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Privés de dessert (D. LEON)

Imprimer Catégories : Littérature gourmande

Donna LEON, j'en ai déjà parlé. cette Américaine installé en Italie a le don de vous faire partager ses deux passions (qui sont aussi quelques unes des miennes accessoirement) : Venise et la cuisine. Tout ça sous couvert de romans policiers policiers souvent passionnants avec un héros atypique : l'humaniste et lettré commissaire Guido Brunetti. Chaque roman est l'occasion de faire aimer davantage la ville et... de dénoncer la vie politique et sociale italienne !

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Le dernier ne fait pas exception : "Venise, un soir d'hiver. Un vendeur à la sauvette africain est assassiné au beau milieu de Campo San Stefano. Un groupe de touristes américains était sur la place, marchandant des contrefaçons de sacs de marque, mais personne n'a rien vu qui puisse aider la police. Le commissaire Brunetti est chargé de l'enquête et il a du mal à comprendre les raisons d'un tel crime : les immigrants sans papiers vivent repliés sur eux-mêmes dans des squats insalubres, sans contact extérieur... Cela ressemble fort à un règlement de comptes au sein de la communauté et sa hiérarchie lui conseille de laisser tomber ses investigations. Mais Brunetti veut en avoir le cœur net. Il fouille les quelques affaires de la victime et dans une petite boite, il retrouve des diamants bruts dissimulés dans du sel... Qui était réellement cet immigrant ? Et comment s'est-il retrouvé en possession d'un tel trésor ? Et pourquoi cherche-t-on à décourager le commissaire dans son enquête ? "

L'intrigue est bien mené, Paola, l'épouse de Guido, toujours aussi délicieuse, bref, c'est toujours un bonheur de replonger dans cette atmosphère. Ainsi dans cet extrait où Paola découvre avec horreur que nos enfants ne sont pas toujours tels qu'on le souhaiterait et laissent parfois échapper des mots qui ont d'inattendues conséquences sur les fins de repas... Voici donc :

PRIVES DE DESSERT

Chiara reposa sa fourchette dans son assiette : "Je peux aller dans ma chambre ?"

[...] "Oui", dit Paola.

Chiara se leva, repoussa avec soin sa chaise sous la table et quitta la pièce. [...]

Raffi reprit sa fourchette et finit son radicchio, chagrin à l'idée qu'il n'y aurait pas de dessert ce soir, posa ses couverts bien alignés dans son assiette et alla poser le tout dans l'évier. Après quoi, il se réfugia dans sa chambre.

Brunetti arriva sur les lieux de cette scène une heure et demie plus tard. Réconforté par les arômes qui remplissaient tout l'appartement, il lui tardait de revoir les siens et de parler d'autre chose que de morts violentes. Il se rendit dans la cuisine mais, au lieu de ce qu'il espérait voir - Paola et les enfants arrivés au dessert et attendant avec impatience son retour -, il ne trouva qu'une table vide et des assiettes empilées dans l'évier.

Il partit à leur recherche dans le séjour, se demandant s'il n'y avait pas quelque chose d'intéressant à la télévision tout en sachant que c'était une impossibilité. il ne trouva que Paola qui lisait, allongée sur le canapé. Elle leva les yeux sur lui. "Tu as peut-être envie de manger quelque chose, Guido ?

- Je ne dis pas non, mais je voudrais tout d'abord boire un verre pendant que tu m'expliqueras ce qui ne va pas." Il retourna à la cuisine, prit une bouteille de Falconera et deux verres. Il ouvrit la bouteille, n'attendit pas que le vin s'aère et remplit les verres. Il en tendit un à Paola et, quand elle l'eut pris, l'attrapa par la cheville. "Tu as les pieds froids", dit-il. Il prit le vieux châle posé sur le dossier du canapé et lui couvrit les pieds.

Il s'accorda une bonne rasade - de quoi justifier un petit complément - et dit : "Très bien, qu'est-ce qui se passe ?"

- Chiara s'est plainte de ce que tu arrives toujours tard, et, quand je lui ai dit que ce soir encore c'est parce que quelqu'un a été tué, elle m'a répondu que c'était "seulement un vu compra*"." Elle avait parlé d'un ton calme, dépassionné.

"Seulement ?

- Seulement."

Brunetti prit une nouvelle rasade, laissa sa tête aller contre le canapé et fit rouler le vin dans sa bouche. "Hum, dit-il finalement, ce n'est pas joli-joli, hein ?"

Bien que n'étant pas tourné vers elle, il sentit l'acquiescement de Paola à un mouvement du canapé.

"A ton avis, elle ramené ça de l'école ? demanda-t-il.

- Forcément. Elle est trop jeune pour être affiliée à la Ligue du Nord.

- C'est donc quelque chose que ses camarades de classe ont ramené de chez eux, ou quelque chose que les profs ont dit ?

- L'un ou l'autre, sinon les deux, j'en ai peur, répondit-elle.

- J'imagine. Qu'est-ce que tu as fait ?

- Je lui ai dit qu'elle tenait des propos ignobles et que ma fille me faisait honte."

Il se tourna, sourit, leva son verre et la salua. "Toujours encline à la modération, n'est-ce pas ? [...]

-Est-ce qu'on va rester là à battre notre couple de mauvais parents et à nous punir en nous privant de dîner ? demanda-t-il finalement.

- On pourrait, sans doute." Elle avait répondu d'un ton entièrement dénué d'humour.

" Je n'aime pas trop ni la seconde ni la première de ces idées.

- Très bien. Je suis restée ici à me morfondre assez longtemps : ça suffira comme punition. On doit au moins pouvoir dîner en paix, je suppose.

- Bien", dit-il, vidant le fond de son verre avant de se pencher pour reprendre la bouteille.

Donna LEON, De sang et d'ébène, 2008.

* vu compra : émigré clandestin

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Commentaires

  • Ca fait vraiment mais alors vraiment super envie!

  • Et ça rappelle des souvenirs, des émotions, du vécu. Bref, merci pour cet extrait!

  • Mmm les romans policiers de Donna Leon me sont de vraies gourmandises...Plus que l'intrigue elle-même, c'est l'ambiance, la ville, le personnage de Brunetti ..ah voilà j'avais résisté jusqu'ici à acheter ce dernier mais là c'est fichu, j'en ai l'eau à la bouche depuis que j'ai lu cette note ;)!

  • Il faut que je retienne le nom, deja la derniere fois tu m'avais donne envie.

  • Lisanka, je suis comme toi : je crois que tout parent a été un jour ou l'autre confronté à cela.Quant à toi, gracianne, je suis sûre que le jour où tu "plongeras" dans Donna Leon, tu deviendras accro... regarde Marie !

  • Je suis une inconditionnelle de Donna Leon et celui là je ne l'ai pas encore lu c'est le dernier traduit me semble t-il ....Merci pour cet extrait

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