Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

gavalda

  • "Gérard est arrivé avec son cubi" (A. GAVALDA)

    Imprimer Catégories : Littérature gourmande

    Découvrez la playlist L'échappée belle avec Pascal Obispo

    Je conçois aisément ce qu'Anna GAVALDA peut avoir d'énervant pour ses détracteurs : elle "fait" du Gavalda. Et le pire, c'est qu'on ne lui demande que ça, tant on est heureux de retrouver en ouvrant son livre ces petits qui font son univers et le nôtre. Rien de sérieux, rien de vraiment profond, des instantanés souvent.

    L'échappée belle.jpg

    "Simon, Garance et Lola, trois frères et soeurs devenus grands (vieux ?), s'enfuient d'un mariage de famille qui s'annonce particulièrement éprouvant pour aller rejoindre Vincent, le petit dernier, devenu guide saisonnier d'un château pendu au fin fond de la campagne tourangelle. Oubliant pour quelques heures marmaille, conjoint, divorce, soucis et mondanités, ils vont s'offrir une dernière vraie belle journée d'enfance volée à leur vie d'adultes. Légère, tendre, drôle, L'Echappée belle, cinquième livre d'Anna Gavalda aux éditions Le Dilettante, est un hommage aux fratries heureuses, aux belles-soeurs pénibles, à Dario Moreno, aux petits vins de Loire et à la boulangerie Pidoune."

    Ici, c'est une fugue à la vie, une fratrie qui s'envole quelques heures avant de se laisser rattraper par le quotidien, ni vraiment triste ni franchement gai, juste le quotidien. On retrouve dans l'Echappée belle les thèmes fétiches de l'auteur : les cabossés de la vie, l'amour pour les petites gens, la force des souvenirs d'enfance et la famille, mais "celle que j'ai choisie, celle que je ressens dans cette armée de pauvre de gens" comme dirait Jean-Jacques GOLDMAN, souvent en filigrane, d'ailleurs, dans l'oeuvre de Gavalda.

    Bien sûr, on pourrait y voir de la condescendance, un côté 'ironie flaubertienne" dans cette description de noce campagnarde. J'ai simplement chosi de me ranger du côté de la naïveté. Et cette Echappée belle est une vraie gourmandise !

    Nous sommes entrés dans une salle des fêtes surchauffée qui sentait encore la sueur et la vieille chaussette. Les tatamis étaient empilés dans un coin et la mariée se tenait assise sous un panier de basket. Elle avait l'air un peu dépassée par les événements.

    Tablées façon Astérix, vin de pays en cubis et zizique à plein volume.

    Une grosse dame tout empaquetée de froufrous s'est précipitée sur notre petit frère :

    - Ah ! Le voilà ! Viens, mon fils, viens ! Nono m'a dit que tu étais en famille... Venez tous, venez par là ! Oh qu'ils sont beaux ! Quel beau chapeau ! Et elle, comme elle est maigre, la petite ! Et alors ?! Y vous font rien à manger à Paris ? Installez-vous. Mangez bien. Il y a tout ce qu'il faut. Demandez à Gérard qu'il vous serve à boire. Gérard ! Viens donc par là, mon gars ! [...]

    Nous nous sommes assis à un bout de table, accueillis à bras ouverts par les deux tontons qui étaient déjà bien partis.

    - Gé-rard ! Gé-rard ! Gé-rard ! Hé, les gosses ! Allez chercher à manger pour nos amis ! Gérard ! Où qu'il est passé, nom de Dieu ?

    Gérard est arrivé avec son cubi et la fête a commencé.

    Après la macédoine à la mayonnaise dans sa coquille Saint-Jacques, le méchoui dans ses frites à la mayonnaise, le fromage de chèvre (prononcer "chieub' ") et les trois parts de vacherin, tout le monde s'est poussé pour laisser la place à Guy Macroux et son orchestre de charme.

    Nous étions comme des bienheureux. L'oreille aux aguets et les mirettes grandes ouvertes. A droite, la mariée ouvrait le bal avec son père sur du Strauss à bretelles, à gauche les tontons commençaient à se bastonner méchamment à propos du nouveau sens interdit devant la boulangerie Pidoune.
    Tout cela était pittoresque.

    Non. Mieux que ça et moins condescendant : savoureux.

    Anna GAVALDA, L'Echappée belle, 2009.

    0 commentaire Pin it! Lien permanent
  • Le gâteau au chocolat d'une vraie cuisine d'une vraie maison (A. GAVALDA)

    Imprimer Catégories : Littérature gourmande

    L'avantage d'Anna GAVALDA, c'est qu'elle a déjà écrit son chef-d'oeuvre. Comme ça, c'est fait, c'est dit, jamais plus elle ne refera Ensemble, c'est tout et maintenant qu'elle a prouvé qu'elle savait le faire, elle est tranquille, elle peut écrire comme elle veut, ce qu'elle veut, s'offrir le luxe de tourner autour du pot, de casser les pieds à son lecteur en l'ennuyant avec les tourments et désarrois de son personnage, de lui faire des commentaires à la manière des auteurs du XVIIIème ("Retrouvons maintenant notre héros...") et puis, tout à coup, de lui offrir des moments miraculeux, comme c'est le cas à partir de la moitié de son livre, là où "ça commence vraiment", là où ça devient du Gavalda.

    La_Consolante

    Disons-le tout de suite, le roman commence très exactement à la page 307. Tout le reste, tout ce qui a précédé, n'était que littérature. Une lourde et longue entrée en matière pour préparer au bonheur des pages qui vont suivre. Du Gavalda pur jus : personnages fêlés, lézardés par la vie, plume à la fois acerbe et tendre, portant sur notre société un regard sans concession, et, surtout, un amour de l'humain sans partage. Anna GAVALDA fait du roman social, n'en déplaise à ceux qui ne voient en elle qu'une gentillette post-baba cool ou nouvelle bobo, c'est selon. Son Charles Balanda, ce quadra qui n'en peut plus de sa vie, c'est celui des chansons d'Alain SOUCHON, ce désenchanté qui ne sait plus où se mettre. Le pire, c'est lorsqu'il retrouve son ami d'enfance, qu'il avait quitté ado voulant devenir Chet Baker et sur le point de l'être tant il avait brûlé sa jeune vie par les deux bouts, et qui est devenu le "p'tit caporal de centre commercial" chanté par SOUCHON, "tapioca, potage et salsifis", "rangé à plat dans c'tiroir", dans sa maison "lapeyrisée", son bermuda Quetchua et son tablier "C'est moi le chef".

    Alors bien sûr, on pourra chipoter sur ce livre "inaccompli". Sur ces personnages laissés en plan, comme cette Marion qui traverse l'histoire en étoile filante, pleine de promesses, mais qu'on ne verra plus... Sur cette histoire qui se tortille de tous les côtés jusqu'à s'égarer parfois. Sur ces effets de style (l'absence de sujets...). Mais la magie GAVALDA est là. Dans ce roman bancal comme le sont ses personnages. Et pour vous le prouver que la magie fonctionne, je vous en offre un petit morceau. Voici donc :

    LE GÂTEAU AU CHOCOLAT D'UNE VRAIE CUISINE D'UNE VRAIE MAISON

    La porte d'entrée était entrouverte. Charles toqua, puis posa sa main bien à plat sur le pan de bois tiède.

    Pas de réponse.

    Lucas s'était faufilé à l'intérieur. La poignée était plus chaude encore, la retint un moment avant d'oser le suivre.

    Le temps que ses pupilles s'habituent au changement de luminosité, ses pailles étaient déjà éblouies.

    Combray, le retour.

    Cette odeur... Qu'il avait oubliée. Qu'il croyait avoir perdue. Dont il se contrefichait. Qu'il aurait méprisée et qui le faisait fondre de nouveau. Celle du gâteau au chocolat en train de cuire dans la vraie cuisine d'une vraie maison...

    N'eut pas l'occasion de saliver très longtemps car déjà, et comme sur le seuil quelques instants plus tôt, ne savait plus où donner de l'étonnement. [...]

    Charles était fasciné. Qui a fait ça ? demanda-t-il dans le vide.

    Une cuisinière, plus imposante encore, en émail bleu ciel, avec deux gros couvercles bombés sur le dessus et cinq portes en façade. Ronde, douce, tiède, appelant la caresse... Un chien devant, sur une couverture, sorte de vieux loup qui se mit à gémir en les apercevant, tenta de se redresser pour les accueillir, ou les impressionner, mais qui renonça, et s'affaissa en couinant de nouveau.

    Une table de ferme (de réfectoire ?), immense, bordée de chaises dépareillées, sur laquelle on venait de dîner et qui n'avait pas été débarrassée. Des couverts en argent, de assiettes bien saucées, des verres à moutarde copyrightés Walt Disney et des ronds  de serviette en ivoire.

    Un vaisselier ravissant, stylé, fin, chargé jusqu'à la gueule de terrines, de faïences, de bols, d'assiettes et de tasses ébréchées. Dans le creux d'une souillarde, un évier en pierre, sûrement très malcommode, où s'empilaient des tas de casseroles dans une bassine jaunie. Au plafond, des paniers, un garde-manger au tamis troué, une suspension en porcelaine, une espèce de boîtier presque aussi long que la table, creux, ponctué d'ouvertures et d'encoches où se balançait l'histoire de la cuillère à travers les âges, un rouleau à mouches d'un autre siècle, des mouches de celui-ci, ignorant le sacrifice de leurs aïeules et se frottant déjà les pattes à la perspective de toutes ces bonnes miettes de gâteau...

    Anna GAVALDA, La Consolante, 2008.

    Pour mémoire, et parce que je n'ai pas trouvé de version video de la chanson, voici un extrait de la chanson de SOUCHON, "le Bagad de Lann Bihoué" :

    Tu la voyais pas comme ça ta vie,
    Pas d'attaché-case quand t'étais p'tit,
    Ton corps enfermé, costume crétin,
    T'imaginais pas, j'sais bien.
    Moi aussi j'en ai rêvé des rêves. Tant pis.
    Tu la voyais grande et c'est une toute petite vie.
    Tu la voyais pas comme ça, l'histoire :
    Toi, t'étais tempête et rocher noir.
    Mais qui t'a cassé ta boule de cristal,
    Cassé tes envies, rendu banal ?
    T'es moche en moustache, en laides sandales,
    T'es cloche en bancal, p'tit caporal de centre commercial.

    Tu la voyais pas comme ça frérot
    Doucement ta vie t'as mis K.-O.
    T'avais huit ans quand tu t'voyais
    Et ce rêve-là on l'a tous fait
    [...]

    Tu la voyais pas comme ça ta vie,
    Tapioca, potage et salsifis.
    On va tous pareils, moyen, moyen...

    La grande aventure, Tintin,
    Moi aussi, j'en ai rêvé des cornemuses.
    Terminé, maintenant. Dis-moi qu'est-c' qui t'amuse ?

    [...]

    Alain SOUCHON, 1977.

    11 commentaires Pin it! Lien permanent
  • La résurrection par le potage (A. GAVALDA)

    Imprimer Catégories : Littérature gourmande

    2842630858.08.lzzzzzzzIl y a des livres qu'on explique pas. Qui sont magiques, tout simplement. De ceux qui, lorsqu'on les ouvre, ne parviennent pas à se refermer tout seuls. Même si ce sont de gros pavés de 604 pages exactement, comme celui d'Anna GAVALDA.

    Je pourrais vous la faire érudite : "Moi, si je devais emporter un seul livre sur une île déserte, ce serait..." et là, j'annoncerai pêle-mêle quelques bons gros classiques, le genre "Incontournables de bibliothèque". Le problème, c'est que ce ne sont pas du tout ceux-là que j'emmènerai...

    Moi, si je devais me retrouver sur une île déserte avec quelques bouquins (parce qu'en choisir un seul, c'est tout bonnement impossible), il y aurait plus de chances de me voir avec des romans policiers, quelques albums pour enfants, et puis, et puis Ensemble, c'est tout, d'Anna GAVALDA.

    Pourquoi celui-là ? parce c'est une merveille ! Du bonheur à l'état pur. C'est un livre que je ne peux pas reprendre en main sans l'ouvrir et me dire : "je lis juste ce passage-là" pour finalement courir - en survol - jusqu'à la fin.

    Il y a tout ce que j'attends de la littérature là-dedans : il me fait sourire, rire, pleurer, me dire "mais oui, c'est exactement ça", me souvenir, bref, du pur bonheur !

    Irracontable (je ne vais quand même pas vous résumer ça à "quatre paumés qui vont unir leurs solitudes pour se sentir moins seuls"), musical, insidieux, il s'infiltre en vous l'air de rien ("La, la, la, mine de rien /La voilà qui revient /La chansonnette") et vous laisse pantois, sur le carreau. C'est une leçon de vie, d'amour, d'humour, de tendresse, d'ouverture à l'autre, aux autres, et... c'est magique !

    J'ai choisi de vous proposer aujourd'hui un extrait qui se situe plutôt au début du livre. Camille et Franck ne connaissent pas encore vraiment, mais il lui a laissé à manger. C'est ainsi que peu à peu, elle va revenir à la vie... Voici donc :

    LA RESURRECTION PAR LE POTAGE

    L'odeur, le fumet plutôt, de ce bouillon, l'empêcha de gamberger plus longtemps. Mmm, c'était merveilleux et elle eut presque envie de mettre sa serviette sur la tête pour s'en faire une inhalation. Mais qu'est-ce qu'il y avait là-dedans ? La couleur était particulière. Chaude, grasse, mordorée comme du jaune de cadmium... Avec les perles translucides et les pointes émeraude de l'herbe ciselée, c'était un vrai bonheur à regarder... Elle resta ainsi plusieurs secondes, déférente et la cuillère en suspens, puis but une première gorgée tout doucement parce que c'était très chaud.

    L'enfance en moins, elle se trouva dans le même état que Marcel Proust : "attentive à ce qui se passait d'extraordinaire en elle" et termina son assiette religieusement, en fermant les yeux entre chaque cuillère.

    Peut-être était-ce simplement parce qu'elle mourait de faim sans le savoir, ou peut-être était-ce parce qu'elle se forçait à ingurgiter les soupes en carton de Philibert depuis trois jours en grimaçant, ou peut-être encore était-ce parce qu'elle avait moins fumé mais en tout cas, une chose était sûre : jamais de sa vie, elle n'avait pris autant de plaisir à manger seule. Elle se releva pour aller voir s'il restait un fond dans la casserole. Non hélas... Elle porta son assiette à sa bouche pour ne pas en perdre une goutte, fit claquer sa langue, lava son couvert et attrapa le paquet de pâtes entamé. Elle écrivit "Top !" en alignant quelques perles sur le mot de Franck et se remit au lit en passant la main sur son petit ventre bien tendu.

    Merci petit Jésus.

    Anna GAVALDA, Ensemble, c'est tout, 2004.

    23 commentaires Pin it! Lien permanent