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fable

  • Le Cygne et le Cuisinier (J. de la FONTAINE)

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    Lyon, quais de Saône, pont Clémenceau

    Le Cygne et le Cuisinier

    Dans une ménagerie
    De volatiles remplie
    Vivaient le cygne et l'oison :
    Celui-là destiné pour les regards du maître ;
    Celui-ci, pour son goût : l'un qui se piquait d'être
    Commensal du jardin ; l'autre de la maison.
    Des fossés du château faisant leurs galeries,
    Tantôt on les eût vus côte à côte nager,
    Tantôt courir sur l'onde, et tantôt se plonger,
    Sans pouvoir satisfaire à leurs vaines envies.
    Un jour le cuisinier, ayant trop bu d'un coup,
    Prit pour oison le cygne ; et le tenant au cou,
    Il allait l'égorger, puis le mettre en potage.
    L'oiseau, prêt à mourir, se plaint en son ramage.
    Le cuisinier fut fort surpris,
    Et vit bien qu'il s'était mépris.
    " Quoi ? je mettrais, dit-il, un tel chanteur en soupe !
    Non, non, ne plaise aux dieux que jamais ma main coupe
    La gorge à qui s'en sert si bien ! "
    Ainsi dans les dangers qui nous suivent en croupe
    Le doux parler ne nuit de rien.



    Jean de La Fontaine – Fables – Livre III

    D'autres extraits de Littérature gourmande

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  • La constellation de l'amour (M. PROVOST)

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    Drôle de pièce que ce :

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    "Chez Plomeur, à Quimper, on est boucher de père en fils. Dès sa puberté, en pleine guerre de 14, André, fils unique de Loïc et Fernande, développe un don très particulier, celui de faire « chanter la chair » – et pas n’importe laquelle : celle des femmes qui viennent faire la queue à la boucherie Plomeur, dans l’espoir de goûter au plaisir suprême. André assume gaiement et avec talent le devoir conjugal des absents partis au front. Mais l’armistice survient et les maris reviennent. Un matin, André trouve devant la boucherie un panier en osier avec à l’intérieur un bébé. Puis un deuxième, un troisième, un quatrième... sont déposés devant sa porte. Du jour au lendemain, voilà André père de sept enfants et poursuivi par un mari jaloux décidé à lui nuire! Afin de protéger la chair de sa chair pour qui il se découvre un amour infini, il décide de prendre la mer et de rallier les lointaines Amériques. En chemin, la remuante tribu échoue sur une île déserte…"

    Le court roman de Martin PROVOST est une fable poétique, gourmande et tendre, complètement originale. Il s'agit de s'abandonner à cette histoire à la fois réaliste (un père célibataire) et surréaliste (sept enfants venus en même temps comme autant de sept nains). Évocation sensuelle de la chair et des chairs, éloge de l'amour paternel, la lecture de Bifsteck se déguste, se savoure et repaît dans un sentiment de béatitude comblée.

    Ils s'emparèrent d'une vieille voile déchirée dans laquelle ils découpèrent un grand carré de toile de la taille d'un drapeau, et, tandis qu'ils énonçaient à voix haute les mots sacrés de leurs ancêtres, collet, carré, éclanche, escalope, filet, rognon, aile, pilon, quasi, rouelle, cervelle, gîte, joue, fagoue, queue, mou, fressure, noix, souris, épaule, à l'aide d'un bout de bois brûlé, ils tracèrent cette nouvelle représentation du ciel. Lorsqu'ils eurent terminé, ils entreprirent d'assombrir à l'encre de seiche tout ce qu'il restait d'espace vide dans cette voûte céleste. Puis ils suspendirent leur oeuvre à la poupe du bateau, pour que le vent la sèche.

    André s'éveilla quand le jour commençait à peine. Le sirocco apportait d'Afrique un air brûlant, chargé de sable.

    Il regarda tendrement ses petits endormis contre lui, se tenant fermement les uns aux autres par les mains et les pieds, et aperçut la voile peinte qui claquait à l'arrière du bateau, baignée par les premières lueurs de l'aube.

    A travers le tissu grossier badigeonné de noir, il reconnut le corps d'un homme, bras et jambes ouverts, tête haute, avec à l'emplacement du coeur, comme sept minuscules boutons-d'or, les étoiles que s'étaient attribuées les sept artistes en herbe.

    Martin PROVOST, Bifteck, 2010.

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