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De la vie des légumes (C. PETITJEAN-CERF)

Imprimer Catégories : Littérature gourmande

Lunaire. C'est l'adjectif que j'emploierai pour qualifier le roman de Cypora PETITJEAN-CERF :

Le_corps_de_Liane

Le samedi 31 août 1985, la deuxième chaîne suspendit la diffusion de Dallas.

Liane et Roselyne arpentaient les allées de Sephora comme deux âmes en peine.

- Tu te rends compte qu'on verra plus Pamela ? répétait Liane à n'en plus finir. Elle attrapa un rouge à lèvres Chanel, dévissa le tube, se passa le bâton sur le dos de la main. Le bâton forma un trait coloré et gras. Liane éloigna sa main pour observer le résultat. La dernière fois que Pamela était apparue à l'écran, elle venait de se faire faire une permanente et elle s'était mise à travailler.

Liane et Roselyne n'avaient pas bien saisi en quoi consistait l'activité professionnelle de Pamela. Elle travaillait dans un bureau, mais il était sans cesse question d'une boutique. C'était confus. Une certitude, cependant : Bobby ne prenait pas au sérieux le nouveau métier de sa femme et Pamela souffrait de ce manque de reconnaissance. Pamela Ewing était victime de l'incompréhension masculine et ni Liane ni Roselyne ne pouvaient lui venir en aide.
La série s'arrêtait pour le moment. La série s'arrêtait et il n'y avait rien à faire.

Longtemps, je n'ai pas su trop quoi en penser. Il m'apparaissait comme un joyeux fourre-tout, un peu foutraque, un peu désordonné, et je ne m'y retrouvais pas. Ces personnages nonchalants, qui subissaient leur destin, toutes ces femmes, cette fascination pour Dallas, tout cela me laissait assez indifférente.

Et puis, petit à petit, je me suis laissée gagner par l'ambiance. Et j'ai notamment beaucoup aimé le personnage de la grand-mère, qui se dessine peu à peu à travers le livre, d'abord brave paysanne du fin fond de sa Bretagne, un peu bécasse, un peu naïve, que l'on va découvrir au fil des pages, jusqu'à un final absolument magnifique.

En attendant, voici un extrait du début du livre, évoquant Huguette, la fameuse grand-mère justement...

De la vie des légumes

A tous les repas, Huguette servait des légumes bouillis, sans viande. Parce que dans la viande se tortillaient des milliers de bactéries alors qu'avec les légumes, au moins, on était sûr. Liane avait du mal à avaler les légumes de sa grand-mère. Ils étaient fades et tièdes. Ils blanchissaient à la cuisson et prenaient des allures de cadavres. A chaque bouchée, Liane avait des hauts-le-coeur.

"Tu ne manges pas beaucoup, ma fille, finit par remarquer Huguette.

- Tes légumes, on dirait qu'ils sont morts", gémit Liane.

Morts ? Huguette se creusa la tête après le dîner. Est-ce que les poireaux décédaient quand on les arrachaient de terre ? Est-ce que c'était possible, ça ? Il fallait reconnaître que les légumes oubliés dans le frigo finissaient par pourrir. Comme des bêtes. Mais est-ce qu'ils étaient morts pour autant ?

Huguette médita une demi-heure devant le réfrigérateur.

Cypora PETITJEAN-CERFPETITJEAN-CERF, Le Corps de Liane, 2007.

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Commentaires

  • Pour moi, ce roman a le même effet que celui d'Anna Gavalda (Ensemble c'est tout)... :)

  • Eh oui, les légumes aussi sont vivants, mais nous n'y faisons même pas attention, pauvres idiots que nous sommes. Ce petit passage est plutôt marrant !

  • Tu as raison, Clarabel, il y a du Gavalda dans ce roman...

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