - SpagBol, lut-elle sur l'étiquette avant de hausser les épaules.

    Hors du sachet, l'aliment avait l'apparence et la texture d'une baguette de coton séché. Elle le lâcha dans le purificateur, où il se mit à bouillir en produisant de petits gargouillis.

    Tally regarda vers l'horizon. C'était la première fois qu'elle voyait le soleil se lever en dehors de la ville. Comme la plupart des Uglies, elle se levait rarement assez tôt et, de toute façon, l'horizon était perpétuellement bouché par les immeubles de New Pretty Town. Le spectacle d'un authentique lever de soleil la stupéfia.

    Une bande orange et jaune embrasa le ciel, magnifique et inattendue, aussi spectaculaire qu'un feu d'artifice. Elle se modifia à un rythme régulier, tout juste perceptible. Voilà comment se présentait la vie dans la nature, comprit-elle. Dangereuse ou splendide. Ou bien les deux.

    Le purificateur émit un ping ! Tally souleva le couvercle et se pencha au-dessus : c'était des pâtes avec une sauce rouge, des petites boules de soja et une délicieuse odeur. Elle consulta de nouveau l'étiquette.

    - SpagBol... spaghetti à la bolognaise !

    Elle se restaura avec appétit. Le soleil la réchauffait, les vagues grondaient en contrebas ; il y avait des siècles qu'elle n'avait pas mangé aussi bien.

    Scott WESTERFELD, Uglies, 2007.

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