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littérature - Page 5

  • "Thé difficile"(B. BARRY)

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    Le roman me tentait et c'est tout naturellement qu'il a fait partie de ma liste de souhaits lors de l'opération Masse Critique de Babélio.

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    "De tout temps, les femmes de la famille Whitney ont su lire l'avenir dans les motifs de dentelle. Un talent dont Towner se serait bien passé : à dix-sept ans, elle a eu une vision terrifiante et a été le témoin impuissant de sa réalisation... Depuis, elle s'est juré de ne plus jamais faire usage de son don et a fui sa famille et la ville de Salem, ses sorcières et ses fantômes. Pourtant, à la disparition de sa grand-tante Eva, Towner est obligée d'affronter ses peurs secrètes et retourne sur les lieux de son enfance. Mais sa quête de réponses va lui coûter très cher. Quelque part dans les volutes des motifs de dentelle, entre mensonges et révélations, se cache la vérité..."

    Voilà exactement le genre de bouquin que l'on dit déceptif : a priori, TOUT y est et finalement, rien ne marche ! L'histoire est tordue, complexe à plaisir, elle s'amuse à brouiller des pistes qui n'en sont finalement pas. Les personnages sont mal achevés, ce sont des amorces qui restent en plan et, cerise sur le gâteau, le style est particulièrement maladroit. Je ne sais pas si c'est dû à la traduction ou à l'auteur lui-même, mais l'ensemble est laborieux, pesant et soporifique.

    La quatrième de couverture nous annonce que l'auteur est scénariste. Eh bien, elle ferait bien de le rester, et de laisser à d'autres le soin de raconter une histoire, d'écrire des dialogues, bref, de faire tout ce qui rend une histoire vivante et dont son roman manque cruellement...

    THE DIFFICILE

    J'entre dans le salon de thé. Ses murs sont couverts de fresques peintes par un artiste plus ou moins connu que mon grand-père a fait venir d'Italie. Je ne me rappelle pas son nom. De petites tables occupent l'espace. Il y a de la dentelle partout. Certaines pièces portent l'étiquette de l'atelier de May, le Cercle, mais la plupart sont l'oeuvre d'Eva. Dans un angle, un comptoir vitré abrite des boîtes en métal contenant tous les thés imaginables - des thés commerciaux venus du monde entier, ainsi que des potions de fleurs et d'herbes concoctées par Eva. Si vous voulez une tasse de café, ce n'est pas ici que vous la trouverez. Parmi les boîtes, je cherche du regard celle qui porte mon nom. Eva m'en a fait cadeau une année. C'est un mélange de thé noir, de poivre de Cayenne et de cannelle, avec un soupçon de coriandre et d'autres ingrédients dont elle ne m'a pas révélé la teneur. Il faut le boire fort et brûlant ; Eva le disait trop épicé pour ses clientes âgées. "Soit tu aimeras, soit tu détesteras", m'avait-elle prévenue en me l'offrant. J'ai adoré. J'en buvais des théières entières, les hivers où j'ai vécu chez elle. Sur la boîte métallique, il est écrit "Mélange de Sophya", mais nous l'avons baptisé, Eva et moi, "Thé difficile". [...]

    Les tables sont déjà mises. Sur chacune trône une théière avec des tasses et des soucoupes dépareillées posées sur des pièces rondes de dentelle. Les théières sont très fantaisistes et colorées. Si vous venez prendre le thé un jour ordinaire, un jour qui n'est pas réservé à une réception privée, vous pouvez garder la dentelle après usage. Vous la payez, qu'elle vous ait été lue ou non. Beaucoup de gens ramènent chez eux cette pièce pour l'utiliser comme napperon. Cela ne dérange nullement Eva. Pour ma part, j'ai toujours pensé que c'était du gaspillage et que ces ronds méritaient d'être encadrés comme des oeuvres d'art.

    Brunonia BARRY, Sortilèges de dentelle, 2006.

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  • La vérité sur le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates

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    C'est d'abord un titre insolite.

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    Et une histoire qui ne l'est pas moins :

    "Janvier 1946. Londres se relève douloureusement des drames de la Seconde Guerre mondiale et Juliet, jeune écrivaine anglaise, est à la recherche du sujet de son prochain roman. Comment pourrait-elle imaginer que la lettre d'un inconnu, un natif de l'île de Guernesey, va le lui fournir ? Au fil de ses échanges avec son nouveau correspondant, Juliet pénètre son monde et celui de ses amis - un monde insoupçonné, délicieusement excentrique. Celui d'un club de lecture créé pendant la guerre pour échapper aux foudres d'une patrouille allemande un soir où, bravant le couvre-feu, ses membres venaient de déguster un cochon grillé (et une tourte aux épluchures de patates...) délices bien évidemment strictement prohibés par l'occupant. Jamais à court d'imagination, le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates déborde de charme, de drôlerie, de tendresse, d'humanité Juliet est conquise. Peu à peu, elle élargit sa correspondance avec plusieurs membres du Cercle et même d'autres habitants de Guernesey , découvrant l'histoire de l'île, les goûts (littéraires et autres) de chacun, l'impact de l'Occupation allemande sur leurs vies... Jusqu'au jour où elle comprend qu'elle tient avec le Cercle le sujet de son prochain roman. Alors elle répond à l'invitation chaleureuse de ses nouveaux amis et se rend à Guernesey. Ce qu'elle va trouver là-bas changera sa vie à jamais."

    A travers ce roman foisonnant, Mary Ann SHAFFER réussit un petit miracle : raconter un épisode historique peu connu (l'Occupation dans l'île anglo-normande de Guernesey), montrer les affres de la création littéraire (à travers le personnage de Juliet, l'écrivain), faire la preuve que la solidarité et l'amitié se placent au-dessus de tout (avec ce fameux cercle littéraro-culinaire) et brosser des portraits de personnages aussi divers qu'attachants.

    On pourrait se perdre à travers toutes ces lettres qui se croisent et s'entrecroisent, ces multiples narrateurs que l'on découvre autant à travers leurs mots que ceux des autres, ces différentes strates d'histoires, et cependant, ce n'est jamais le cas : on jubile à coller aux basques de la fantasque Juliet et de ses non moins fantasques amis, qu'ils soient anglais ou anglo-normands.

    C'est un roman bourré d'humour et de tendresse, d'ironie et d'auto-dérision, un livre qui donne envie d'ouvrir grand les bras et de respirer à pleins poumons... l'air de Guernesey si possible ! Et puis, et puis, c'est surtout un livre où l'amour des livres et de la littérature est à chaque page et ça, c'est un vrai bonheur ! J'aurais pu recopier moults extraits, mais, fidèle à ma thématique "littérature gourmande", j'ai choisi cette lettre adressée à Juliet par une des habitantes de l'île, une lettre dont le ton reflète parfaitement l'esprit de ce Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates.

    LA VERITE SUR LE CERCLE LITTERAIRE DES AMATEURS D'ÉPLUCHURES DE PATATES

    Chère Miss Ashton,

    On m'a parlé de vous. J'ai jadis appartenu au cercle littéraire en question mais je parie qu'aucun d'eux ne vous a parlé de moi. Je n'ai jamais lu d'auteur mort. Je n'ai lu qu'une oeuvre : la mienne. Mon livre de recettes de cuisine. J'ose prétendre que mon ouvrage a fait couler plus de larmes que tous les romans de Charles Dickens réunis.

    J'avais choisi de leur lire un passage sur la manière correcte de rôtir un cochon de lait. "Beurrer la petite carcasse et laisser les jus de cuisson s'écouler et faire grésiller le feu", ai-je lu de telle sorte que vous pouviez sentir le cochon rôti et entendre sa chair craquer sous la dent. Je leur ai décrit mes gâteaux à cinq couches - contenant une douzaine d'oeufs -, mes bonbons au sucre filé, mes crottes au chocolat parfumées au rhum, mes génoises à la crème onctueuse. Des pâtisseries confectionnées avec de la bonne farine blanche, et non avec de la farine noire grossière ou les graines pour oiseaux écrasées que nous utilisions à l'époque.

    Eh bien, croyez-le ou non, ils n'ont pas pu le supporter. L'évocation de mes mets savoureux les a poussés à bout. Isola Pribby - qui de toute façon n'a jamais eu aucun savoir-vivre - s'est écriée que je la torturais et m'a menancée de jeter un sort à mes casseroles. Will Thisbee m'a souhaité de flamber en enfer, comme mes cerises "Jubilé". Puis Thompson Stubbins a commencé à pester contre moi et il a fallu que Dawsey et Eben s'y mettent à deux pour m'entraîner en lieu sûr.

    Eben m'a appelée le lendemain pour s'excuser de leurs mauvaises manières. Il m'a demandé de me rappeler que la plupart des membres du Cercle se rendaient aux réunions juste après avoir dîné d'une soupe de navets (sans os à moelle), ou de patates à demi cuites dans un plat  à four (ne disposant d'aucune graisse pour les frire). Il en a appelé à ma tolérance et m'a prié de leur pardonner.

    C'était au-dessus de mes forces. Ils m'avaient insultée. Il n'y avait aucun véritable amoureux de la littérature parmi eux. De la pure poésie dans une casserole, voilà ce que je leur offrais. Je crois qu'ils s'ennuyaient tellement avec ce couvre-feu et les autres lois nazies que ce cercle n'était qu'un prétexte pour passer une soirée dehors. Ils ont choisi la lecture comme ils auraient pu choisir autre chose.

    Je veux que votre article rétablisse la vérité sur ces gens. Ils n'auraient jamais ouvert un seul livre si Guernesey n'avait pas été occupée. Je pèse mes mots, vous pouvez me citer.

    Je m'appelle Clara S-A-U-S-S-E-Y. Trois s en tout.

    Clara Saussey (Mrs)

    Mary Ann SHAFFER & Annie BARROWS, Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates, 2008.

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  • Un Noël de princes (K. MAZETTI)

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    C'est d'abord un titre incongru.

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    Et puis une collection que j'adore : Babel, dont j'aime le velouté des couvertures et leurs illustrations.

    "Désirée se rend régulièrement sur la tombe de son mari, qui a eu le mauvais goût de mourir trop jeune. Bibliothécaire et citadine, elle vit dans un appartement tout blanc, très tendance, rempli de livres. Au cimetière, elle croise souvent le mec de la tombe d'à côté, dont l'apparence l'agace autant que le tape-à-l'œil de la stèle qu'il fleurit assidûment. Depuis le décès de sa mère, Benny vit seul à la ferme familiale avec ses vingt-quatre vaches laitières. Il s'en sort comme il peut, avec son bon sens paysan et une sacrée dose d'autodérision. Chaque fois qu'il la rencontre, il est exaspéré par sa voisine de cimetière, son bonnet de feutre et son petit carnet de poésie. Un jour pourtant, un sourire éclate simultanément sur leurs lèvres et ils en restent tous deux éblouis... C'est le début d'une passion dévorante. C'est avec un romantisme ébouriffant et un humour décapant que ce roman d'amour tendre et débridé pose la très sérieuse question du choc des cultures."

    Un vrai livre de vacances que ce Mec de la tombe d'à côté. Drôle, léger, soulignant avec finesse la difficulté d'établir une relation avec quelqu'un que tout sépare de vous mais qui cependant vous attire furieusement, il se dévore. La narration en alternance, tantôt Désirée tantôt Benny apporte encore plus de saveur au récit et l'on se surprend à compter les pages et regretter que cela se termine aussi vite. Et aussi... incorrectement.

    Et puis on se prend à réfléchir, revenir sur ce qu'on a lu et l'on s'aperçoit alors que, sous ses allures de chick'litt' estivales, ce roman pose de vraies questions et soulève de vrais problèmes : la difficulté de ne faire qu'un, le besoin de faire l'autre à son image ou, du moins, conforme à ses propres aspirations, l'impossibilité du renoncement à ce que l'on croit être soi, et alors, alors Le Mec de la tombe d'à côté devient un de ces livres doux-amers sur le couple et ses possibilités, ou plutôt, ses impossibilités. Et ça, cela parle à tout le monde...

    UN NOËL DE PRINCES

    Et alors j'ai jeté l'éponge, je l'ai appelé et j'ai demandé si je pouvais fêter Noël avec lui. Il a simplement dit oui sans réfléchir, je crois que nous avons été surpris tous les deux. J'ai raccroché, puis j'ai pleuré un peu et j'ai pensé à une portière de train mal refermée qui bat dans le noir.

    Le lendemain il est venu me chercher et nous avons fait un tour de shopping parmi la foule à Domus. Märta m'avait prêté un vieil exemplaire tout graisseux du Livre de cuisine des princesses, et j'ai acheté les ingrédients pour Caramels mous première méthode, Merveilles, Travers de porc farci (fausse oie) et Harengs à la russe. J'avais quelques autres projets en tête mais j'ai abandonné face à la pénurie dans les rayons de cendre de potasse, de moût de bière ou de lait entier cru. Benny était très enthousiaste pour Fromage de tête sous presse, mais la recette exigeait une tête de porc entière ce qui l'a fait abandonner et jeter son dévolu plutôit sur Hachis de mou. Il a prétendu qu'il pouvait  sans problème trouver de la fressure de veau (poumons et coeur). Alors que je cherchais en vain ma cendre de potasse au rayons Epices parmi toutes les variantes exotiques de chutney, Benny se sauva et revint avec un sac qu'il ne voulait pas ouvrir. Ensuite nous sommes rentrés à Rönnegarden.

    Nous avons allumé le néon de la cuisine, noué des torchons sur la tête et autour de la taille, posé le Livre de cuisine des princesses ouvert contre la télé et mis la main à la pâte.

    Caramels mous première méthode s'est bien passé. Nous avions évidemment oublié d'acheter les petits moules indispensables, mais Benny se passionna tout de suite pour la fabrication de moules plissés en papier sulfurisé d'après la description dans le livre. Nous versâmes la préparation dans ses petits chefs-d'oeuvre froissés, très satisfaits de nous-mêmes. Les Merveilles allaient moins bien. "Si vous travaillez trop la pâte, les merveilles gonfleront moins vite !" cita Benny avec sévérité, et il régla un minuteur sur deux minutes.

    Jusque là tout allait bien, mais quand vint l'étape de les tordre sur elles-mêmes par une incision dans la longueur puis de faire un noeud, on allait tout droit au casse-pipe.

    - File-moi une princesse et je vais te la tordre sur elle-même par une incision dans la longueur et y faire un noeud ! grommela Benny.

    Entre-temps, je luttai avec Travers de porc farci (fausse oie) et râlai sur la ficelle de cuisine et les aiguilles à trousser. Pour tout dire, nous sommes devenus de plus en plus flous et enclins aux raccourcis dans la préparation parce que nous n'avons pas cessé de picoler du vin chaud. Nous avons aussi eu une discussion animée pour savoir qui était faux, le pauvre travers de porc qui essayait de se faire passer pour une oie ou la pauvre oie qui n'avait jamais demandé à ce qu'on la mêle à tout ça. J'ai pris le parti du travers du porc et Benny celui de l'oie.

    Le Hareng à la russe fut très beau, un peu comme une oeuvre de jeunesse de Niki de Saint Phalle, celle qui faisait cuire du plâtre farci de couleurs et tirait dessus à la carabine pour créer de l'art.

    A onze heures et demi du soir, la cuisine se trouvait dans le même état que l'étable - mais ça sentait meilleur, dit Benny, et il s'endormit sur la banquette. Je nettoyai de mon mieux tout en sentant avec une satisfaction certaine des générations de ménagères épuisées se ranger derrière moi.

    Ensuite je le traînais au lit. Il était complètement soûl ! Je sais, moi aussi j'étais soûle, ça ternit peut-être légèrement l'image de la ménagère épuisée. Il se réveilla et geignit un peu quand il m'échappa des mains dans l'escalier, mais ensuite il se rendormit tranquillement. Je m'écroulai à côté de lui et fixai avec le sérieux de l'ivrogne ses papiers peints fleuris, je sentis même une tendresse sentimentale pour les rideaux en robe de gala.

    Katarina MAZETTI, Le Mec de la tombe d'à côté, 1998.

    Mon doudou, mon chéri
    Mon amour
    Mon amant, mon mari
    Mon toujours
    Des mots si doux
    Mais qui m'effraient parfois
    Je ne t'appartiens pas
    Des mots si chauds
    Mais à la fois si froids
    Je n'appartiens qu'à moi

    Jean-Jacques GOLDMAN, "Appartenir", 1987.

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  • Pourquoi "Curé sur le mur" ?

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    Parce que les mots, qu'ils soient au fond d'un livre ou en musique, ont toujours suscité chez moi des rêves, des désirs d'ailleurs. Et que je pense que le texte de COLETTE n'a jamais su mieux dire cela :

    Le mot «presbytère» venait de tomber, cette année-là, dans mon oreille sensible, et d'y faire des ravages.« C'est certainement le presbytère le plus gai que je connaisse... » avait dit quelqu'un.
    Loin de moi l'idée de demander à l'un de mes parents : « Qu'est-ce que c'est, un presbytère ?»
    J'avais recueilli en moi le mot mystérieux, comme brodé d'un relief rêche en son commencement, achevé en une longue et rêveuse syllabe... Enrichie d'un secret et d'un doute, je dormais avec le mot et je l'emportais sur mon mur. «Presbytère ! » Je le jetais, par-dessus le toit du poulailler et le jardin de Miton, vers l'horizon toujours brumeux de Moutiers. Du haut de mon mur, le mot sonnait en anathème : « Allez ! vous êtes tous des presbytères ! » criais-je à des bannis invisibles.
    Un peu plus tard, le mot perdit de son venin, et je m'avisai que « presbytère» pouvait bien être le nom scientifique du petit escargot rayé jaune et noir... Une imprudence perdit tout, pendant une de ces minutes où une enfant, si grave, si chimérique qu'elle soit, ressemble passagèrement à l'idée que s'en font les grandes personnes...
    - Maman ! regarde le joli petit presbytère que j'ai trouvé !
    - Le joli petit... quoi ?
    - Le joli petit presb…
    Je me tus, trop tard. Il me fallut apprendre - « Je me demande si cette enfant a tout son bon sens… » - ce que je tenais tant à ignorer, et appeler « les choses par leur nom... »
    - Un presbytère, voyons, c'est la maison du curé.
    - La maison du curé… Alors, M. le curé Millot habite dans un presbytère ?
    - Naturellement. .. Ferme ta bouche, respire par le nez... Naturellement, voyons…
    J'essayai encore de réagir… Je luttai contre l'effraction, je serrai contre moi les lambeaux de mon extravagance, je voulus obliger M. Millot à habiter, le temps qu'il me plairait, dans la coquille vide du petit escargot nommé « presbytère…»
    - Veux-tu prendre l'habitude de fermer la bouche quand tu ne parles pas ? A quoi penses-tu ?
    - À rien, maman...
    …Et puis je cédai. Je fus lâche, et je composai avec ma déception. Rejetant le débris du petit escargot écrasé, je ramassai le beau mot, je remontai jusqu'à mon étroite terrasse ombragée de vieux lilas, décorée de cailloux polis et de verroteries comme le nid d'une pie voleuse, je la baptisai « Presbytère», et je me fis curé sur le mur.

    COLETTE, "Le Curé sur le mur", La Maison de Claudine, 1922.

    Voici donc une nouvelle rubrique de Ma Cuisine rouge, une nouvelle pièce, un grenier où s'entasseront des souvenirs littéraires, musicaux ou... animés !

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  • Apocalypse now (J. GLASS)

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    Il y a des romans qui sont aussi appétissants à l'extérieur qu'à l'intérieur.

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    "Pâtissière à Greenwich Village, Greenie se consacre tout entière à son jeune fils et à sa passion, la cuisine, tandis que son mari semble plongé dans la mélancolie. Quant à son ami Walter, il panse ses peines de coeur. De passage à New York, le gouverneur du Nouveau-Mexique, conquis par le gâteau à la noix de coco de Greenie, lui propose de devenir chef cuisinier de sa résidence. Par ambition autant que par désespoir, elle accepte et part vers l'Ouest avec leur fils en abandonnant son mari. Leur vie va être bouleversée par ce départ précipité, qui provoquera une série d'événements échappant à tout contrôle."

    764 pages. On peut parler ici de "pavé". Et pourtant... Nulle lourdeur, nulle pesanteur, nulle indigestion à la lecture de ce roman qui déroule son fil, ou plutôt ses fils à travers les itinéraires de plusieurs personnages aussi attachants et différents les uns des autres. Il y a d'abord Greenie, la pâtissière géniale, mère d'un garçonnet de quatre ans non moins génial, mais mariée à un psy avec lequel elle a désormais l'impression de tourner en rond. Puis Walter, l'ami-voisin-confident de Greenie, restaurateur et coeur d'artichaut. Saga, mal remise d'un accident qui lui a laissé des séquelles neurologiques. Et puis plein d'autres, qui gravitent autour des premiers.

    Quand Ray McRae la contacte un jour, après avoir goûté son fabuleux gâteau à la noix de coco, Greenie croit d'abord à une blague : devenir la chef-pâtissière du gouverneur du Nouveau-Mexique et partir vivre à Santa-Fé, elle qui vit à New York et tient une pâtisserie en vogue ? Pourtant, encouragée par Walter et lassée de sa vie de couple, c'est ce qu'elle va faire. Et la voilà débarquant au pays des cow boys avec son fils Georges, ravi de cette nouvelle vie.

    Cependant, la vie va continuer à New York. Alan, le mari esseulé va entamer un processus de réflexion sur lui-même, Walter va faire venir son neveu californien, Saga va rencontrer tout ce petit monde de Bank Street, libraire, avocat, homme d'affaires... et tous vont se croiser, s'entrecroiser, voire s'entremêler...

    Raconté comme ça, vous pouvez avoir l'impression que je vous ressers un énième Anna GAVALDA ou une suite new yorkaise des Chroniques de San Francisco. Rien de tout cela pourtant. Car la plume de Julia GLASS n'a pas son pareil pour brosser avec délicatesse de portraits qui vont droit au coeur. Elle sait souligner le petit détail qui fait que nous reconnaissons chacun de ses personnages comme si nous l'avions connu depuis toujours. Elle les dissèque avec une précision redoutable mais néanmoins beaucoup d'humanité et la magie de la chose, c'est qu'arrivé aux dernières pages du livre, on s'aperçoit que tous ont connu une révolution (dans le sens étymologique : changement, innovation qui bouleverse l'ordre établi de façon radicale), à l'image des ces tours jumelles qui s'effondrent au cours des derniers chapitres, et que nous les avons accompagnés.

    Il est bien sûr question de cuisine dans ce roman, de pâtisserie - je vous recommande le gâteau de mariage de Ray (quatre parfums - vanille, sirop d'érable, orange et noix de coco - répartis presqu'au hasard dans les vingt-et-une couches des sept étages qui se trouvaient sous la couronne en noix de coco destinée à être conservée) - mais aussi d'amour, de blessures (Les mains d'un chef étaient pareilles à une carte, une histoire de mésaventures culinaires, parsemées de cicatrices de coupures, de piqûres, de brûlures...), de culpabilité, de concession et de résignation. C'est aussi un roman sur le passage à l'âge adulte, même s'il ne le dit pas, et sur la fin de l'innocence. Comme ne le montre pas particulièrement l'extrait suivant...

    APOCALYPSE NOW

    Walter était le propriétaire et patron tourbillonnant (non le chef : il aurait préféré mourir plutôt que de laver une laitue) d'un bistrot rétro qui servait des repas à haute teneur en cholestérol et protéines animales avec un orgueil patriarcal. Légitimement, si ce n'est modestement, nommé, Walter's Place avait de allures de salon tranformé en pub. Installé au rez-de-chaussée d'une vieille maison à deux pas de l'appartement de Greenie, il était agrémenté de deux cheminées, de nappe en tissu, d'un canapé de velours élégamment fatigué et (au diable les services d'hygiène) d'un bouledogue vagabond baptisé "le Bruce". (Comme Robert le Bruce, le roi d'Ecosse ? s'était souvent demandé Greenie sans jamais lui poser la question ; il est probable que le chien avait été appelé ainsi en hommage à quelque jeune et séduisant acteur porno pour lequel Walter nourrissait allègrement un désir sans lendemain. Il n'avait jamais été explicite quant à la nature exacte de ces désirs, se contentant de glisser çà et là quelques allusions.) Greenie n'avait pas une passion pour les plats typiquement eisenhoweriens dont la clientèle de Walter était gourmande - pour elle, la gourmandise était réservée aux desserts - , mais elle avait été ravie de décrocher le contrat. Depuis quelques années, elle voyait en Walter un allié plus qu'un client.

    Exception faire du gâteau à la noix de coco (fourré au citron et couvert d'un glaçage à la cassonade), la plupart des desserts qu'elle préparait pour Walter n'étaient ni ses meilleures recettes ni même les plus originales, mais tous étaient des modèles du genre : des desserts de braves citoyens bedonnants, du riz au lait, du pain perdu, du gâteau de vermicelle, autant de douceurs dont les Pères pèlerins et autres immigrants du temps du Mayflower auraient récupéré les prototypes pour les échanger illico contre la mousse aux sanguines, la glace à la poire ou les minuscules éclairs au chocolat de Greenie. Walter lui avait également commandé un apple pie, un cheesecake marbré aux fraises et un gâteau fourré qu'il lui avait demandé de créer exclusivement pour lui. "Sur une carte comme la mienne, tout le monde s'attend à trouver un gâteau cent pour cent chocolat, le truc mortel, tu vois, mais moi, ce que je veux, c'est une explosion de chocolat, un feu d'artifice, un volcan de chocolat !" lui avait-il dit.

    C'est ainsi que ce soir-là, après avoir couché Georges, elle était retournée jusqu'à l'aube dans le sous-sol qui abritait ses cuisines, à deux pas de chez elle, pour créer un gâteau. En principe, c'était le type même de dessert que Greenie avait en horreur, mais il incarnait une prospérité si opulente, une joie transgressive dans cet étalage de beurre, cette miraculeuse substance protéiforme aussi essentielle au chef pâtissier que le feu l'était à l'homme primitif.

    Walter avait baptisé le gâteau "Apocalypse Now". Greenie tint sa langue. A elle seule, sa dernière création doublait les quantités de chocolat qu'elle commandait tous les mois à son fournisseur. Le gâteau figurait au menu depuis à peine un mois que Walter avait parié avec elle un dîner aux langoustes qu'avant la fin de l'année le magazine Gourmet lui demanderait la recette, accroissant sa notoriété dans le monde de la gastronomie. Si tel était le cas, Greenie cèderait sans doute aux caprices d'une gloire passagère, mais pour l'heure ses affaires allaient au mieux.

    Julia GLASS, Refaire le monde, 2009.

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  • Marchés de Venise (M. DE BLASI)

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    Il y a des livres d'instinct : Mille Jours à Venise appartient à cette catégorie. On lit "Venise", on aperçoit une photo de cette lagune unique et inimitable et, d'emblée, on tend la main vers le livre.

    mille jours à venise.jpg

    "Ce n'est pas un conte, c'est une histoire vraie. L'enthousiaste et désarmante Marlena, bouleversée par sa rencontre avec son " bel étranger ", va liquider en quelques semaines tout ce qu'elle avait en Amérique, une jolie maison, un charmant restaurant, une brillante carrière de critique gastronomique et de " chef ", pour aller vivre avec lui à Venise. Certes, il y aura pas mal d'obstacles à surmonter, la langue qu'elle ne parle pas, l'appartement sinistre de son mari, la solitude, l'ennui, car elle n'a ni amis ni travail là-bas. Mais Marlena a de ta ressource et elle va nous entraîner dans le récit plein d'humour de ses découvertes, de ses mécomptes, puis de son bonheur à se sentir peu à peu " acceptée ". Jusqu'au jour où l'imprévisible Fernando lui réservera une drôle de surprise..."

    Et on ne regrette pas d'avoir tendu la main. C'est un vrai moment de bonheur que Marlena DE BLASI nous fait partager. Sa rencontre, elle un peu cabossée, lui un peu carapaçonné, avec un bel Italien aux yeux bleus et aux faux airs de Peter Sellers puis son installation, sur un coup de tête comme un coup de foudre, sur l'ïle du Lido, dans l'appartement familial pour le moins rudimentaire. Et c'est la découverte d'une vie quotidienne dans une ville-musée, une ville-cliche presque, que tout le monde croit connaître et qu'elle nous donne à découvrir sous un autre jour.

    Bien sûr, on n'échappe au côté très américain, à ce stylisme très D&Co qui recouvre de tissus les meubles et allume des bougies partout (pour l'ambiance) mais j'ai aimé cette chronique d'une installation et d'une intégration dans un Venise inédite. Marlena DE BLASI joue judicieusement de petites phrases en italien, voire en vénitien, qu'elle s'empresse de traduire pour la couleur locale et son passé de restauratrice et journaliste gastronomique donne beaucoup de saveur(s) à son histoire. Ainsi cette description de marché vénitien :

    MARCHES DE VENISE

    Peut-être que ce que je préfère à tout, sur le marché, c'est l'étal de la marchande d'oeufs, une simple table qu'elle n'installe jamais tout à fait de la même façon. Je vais finir par comprendre que, chaque fois, cela dépend d'où vient le vent, parce qu'elle cherche avant tout à protéger ses poules. C'est fascinant de la voir faire. Tôt le matin, elle arrive de sa ferme située sur Sant'Erasmo, en portant un vieux sac en toile avec cinq ou six volatiles dedans. Elle fourre ledit sac sous la table et se penche pour parler en dialecte vénitien à ses pensionnaires qui caquettent en s'agitant comme des folles : "Dai, dai me putei, faseme dei bei vovi ! Allez, allez, mes bébés, faires-moi de beaux oeufs !" Après quoi, elle s'assoit, attend le client, ais de temps à autre se baisse à nouveau et fouille dans le sac. Sur sa table, elle a posé une pile de carrés de papier journal impecablement découpés dans lesquels elle va envelopper l'un après l'autre chaque oeuf nouvellement pondu, qu'elle déposera ensuite dans un panier en osier tressé, avec la délicatesse, disons, d'une madone de Bellini. [...]

    Les heures passées au milieu de ces hommes et de ces femmes ont quelque chose de lumineux que je garde encore au fond de moi. Ils m'ont appris tant de choses sur la nourriture, sur la cuisine, sur la patience. Ils m'ont parlé de la mer, de l'influence de la lune, de la guerre, de la faim, de grands festins aussi. Ils m'ont raconté leurs histoires, m'ont chanté leurs chansons et, peu à peu, ils sont devenus ma famille et moi j'ai été leur enfant. Je sens encore leurs mains déformées et rugueuses entre les miennes, leurs baisers humides et âcres sur mes joues. Je revois leurs bons yeux un peu délavés à la couleur de base, ceux qui se sont toujours contentés de ce que la vie leur a donné, des descendants de femmes qui n'ont jamais orné leurs cheveux de perles, d'hommes qui n'ont jamais porté d'habits de satin, ni bu de thé au café Florian. Ils sont les autres Vénitiens, ceux qui ont, jour après jour, traversé la lagune pour aller vendre au marché les produits de leur ferme, ne s'arrêtant que pour pécher le poisson du dîner ou réciter une prière dans une petite église isolée. Ils ne sont jamais allés faire un tour sur la piazza San Marco.

    Un jour je passais devant l'étal de Michele. Il était penché sur une pile de petits oignons argentés dont il nouait la tige séchée pour faire une tresse. Sans relever la tête, il m'a tendu d'une main une grappe de tomates minuscules, qui ressemblaient à de tout petits boutons de roses. J'en ai cueillie une que j'ai gardée dans ma bouche un moment avant de la mâcher lentement. Sa saveur et son parfum équivalaient à ce qu'aurait distillé un kilo entier de tomates mûries au soleil et c'était là, dans ce minuscule fruit rouge. Toujours sans me regarder, Michele a demandé : "Hai capito ? Vous avez compris ?" Il voulait dire : "Comprenez-vous qu'il s'agit des meilleures tomates du monde ?" Il savait très bien que je le savais aussi.

    Marlena DE BLASI, Mille Jours à Venise, 2009.

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  • On n'a rien inventé, ou la cuisine du Moyen-Age (K. PANCOL)

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    Il y a de cela fort longtemps, je lisais Katherine PANCOL. C'était l'époque de Moi d'abord, Scarlett, si possible ou Une Si Belle Image : Jackie Kennedy . Et puis je me suis lassée. Je trouvais que cela manquait de nouveauté : les thèmes étaient toujours les mêmes et on tournait un peu en rond. Et puis j'ai eu entre les mains :

    La Valse lente des tortues.jpg

    "Ce livre est une bourrasque de vie... Un baiser brûlant du seul qu'on ne doit pas embrasser. Deux bras qui enlacent ou qui tuent. Un homme inquiétant, mais si charmant. Une femme qui tremble et espère ardemment. Un homme qui ment si savamment. Une femme qui croit mener la danse, mais passe son tour. Des adolescents plus avertis que les grands... Un homme qui joue les revenants. Un père, là-haut dans les étoiles, qui murmure à l'oreille de sa fille... Un chien si laid qu'on s'écarte sur son passage. Des personnages qui avancent obstinément, comme de petites tortues entêtées qui apprendraient à danser lentement, lentement, dans un monde trop rapide, trop violent."

    Bon, j'avoue tout de suite la première lacune : je n'ai pas lu le premier, Les Yeux jaunes des crocodiles. En même temps, je le dis pour ceux qui risquent d'être dans le même cas, cela n'a rien de dramatique : en trois pages, le résumé des épisodes précédents est bouclé et l'on entre sans souci dans cette histoire. Donc Joséphine, historienne effacée et qui a toujours vécue pour les autres, s'est retrouvée malgré elle écraivain à succès. Elle habite maintenant un bel appartement dans le XVIème où ni elle ni sa fille cadette ne se sentent à l'aise et découvrent que la vie des riches, ce n'est pas cela...

    J'ai d'abord pensé que Katherine PANCOL s'était lancé dans le Gavalda : personnages bancals, forte propension à s'attacher aux éclopés de la vie, sauf que... Katherine PANCOL n'est pas Anna GAVALDA et que son univers sonnait vraiment faux à mes oreilles. Et puis le roman a commencé à partir dans tous les sens : paranormal avec le père mort en Afrique qui envoyait des certes postales à ses filles, policier avec des assassinats dans l'immeuble huppé, bref, un grand fourre-tout qui s'étirait sur 752 pages, se concluant par un carnage généralisé. Bref, vous l'aurez compris, je n'ai pas franchement aimé.

    L'impression qu'il m'a laissé est de, pour reprendre l'expression des feuilletonistes du XIX° siècle, "tirer à la ligne" : essayer de dire un maximum de choses sur tout quand on n'a pas grand-chose à ire sur son histoire à proprement parler. En témoigne cet extrait, tout à fait intéressant au demeurant sur un plan historique, des pensées de Joséphine préparant la dinde de Noël.

    ON N'A RIEN INVENTE

    ou la Cuisine du Moyen-Âge

    On n'a rien inventé, ruminait Joséphine en s'écorchant les doigts sur les marrons. Les fast-food existaient au Moyen-Âge. Tout le monde ne possédait pas sa propre cuisine, les logements en ville étant trop petits. les célibataires et les veufs mangeaient dehors. Il existait des traiteurs, des professionnels de l'alimentation ou "chair cuiters", qui installaient des tables dehors et vendaient des saucisses, des petits pâtés ou des tourtes à emporter. L'ancètre des hot dogs ou des MacDos. La cuisine représentait un secteur très important de la vie quotidienne. lesmarchés étaient bien approvisionnés, huile d'olive de Majorque, écrevisses et carpes de la Marne, pain de Corbeil, beurre de Normandie, lard du Ventoux, tout arrivait aux halles de Paris. Dans les bonnes maisons, il y avait un "maître-queux", qui du haut de sa chaire agitait sa louche pour indiquer à chacun son travail. Il surveillait les "happe-lopins" ou galopins, ces enfants de cuisine qui arrachaient des morceaux de nourriture pour les avaler en cachette. Les cuisiniers s'appelaient "Poire molle", "Goulu", "Rince-pot", "Taillevent". Les recettes s'écrivaient en mesures religieuses. On faisait cuisine "de l'heure des vêpres jusqu'au soir", bouillir les raviolis de viande le temps de deux Pater Noster, les noix pendant trois Avé Maria. Dans les cuisines, les marmitons récitaient des prières, surveillaient la cuisson, goûtaient, priaient à nouveau en reprenant leur chapelet. La haute noblesse utilisait la feuille d'or pour décorre les plats. le repas donnait lieu à une vraie cérémonie. les cuisiniers s'effroçaient de préparer des plats en couleurs, le civet rosé, la tarte blanche, la sauce cameline pour accompagner le poisson frit. La couleur aiguisait l'appétit, les aliments blancs étant réservés aux malades qu'il convenait de ne pas exciter. Chaque plat changeait de couleur selon la saison : le potage de tripes était brun en automne, jaune en été. Le comble du raffinement étant la sauce italienne "bleu cléleste". Et, pour plaire aux convives, le cuisinier peignait les armoiries sur les plats en gelée, déposair des grains de grenade ou des fleurs de violette. Inventait des "mets déguisés" dignes de figurer dans des films d'épouvante. Il fabriquait des animaux fantastiques ou des scènes humoristiques en assemblant des moitiés d'animaux différents. [...] Il y avait aussi les entremets-surprise : on plaçait des oiseaux dans une tourte en pain, on soulevait le couvercle au moment de servir et les oiseaux s'envolaient, effrayant l'assistance ravie. Je devrais essayer un jour, se dit Jo en retrouvant le sourire.

    Katherine PANCOL, La Valse lente des tortues, 2008.

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  • Le roi du café - scène de pré-vie conjugale (L. COLWIN)

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    Il est des livres qui d'emblée vous mettent leur petite musique dans la tête. Une Vie merveilleuse est de ceux-là.

    Une Vie merveilleuse.jpg

    "Guido et Vincent sont cousins et amis d'enfance. À ces trentenaires de la bonne société new-yorkaise, nantis d'un métier qui leur plaît et d'amis souriants, il ne manque que la femme de leurs rêves pour que la vie soit merveilleuse. Ils la rencontrent au même moment, l'un en la personne de l'élégante Holly, raffinée et secrète ; l'autre, de Mitsy, descendante d'immigrés russes, la rebelle jamais rassurée. Et les ennuis commencent... Disons plutôt les inquiétudes de l'amour, maladresses et malentendus, effusions et alarmes, comme s'il fallait se faire un petit peu mal pour apprécier son bonheur, dans un monde favorisé que l'auteur de Frank et Billy, figure emblématique du Manhattan des années 1980, nous dépeint avec un humour tendre et complice."

    Ce n'est évidemment pas par hasard que j'ai utilisé ce terme que l'on a si souvent attribué à la prose de Françoise SAGAN pour évoquer Laurie COLWIN. Les deux ont en commun ce don en quelques phrases et l'air de rien de vous faire entendre les choses. N'allez cependant pas vous méprendre : les univers des deux auteurs n'ont rien de commun, si ce n'est cette manière de mettre en scène la bonne société. Les héros de Laurie COLWIN sont farouchement dans le siècle, bien plantés, seulement... ils n'embarrassent pas les autres avec leurs préoccupations matéreilles !

    J'ai aimé les personnages de Laurie COLWIN parce que, je crois, je me suis reconnue dans ces personnages de "trop bien nourris" : ils ont tout pour être heureux et cependant, ils ne parviennent jamais à se défaire d'un sentiment d'insatisfaction, de fragilité, de précarité. Et si ça ne durait pas ? Et si c'était trop beau pour être vrai ?

    La description à la fois scrupuleuse et subtile de ces états d'âme pourrait paraître ennuyeuse car nombriliste, elle est au contraire complètement passionnante. Ce roman est une bulle qui peut sembler vide à première vue mais qui est en fait pleine, complète, voire débordante de ces petits riens qui font la vie, la vie vraie, et que la plume de Laurie COLWIN a su parfaitement captés. Ainsi ce début de "vraie" relation entre Vincent, séducteur blasé, et Misty, rebelle auto-proclamée.

    LE ROI DU CAFE (scène de pré-vie conjugale)

    Pour dîner, Misty servit à Vincent un rôti à l'étouffée et des galettes de pommes de terre.

    - C'est un dîner juif pour le vendredi soir, dit-elle.

    Vincent fit preuve d'un grand appétit, mais après dîner, toute sensation de confort qui avait pu naître entre eux s'évapora. [...]

    - C'est horrible, dit-elle. Je me demande pourquoi je me donne de la peine. Tu vois comment c'est ? Tu te fais inviter à dîner et c'est complètement raté.

    - Tu veux dire le rôti et les pommes de terre ? C'était merveilleux.

    Misty le regarda tristement.

    - Tu es si bête que tu ne vois même pas où est le problème, dit-elle. Maintenant tu es là, finalement. C'est ce que tu voulais, non ? Tu es là et nous n'avons rien à nous dire. Maintenant tu sais.

    - Je sais quoi ?

    - Tu sais que tu n'as pas ta place ici. Ou peut-être que je sais que tu n'as pas ta place ici. Ça aurait été beaucoup mieux pour toi si tu avais été invité à dîner par l'une de ces filles du service relations publiques qui portent des pulls vert clair et des chemisiers roses et qui vont aux Bermudes au printemps. Tu aurais eu de la mousse de saumon, un soufflé et une longue conversation plaisante sur les gens du bureau, et tu aurais découvert que ton cousin était allé à l'école avec son cousin.

    Il fallut plusieurs minutes à Vincent pour se rendre compte que Misty ne se montrait pas sarcastique. Elle était visiblement malheureuse. [...]

    Elle se leva pour débarrasser la table. Vincent se précipita pour l'aider. Elle fit la vaisselle en silence et il l'essuya en silence, fouillant dans ses placards à la recherche des endroits où il fallait les ranger. Ils étaient debout côte à côte devant l'évier, ce qui remplissait Vincent de bonheur. Cela, pensait-il, était la vie adulte et domestique. Il le dit à Misty.

    - Quel abruti, répondit-elle.

    La vaisselle était faite, essuyée et rangée. Misty et Vincent se retrouvèrent debout dans le salon. L'atmosphère était à nouveau tendue ; la tension de l'inévitable.

    - Dommage que nous soyons aussi coincés, dit Vincent.

    - C'est une façon polie de dire que tu crois que nous devrions aller au lit ?

    - Oui, dit Vincent.

    - D'accord, dit Misty. Allons-y.

    Le lendemain matin, Misty se réveilla pour voir les fleurs de Vincent et Vincent lui-même, couché sur le côté, qui lui souriait. [...]

    - Quelle heure est-il ? grommela-t-elle.

    - Sept heures et demie, dit Vincent. Je vais maintenant te préparer une tasse de café et te l'apporter au lit. Tu ne vas pas aimer du tout, hein ?

    - Pas vraiment, dit Misty.

    - Tu mens, dit Vincent. Je parie que personne ne t'a jamais apporté ton café au lit, pas vrai ? On pense que tu n'en as pas besoin. Ce n'est pas vrai ?

    - Si, dit Misty.

    - La vie n'est pas merveilleuse ? dit Vincent. [...]

    Vincent fit un café merveilleux. C'était l'un de ses rares talents culinaires. Ce café surprit Misty. Elle appuya son dos contre les oreillers et le but lentement. C'étaient de petites choses comme cela qui vous achevaient, pensa-t-elle. Elle n'avait pas l'intention de se pencher pour embrasser Vincent sur l'épaule, mais c'est ce qu'elle fit. Cela l'énerva, alors elle avala rapidement son café, envoya les couvertures sur Vincent, et partit à grands pas prendre une douche.

    Laurie COLWIN, Une Vie merveilleuse, 1971.

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  • La vocation d'une animatrice d'émission culinaire (S. LOUBIERE)

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    Anne Darney exerce un métier de rêve : animatrice de fiches cuisine. Elle est le cordon-bleu toujours bien maquillé, bien coiffé, bien habillé, qui réalise devant les caméras de télévision des recettes plus alléchantes les unes que les autres. Univers féerique. Pour une réalité quotidienne qui l'est bien moins. Anne a quarante ans, vit seule, vient d'assister au mariage de son ex-mari et sa prochaine paternité, elle qui ne peut avoir d'enfant, et vit avec des monceaux de culpabilité et de rêves avortés.

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    "Paris. Pour fêter ses 40 ans, Anne Darney s'apprête à prendre l'avion à la recherche de son amour de jeunesse, Daniel Harlig, histoire de s'affranchir d'un souvenir qui l'obsède et aura contribué à l'échec de toutes ses relations amoureuses. Elle a décidé, plus de vingt ans après, de retrouver ce garçon américain qui lui avait fait la promesse, un jour, de venir la chercher. Mais ce qu'Anne va trouver à San Francisco ne ressemble en rien à une bluette... Pour connaître toute la vérité sur ce qui lui apparaît vite comme " l'affaire Daniel Harlig ", il lui faudra convaincre un inspecteur de police fraîchement retraité, Bill Rainbow, grand amateur de gastronomie dont la corpulence n'est pas sans évoquer celle d'Orson Welles, de reprendre du service. En échange de la confection par Anne, cuisinière émérite, d'un repas de Noël digne du Festin de Babette, Bill va accepter de reprendre cette enquête qui le mènera à une découverte stupéfiante. Ce roman policier psychologique et charnel, truffé d'hommages à Alfred Hitchcock, où les secrets intimes enfouis dans le passé se mêlent aux appétits les plus crus, est ancré totalement dans l'époque, l'action se situant essentiellement aux États-Unis en décembre 2008, en pleine récession mondiale, un mois après l'élection de Barack Obama. En bonus, la présence de fiches cuisine à la fin du roman, reprenant les plats qui composent le festin élaboré par les deux protagonistes du livre (recettes originales du chef Eric Léautey, auteur de nombreux ouvrages sur la cuisine et chef de la chaîne Cuisine.TV)."

    Idée originale que d'avoir uni littérature policière et gastronomie. Manière aussi de "rompre" les clichés en montrant que les États-Unis ne sont pas uniquement le pays du fast food, mais que de véritables gourmets s'y nichent, en témoigne le shopping gourmand d'Anne et Bill à travers San Francisco. L'intrigue policière est habilement menée, allant crescendo vers un final aussi inattendu que terrifiant.

    J'avoue avoir un peu langui dans la première partie, avec les itinéraires parallèles des deux personnages principaux, mais une fois que la "jonction" est faite, l'histoire s'emballe et est menée tambour battant, sans répit.

    En choisissant de mettre en scène des personnages aux lourds passés dont elle ne nous livre que des bribes au fil du texte, Sophie LOUBIERE sait judicieusement glisser fausses pistes et vérités vraies, dans un jeu de massacre dont on ne sort pas indemne. Et faisant de ses héros des gastronomes, elle leur donne corps et vie, dans toute leur chair.

    En témoigne ce passage sur la vocation d'Anne:

    Anne détient donc quelque chose de précieux.

    Elle recèle son propre trésor.

    Et cet amour de la cuisine ne tient qu'à elle.

    Il remonte à loin.

    Aux recettes qu'elle recopiait dans le vieux manuel de sa grand-mère aux gravures anciennes et aux calligraphies soignées, formant ses premières lettres, l'eau à la bouche. Aux soupes de cailloux improvisées dans un jardin, accroupie au-dessus d'un trou creusé dans la terre, aux salades de bonbons dégustées entre amies au cours de dînettes, au jeu de marchande offert par sa maman pour ses six ans, aux fruits et légumes en plastique coloré, aux charcuteries assorties dans lesquelles Anne plantait ses dents pour mieux en imaginer la saveur. A ces heures passées à faire son marché imaginaire, seul ou avec une copine - Valérie, toujours elle, immuable et fidèle. Les cours de travaux manuels au collège ont conforté le cordon-bleu en jupette dans ses appétences, sa grand-mère s'étant préalablement chargée de lui enseigner les bases de la cuisine traditionnelle lorraine. Tourner le cuillère à gâteau jusqu'à ce que se forme le ruban d'oeuf battu incrusté de sucre la mettait en liesse. Aucune dispute parentale ne pouvait briser l'enchantement d'un gâteau de Savoie cuisant au four dont la croûte dorée ourlait les bords du moule. Pas un claquement de porte ne pouvait ébranler la main tartinant de confiture de fraises un disque de génoise encore tiède. Et la dispute, toujours, de s'achever dans la cuisine, autour du riz au lait d'Anne chérie, cuit avec sa gousse de vanille.

    Jusqu'à l'âge de treize ans, Anne aura nourri le couple de ses parents pour le meilleur. Et le pire était venu. Une maman qui s'alimente en avalant de la nourriture liquide par un tuyau relié à son estomac aurait découragé les élans de plus d'un Loiseau. Son ex-mari n'étant guère porté sur la gastronomie, Anne s'était vite lassée de cuire des pommes de terre, saucisses et entrecôtes, renonçant à l'exécution de la sauce salade. Elle remettait les mains à la pâte à la saison des champignons dont elle faisait omelettes, gratins ou conserves et à celle de la cueillette des mirabelles qui terminaient en sorbet, tarte, confiture ou condiment, macérées dans le vinaigre. L'occasion de replonger les doigts dans l'appareil devant une caméra avait été plus que salvateur : la justification de son entêtement à ne pas mettre sa tête dans le four après avoir ouvert le robinet du gaz.

    Sophie LOUBIERE, Dans l'oeil noir du corbeau, 2009.

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  • Le "medianoche américain" (G.LEROY)

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    Tous les Goncourt ne me plaisent pas. C'est même plutôt un euphémisme car rares sont ceux qui me séduisent. Était-ce le sujet (Zelda Fitzgerald) ? la quatrième de couverture ? je me suis laissé séduire par celui-ci :

    Alabama Song.jpg

    "Alabama, 1918. Quand Zelda, " Belle du Sud ", rencontre le lieutenant Scott Fitzgerald, sa vie prend un tournant décisif. Lui s'est juré de devenir écrivain : le succès retentissant de son premier roman lui donne raison. Le couple devient la coqueluche du Tout - New York. Mais Scott et Zelda ne sont encore que des enfants : propulsés dans le feu de la vie mondaine, ils ne tardent pas à se brûler les ailes... Gilles Leroy s'est glissé dans la peau de Zelda, au plus près de ses joies et de ses peines. Pour peindre avec une sensibilité rare le destin de celle qui, cannibalisée par son mari écrivain, dut lutter corps et âme pour exister... Mêlant éléments biographiques et imaginaires, Gilles Leroy signe ici son grand " roman américain "."

    Quel titre merveilleusement choisi ! Car effectivement, ce roman est un chant, une mélodie envoûtante, une mélopée désespérée. C'est l'histoire d'une femme excessive en tout et qui s'est brûlée les ailes. C'est aussi l'histoire de la compagne d'un artiste qui l'a vampirisée et l'a laissé exsangue. C'est enfin le drame d'une artiste qui n'est pas parvenue à faire entendre sa voix.

    Gilles LEROY a remarquablement rendu tout cela, jouant avec le rythme des mots de manière hors-pair, nous rendant cette Zelda si volatile et si proche, si insouciante et si tragique. Alternant les moments du récit, de la petite ville de sa jeunesse à l'asile où elle périt brûlée vive, la narration avance par vagues successives, toujours plus fort, toujours plus loin, tentant de cerner au mieux ce personnage à la fois étrange et énigmatique, si sincère et si déroutant. En témoigne l'extrait suivant :

    "Médianoche américain"

    Je n'ai jamais été une maîtresse de maison ni une femme au foyer. Je laisse ça aux bonnes femmes. Je n'ai jamais su organiser un dîner, encore moins cuire un oeuf. La vaisselle, la lessive, nada. En fait, il n'y avait rien à tenir, ni maison, ni ménage, ni buanderie car nous ne possédons rien. On déménage tout le temps d'hôtels en meublés. Ne rien posséder nous ruine. L'idée d'acheter une paire de draps ne nous a pas effleurés, par exemple. Quant à broder une paire de draps ou rien qu'un mouchoir, comme font les bonnes femmes, vous imaginez, professeur. J'aimais cette vie, ce tourbillon. Scott disait ça à ses amis : "J'ai épousé une tornade." Vous ne pouvez pas savoir, professeur, la violence des orages en Alabama. Je suis comme le ciel de mon pays. Je change en une minute. L'ironie du sort est de finir clouée dans une chambre d'hôtel, réduite à n'être plus qu'une femme-tronc, une tête qui sort de la camisole.

    Je n'ai jamais, je dis bien jamais, préparé à manger à ma fille.

    Je n'ai jamais su donner un ordre cohérent à un domestique, une nounou, une cuisinière.

    De toute façon, je n'ai jamais aimé manger. Longtemps, je me suis nourrie à minuit d'une salade d'épinards et de champagne. A Paris, certaines ont essayé de m'imiter, le "médianoche américain", elles appelaient ça. Elles tombaient dans les pommes au bout de deux jours.

    Mon corps extrême n'a besoin d'aucun combustible.

    L'anorexie ? Quoi encore ? Entre l'asthme et l'eczéma, vous ne trouvez pas qu'on m'a affublée d'assez de tares comme ça sans aller en chercher une nouvelle ? Oui, j'ai perdu huit kilos, parce que je danse cinq heures par jours et qu'après je suis si fatiguée que je ne peux rien avaler de solide. [...] L'alcool ? Quoi l'alcool ? Je sais que je suis arrivée saoûle, parce que sans ce litre de vin je n'aurais pas eu le courage ou l'indécence de monter dans le taxi. Ne vous inquiétez pas pour l'alcool. Quand j'aurai repris ma danse, il n'en sera plus question. [...]

    Lui, l'aviateur, il me faisait manger. Avec trois fois rien, deux pommes de pin, trois sarments de vigne, il faisait un feu sur la plage et nous mangions les poissons pêchés du matin, les tomates gorgées de soleil et de sucre, et des pêches, des abricots. Avec les fleurs de courgette il faisait des beignets délicats et légers comme l'air - la cuisine de mon enfance, si grasse, si grossière, était une insulte au goût et au corps.

    L'aviateur, un jour qu'il faisait la vaisselle dans notre bungalow, il s'est tourné vers moi avec un large sourire et ses yeux pétillaient : "Ôte-moi d'un doute. Tu es bien une femme, n'est-ce pas ?"

    Gilles LEROY, Alabama Song, 2007.

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